Nicolas Sarkozy avait le sourire du type faussement serein et franchement inquiet.
Le soir, sur France 2, Nicolas Sarkozy s'est effondré, en direct et en public. Ses opposants, à distance, en furent troublés. Il n'est pas évident que l'impact sur la campagne soit si décisif. Mais sur le moment, ce fut terrifiant.
Il se redressera peut-être, avec le soutien de quelques médias. Mais pour celles et ceux qui l'avaient écouté sans se laisser influencer par des commentaires exogènes, le spectacle fut presque gênant.
Sarkozy s'était rôdé
Un peu plus tôt dans la journée, Il avait invité des députés de sa majorité minoritaire quelque part près de son QG. Il ne peut plus recevoir à l'Elysée, pour ses réunions électorales, comme il le fait depuis 2009. Cela serait trop voyant.
Devant ces quelques dizaines de députés dépités, il chercha les mots justes. Il se renia un peu (le cumul des mandats ? « A un moment donné, on ne pourra pas continuer d'avoir des ministres en charge d'autres responsabilité »). Il testa son nouveau story-telling contre François Hollande: « Pour eux, la haine d'un candidat vaut plus qu'un idéal européen ». Il essaya aussi son argumentaire de propositions: sans programme, il lui restait son « tempérament ».
Il a rôdé son idée, imprécise et confuse, de référendum sur le chômage: « Quand quelqu'un est au chômage, il faut lui proposer un choix de formation qualifiante qu'il ne pourra pas refuser. Je ne serai pas le candidat qui dira : vous ne serez plus indemnisés. On va négocier avec les syndicats. S'il y a blocage, les Français trancheront. »
Mais Sarkozy s'embourbe
Vers 20h15, le président-candidat tenta le sourire, dans son costume noir, avec sa cravate noire. Il était sur France 2, en fin de journal télévisé. Il regardait souvent vers le sol, fuyant son interlocuteur. Le climat semblait tendu. Le journaliste David Pujadas attaqua rapidement sur le climat de la campagne, les insultes et invectives conter François Hollande: « je ne sais pas de quoi vous parlez » répliqua le candidat sortant. « François Hollande ne cesse de changer d'avis ». deux minutes plus tard, il s'excusait de changer lui-même d'avis. Et il nous rappela combien avait été critiqué. On avait presque une larme de crocodile à l'oeil. « Si on ne veut pas être critiqué, il ne faut pas être candidat ». Sarkozy répétait ses propos du matin.
Le journaliste de France2 s'inquiéta ensuite des propositions du Président sortant: « On a peu entendu vos propositions ». Sarkozy manqua de s'étrangler. Il rappela ses deux idées de référendums... Mais il avait déjà fait des propositions, le candidat des riches! Prenez le référendum... Pujadas insista, Sarkozy n'aimait pas le référendum auparavant. Mais non, ce n'était pas vrai, répliqua le Monarque. Il avait organisé deux référendums depuis 2007, sur l'autonomie de la Martique puis de la Réunion. Mais ce n'était pas des référendums nationaux, rappela le journaliste. Nicolas Sarkozy le fusilla du regard. Triste sire... Il dut se rabattre sur son ancienne famille, celle qu'il avait trahit en 1995: « je suis gaulliste; chez les gaullistes, on aime les référendums » nous déclara-t-il en substance. Quelle preuve ! Acculé, il fut contraint à l'aveu: « Ce n'est pas un drame de changer d'avis ». Comme François Hollande ?
Des regrets ?
Le candidat sortant avait beaucoup de regrets à partager, ou pas. Son dîner au Fouquet's ? « Si c'était à refaire, je ne referais... ne reviendrais pas dans ce restaurant puisque que ça a été vraiment le feuilleton. (...) J'aurai l'occasion d'en parler aux Français, mais franchement, si après trois années de crise, cinq années de mandat, c'est la plus grave erreur qu'il faut que je confesse...» Il évoquait son livre-confession, un grand moment de littérature, corrigé par Emmanuelle Mignon, son ancienne tête pensante revenu en urgence il y a quelques jours pour aider la campagne du Monarque.
Nicolas Sarkozy n'a pas la confession facile. Pour s'excuser du Fouquet's, il tacla ses prédécesseurs, Mitterrand, Giscard comme Chirac. « Quand je revois ce qui s'est passé dans la Ve République, les scandales retentissants du Rainbow Warrior, les visites de chefs d'Etat français à des dictateurs ou de réception du général Jaruzelski.. Mais enfin, je dois assumer ma part de responsabilité ». On aurait oublié la Françafrique, le colonel Kadhafi ou le boucher Bachar El Assad sur le perron de l'Elysée.
Evidemment, il a changé. Encore. « On n'a pas tout réussi. (...) Je me suis engagé dans mes fonctions à un point que vous n'imaginez pas. J'ai appris ma fonction de président.»Il aimerait une confirmation. La période d'essai, version Sarkozy, dure 5 ans. Rien que ça. « Forcément, si les Français me font confiance, le second quinquennat sera différent du premier. (...) On apprend soi-même. Le contexte n'a rien à voir.»
Ah... le contexte... ça excuse tous les revirements, n'est-ce pas ?
Le faux naïf
Ce mercredi soir, Nicolas Sarkozy avait visiblement « changé ». L'homme est visiblement instable. Il était à nouveau presque gauchiste. On avait retrouvé le Sarkozy de novembre 2008.
1. Il fut cinglant avec les rémunérations des plus hauts dirigeants qui « devront être votées par l'AG des actionnaires ». Fichtre ! Quelle révélation.
2. Il avait aussi découvert que les revenus financiers sont moins taxés que les revenus du travail. On souriait.
3. Il s'aperçut enfin que « les retraites chapeau, c'est pas pour tout le monde.» Et désormais, promis, juré, craché, il a décidé de les interdire par la loi. La promesse était de ... 2007.
Où était le programme ?
Nicolas Sarkozy avait deux annonces pour ce soir. On eut quelque peine, comme David Pujudas, à comprendre le sens ou la nouveauté. « Je propose » répéta le candidat sortant plusieurs fois.
La première idée fut curieuse. Il annonça vouloir supprimer la prime pour l'emploi pour la remplacer par des allègements de charges sociales. D'après le candidat des Riches, les bénéficiaires de la mesure, mal évalués, pourraient toucher « un peu moins de 1000 euros par an ». On n'avait pas compris si ceux qui perdraient la prime pour l'emploi, quelque 7 millions de personnes, gagneraient tous autant. Sarkozy était confus. Il faudra éclaircir.
La seconde proposition était obsolète: « Je propose qu'on généralise l'obligation de 7h de travail par semaine pour les bénéficiaires du RSA qui ne travaillent pas ». Il y a 10 mois déjà, son ministre de l'Europe passé à l'enseignement supérieur, le dénommé Laurent Wauquiez, avait proposé d'imposer du travail obligatoire aux bénéficiaires du RSA. La démarche était crétine - la France manque de travail - ou démagogique - Wauquiez voulait surtout stigmatiser ces « sales pauvres qui profitent du système ». Il fallut rappeler que le RSA « ramenait 460 euros par mois... quel abus !
Finalement, nous avions compris: Nicolas Sarkozy voulait nous occuper en proposant des mesures incompréhensibles, histoire de nous occuper.
Nous eûmes peur.
Cette campagne sarkozyste allait être très lassante.
En début de journée, on avait appris que François Hollande, comme François Bayrou, ne payaient plus l'ISF... grâce à Nicolas Sarkozy. La nouvelle était désagréablement symbolique pour le président-candidat.
Mais si cruelle.