Sécurité : des interrogations

Publié le 22 février 2012 par Toulouseweb
Une analyse de l’OACI confirme qu’il reste beaucoup à faire.
L’Organisation de l’aviation civile internationale joue un rôle primordial en matière d’amélioration de la sécurité aérienne et, au fil des années, multiplie analyses et recommandations qui cherchent à diminuer encore et encore le nombre d’accidents et celui des victimes qu’ils provoquent. On le sait, avec environ 700 morts par an pour plus de deux milliards et demi de passagers, l’aviation commerciale constitue un mode de transport sûr, le plus sûr de tous, même si le rail fait aussi bien. Mais il n’est évidemment pas question d’en rester à un quelconque satisfecit.
Pour la première fois, l’OACI a établi une synthèse attentive et détaillée de la situation actuelle, un état des lieux bienvenu, pour d’évidentes raisons d’impartialité et de crédibilité. Il n’en ressort évidemment rien de fondamentalement nouveau, si ce n’est une impression diffuse de légère inquiétude. En effet, les statistiques confirment tout à la fois l’ampleur des progrès obtenus au fil des temps et la relative stabilité observée depuis 2005. Bien sûr, le nombre de vols augmente mais celui des accidents est grosso modo constant, tout comme le nombre de victimes. Du coup, les chiffres ne sont pas tout à fait ceux que l’on souhaiterait découvrir.
L’OACI, dans le cadre de ce travail, n’a pris en considération que les vols commerciaux réguliers, ce qui est logique. Avec 4 accidents par million de vol en 2010 (l’analyse de l’année 2011 n’est pas terminée), on pourrait parler de victoire, de récompense méritée au terme d’efforts incessants et persévérants. Mais ce ne serait pas tout à fait justifié : ce niveau de sécurité est grosso modo stable, pour ne pas dire qu’il stagne. Il y a eu 3,9 accidents par million de vol en 2009, 4,6 en 2008, 4 en 2007, 3,9 en 2006. Pour dire les choses brutalement, la tendance n’est donc pas tout à fait celle que souhaitent les différentes parties concernées.
Bien sûr, il convient de faire preuve de prudence dans le commentaire et de rappeler, une fois de plus, que toutes les régions du monde ne sont pas égales devant la sécurité aérienne. L’Amérique du Nord est à l’origine de 35% des vols mais de 29% seulement des accidents, les chiffres sont de 24 et 20% respectivement pour l’Europe mais, à l’autre extrémité des statistiques, l’Afrique, lanterne rouge, apparaît pour 14% des accidents alors qu’elle n’intervient que pour 3% du trafic.
L’OACI déploie des efforts tous azimuts, parle d’approche pragmatique basée sur les risques, dit s’en prendre aux problèmes émergents ou encore à des défis «plus prononcés» que d’autres. La surveillance est omniprésente, les spécialistes ne quittent pas les indicateurs des yeux, cherchent à déceler des tendances nouvelles, cela tout en vérifiant l’efficacité de la supervision confiée aux Etats. Apparaissent de nouveaux outils d’analyse, des niveaux améliorés d’information qui permettent de façonner ce que l’Organisation appelle une boussole de sécurité. Les principales causes d’accident sont inchangées : incidents sur pistes, pertes de contrôle en vol, impacts sans perte de contrôle.
Les recherches se poursuivent inlassablement, donnent lieu à de nouvelles recommandations, devraient parfaire le déroulement des enquêtes, et cela en envisageant des moyens nouveaux. L’OACI se penche notamment sur la possibilité de mettre en place des sources alimentation alternatives qui feraient fonctionner les CVR (Cockpit Voice Recorder) pendant 10 minutes après l’interruption de leur source d’alimentation principale. Il est aussi question d’enregistreurs éjectables, de transmission continue des données, de radiobalises qui émettraient pendant 90 et non pas 30 jours. On retrouve ainsi quelques-uns des enseignements tirés de l’accident du vol AF447 de 2009. La gestion des risques liés à la fatigue figure également en bonne place parmi les travaux en cours à Montréal.
Reste le fait que les statistiques de sécurité aérienne, aussi remarquables soit-elles, se situent malheureusement en-deçà d’objectifs (non exprimés) implicitement liés à la croissance du trafic. Dès lors, en aucun cas la simple stabilité n’est acceptable.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(Photo: NTSB)