Magazine Côté Femmes

Mes premiers e-médecins

Publié le 22 février 2012 par Cathcerisey @cathcerisey

Pourquoi ce titre? Et bien en réponse au très joli post intitulé “ma première e-patiente” du Docteur Jean-Marie Vailloud, alias Grange Blanche, blogueur et twittos extrêmement connu dans le milieu des médecins 2.0, encore bien trop rares sur le net. Ce jeune médecin a reçu récemment et pour la première fois (!), un spécimen de e-patiente. Il nous  fait un long rapport de sa consultation hautement applaudi par ses pairs. 

Ce billet, je dois l’avouer, m’a séduite dans un premier temps. Enfin un médecin (si, si) qui écoute et entend  son patient et son désir de connaître et comprendre sa pathologie au delà de ses propres explications. Enfin un médecin qui ose parler de ce rapport paternaliste désormais obsolète qui régissait jusqu’alors les rapports médecins/patients. Un médecin qui accepte le changement de la donne en grande partie du à la révolution internet. Un médecin qui va jusqu’à applaudir ce qu’il appelle  à mon avis de  manière erronée mais j’y reviendrai, “la quête d’indépendance” des patients. Mais à la réflexion, cet article largement retweeté et plébiscité par la communauté santé 2.0 me dérange au plus haut point et pointe du doigt une nouvelle fois le fossé qui existe entre le corps médical et les malades.

En effet, ce médecin présent sur la toile en tant que blogueur depuis fin 2008, auteur de 4730 tweets, ce qui n’est pas rien, découvre seulement en février 2012  l’existence des e-patients ! Et c’est au travers d’une charmante Mamie qui lui confesse sa quête sur internet d’un appareil d’auto-mesure en rapport avec sa pathologie. Le Docteur Vailloud, dubitatif dans un premier temps finit par trouver l’idée géniale ! Il lui aura donc fallu presque 4 ans à lui, médecin 2.0, geek de la première heure, pour ouvrir les yeux et s’apercevoir que les malades ont, eux aussi accès à internet, et s’en servent pour autre chose qu’acheter leurs escarpins sur sarenza.com. Et au bout de ces longues années, au contact de ce specimen il est encore sceptique avant de céder à l’évidence : cette femme a bien fait.  Oui, c’est un fait, le e-patient existe, vous l’avez enfin rencontré et il n’est pas aussi bête et pataud que vous avez pu le croire !!!! D’ailleurs une question me taraude : vous devez avoir une dizaine de patients par jour au bas mot, comment se fait-il que vous n’ayez pas croiser le chemin d’un de ces rares cas de e-patient dans votre clientèle? Auraient-ils tous eu peur de vous en parler ? Avouez que 4 ans c’est un peu long pour se rendre compte d’une réalité que beaucoup ont déjà comprise.

D’autre part, on peut lire dans l’article : “Certains patients veulent chercher des informations, voire des prises en charge, par eux-même, sans passer par leurs professionnels de santé. Parfois, nous nous conduisons a contrario en parents sur-protecteurs en interdisant à nos patients d’aller explorer le vaste monde par eux-mêmes, ou, ce qui revient au même, en leur faisant peur. Et eux se conduisent en gamins qui ont fait l’école buissonnière ou une connerie et n’osent pas le dire. J’emploie cette analogie parents/médecins et enfants/patients à dessein car bien que je m’y sois toujours opposé, c’est exactement ça. Et chacun joue parfaitement son rôle, même à son corps défendant…. “Et plus loin :  “ Nous devons conseiller nos patients, pas leur ordonner, leur montrer les pièges, pas les faire disparaître, leur donner des outils, pas les produits finis, voire, niveau supérieur, les responsabiliser en stimulant leur désir d’indépendance”.

Vous croyez donc si je vous suis bien, que le patient, adulte je vous le rappelle, a besoin de vos conseils et de votre stimulation pour acquérir, à l’instar d’un adolescent boutonneux, son indépendance vis à vis de son père euh pardon… médecin. N’est-ce pas encore des propos qui rappellent fortement le rapport paternaliste que vous décriez plus haut?

