Après un agréable moment passé dans le village de Negara, nous retrouvons notre boatman Wardi et embarquons pour une croisière d’une heure vers les marais. Cette fois-ci, il est accompagné d’un ami qui parle trois mots d’anglais. C’est gentil de sa part de se soucier de notre communication ! On discute un peu avec lui, moitié bahasa, moitié anglais.
Le paysage est magnifique. Il ressemble un peu à celui du lac Jempang sur lequel nous avons navigué l’an dernier, à Kalimantan Est (voir l’article Excursion sur le fleuve Mahakam). Des marais immenses, des pièges à poissons un peu partout, des aigles qui rôdent, des lilis blancs émergeant des eaux, et les nuages qui semblent venir embrasser la ligne d’horizon. Impression de grandeur, de liberté, de bout du monde. Nous arrivons à la première étable et disons bonjour aux petits buffles qui sont encore trop jeunes pour nager.
Autour, il y a sept étables comme celles-ci, gardées par des « buffaloboys » jour et nuit. Ils nous accueillent avec le sourire. Chaque matin, les buffles d’eau quittent les étables pour aller paître dans les marais. Ils passent ainsi la journée au pâturage, à brouter l’herbe au fond de l’eau, et rentrent avant le coucher du soleil, un peu après 17h.
Nous accostons sur une deuxième étable, et commençons à trépigner intérieurement. Mais où sont ces buffles nageurs ? Quelques instants plus tard, on nous demande de descendre de l’étable et de retourner dans le bateau, pour notre sécurité. Et là, au loin, nous apercevons une masse semblant glisser sur l’eau. La masse s’approche à vive allure, et on commence à distinguer la tête des buffles, qui fend l’eau du lac. La tête est fièrement dressée hors de l’eau, et on a du mal à imaginer que là-dessous, ils « rament » comme des fous pour flotter.
La scène est impressionnante et tellement improbable. Je suis aux anges, le sourire tiré jusqu’aux oreilles, comme avec les orangs-outans ! J’avais déjà vu des buffles d’eau au Laos et à Sulawesi, mais c’était des animaux de trait, qui ne nageaient pas ! Ils sont peut-être une trentaine par étable. Arrivés au pied de l’édifice en bois, ils grimpent en glissant le long des rampes d’accès.
L’étable se remplit rapidement, et lorsqu’il n’y a plus de place, les buffaloboys chassent les buffles restant. Ceux-ci se dirigent naturellement vers les étables voisines. Les pauvres, on a l’impression qu’ils sont épuisés ! Ils peuvent nager jusqu’à 5km par jour, alors quand on les voit se faire rembarrer, on a un peu pitié d’eux.
On a envie de poser plein de questions, mais notre niveau de bahasa n’est pas suffisant, et notre ami interprète ne maîtrise pas assez l’anglais non plus. J’ai juste réussi à savoir que ces buffles appartiennent à de riches citadins qui les laissent ici en pension. Et qu’un buffle coûte environ 1000 $.
Nous quittons les lieux avec le sentiment d’avoir encore vécu un moment unique, privilégié, hors du commun. Il y a la rencontre fantastique avec les buffles bien sûr, mais aussi cet échange d’une grande richesse avec les habitants de Negara. C’est fou la capacité qu’a ce pays à produire des instants magiques. Et plus on explore des lieux reculés, plus ces instants se multiplient. Clairement, le fait de pratiquer un minimum le bahasa nous permet d’établir le contact, mais je pense que les rencontres sont belles parce que la curiosité existe des deux côtés. Et rien que pour ça, nous continuerons à découvrir l’Indonésie.
⊕ Infos pratiques
Voiture Kandangan -> Negara : 1h, 20 000 Rp / personne
Visite des canaux et des marais (buffles d’eau) en bateau : 4h, 300 000 Rp
Voiture (charter) Negara -> Kandangan : 1h, 80 000 Rp