Cher Docteur, d’après vous, les e-patients ne seraient donc pas capables par eux-même de déjouer les pièges de cette horrible toile d’araignée qu’est le web. Le patient va  forcément se perdre dans les méandres des sites de santé qui foisonnent sur le net… et donc c’est grâce à vous et à vos judicieux conseils qu’il retrouvera son chemin?

Soyons honnêtes : leur conseillerez-vous des blogs de patients comme le mien ou des forums dans lesquels ils puisent des infos précieuses qui, même si elles n’ont pas valeur scientifique, nous aident à vivre notre pathologie au quotidien. Parce que, je vous le rappelle, une consultation dure au mieux une heure (et je suis volontairement large) ; il se passe parfois des semaines entre deux rendez-vous … Pourtant le malade vit sa pathologie, sa peur, ses effets secondaires … 24h/24, 7 jours /7 et vous n’êtes pas toujours là pour nous apporter les réponses dont nous avons besoin et que nous trouvons dans les nombreuses communautés ou sites que nous visitons. Ces réponses que vous n’avez peut être même pas !

En conclusion il me semble que l’éducation que vous désirez nous prodiguer relève encore d’un sentiment de toute puissance commune à tant de vos pairs, dont vous paraissez vous désolidariser parce que, vous en convenez, cette vision est complètement dépassée. Mais si vous semblez être un médecin ouvert, certainement hautement compétent et qui plus est véritablement 2.0, vous êtes, si je peux me permettre, en retard de quelques trains!

J’ai bien sûr tweeté ce post mais en mettant un petit mot à destination de ce médecin afin d’engager la conversation. Et bien rien, nada ! Monsieur ne s’abaisse pas à répondre à un patient tout “e” soit-il ! La théorie – conversons avec le e-patient- est belle mais de là à passer à la pratique !

Et ça me permet de rebondir pour finir ce long article sur cette petite communauté de médecins 2.0 –, qui se moquent à longueur de tweets de leurs patients. Sous le hashtag #PPCS (première phrase de consultation) on peut lire les perles que ces pauvres praticiens entendent tout au long de leur journée. Quelques exemples :

Mes premiers e-médecins

Mes premiers e-médecins

Mes premiers e-médecins

Il y a quelques jours ils ont inauguré un autre hashtag MMB (merci ma bouche) qui est tout aussi édifiant :

Mes premiers e-médecins

Doit-on, et je parle aussi au Dr Lucas vice president du CNOM (Conseil de l’ordre des médecins), autoriser les blagues de potaches, dignes des salles de garde, dans un réseau social vu et lu de tous ? Et ce même s’ils se cachent sous des pseudos et un anonymat relatif (cf Grange blanche don’t j’ai trouvé l’identité en trois clics sur son blog)!  N’y a-t-il pas meilleure utilisation d’internet pour ces jeunes médecins? Doit-on les laisser se moquer ouvertement de leurs patients avec des blagues plus que limites sans rien dire ! Je tiens quand meme à préciser qu’à l’instar de ma tentative avec Grange Blanche, j’ai essayé à plusieurs reprises de rentrer en contact avec eux sans succès. Ils nous ignorent superbement et restent dans un monde clos peuplé de haschtags idiots et méprisants !

Alors oui, je suis définitivement pour que les médecins viennent rejoindre leurs patients sur la toile. Je suis pour qu’ils puissent s’y retrouver pour discuter, échanger et s’apprendre mutuellement des choses. Je suis pour qu’ils prolongent au delà du net ce partenariat essentiel pour tous dans une absolue consideration de l’intelligence et du libre arbitre de chacun. Heureusement que ces médecins cités plus hauts, ne sont pas mes premiers e-médecins comme je l’ai dit de manière provocatrice dans mon titre, la déception aurait été rude….  Alors Mesdames et Messieurs les e-médecins, changez d’attitude vis à vis de nous, ouvrez vos yeux sur la nouvelle réalité, répondez-nous, osez vous mélanger et descendre de votre piédestal qui devient très instable ! Parce qu’en tout cas, croyez- moi, si les e-médecins ne viennent pas aux e-patients, ce sont les e-patients qui viendront à eux !

Catherine Cerisey e-patiente


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Cathcerisey 31922 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines