Mes yeux s’attardent sur cette femme qui approche lentement du taxi. Elle semble hésitante et pour la rassurer, je lui souris en la saluant de la main. Avant même qu’elle soit à bord, je suis happé par la tristesse de son regard.
Une fois qu'elle s’est assise derrière moi, je me retourne pour m’enquérir de sa destination. C’est surtout un prétexte pour examiner plus minutieusement ces deux charbons brûlants d’une mélancolique beauté. Un regard couleur nuit.
Chemin faisant, je ne peux m’empêcher de l’observer dans mon rétroviseur. Elle n’est pas particulièrement belle, ses cheveux sont sales et les vêtements qu’elle porte ne sont pas tellement plus propres. Pourtant, je suis envoûté par les yeux de cette passagère et je ne peux m’empêcher de poursuivre mes discrètes oeillades.
Ma passagère a tôt fait de repérer mon indélicate observation. Me piégeant à mon propre jeu, c’est à son tour de me regarder intempestivement par rétroviseur interposé. Pour rompre le charme et briser la glace, je lui demande de me répéter l’adresse où elle veut que le la conduise.
J’en profite pour l’interroger sur l’origine du joli accent de sa voix. C’est un prétexte pour pouvoir poursuivre ma contemplation, mais lorsqu’elle me dit qu’elle est originaire d’Iran, je comprends la tristesse de son regard. J’entrevois la noirceur qui s’y est immiscée.
Elle va me parler de la possibilité de cette guerre, des intégrismes, d’une Perse révolue et de sa famille là-bas à Téhéran. Elle va me faire comprendre la chance que j’ai d’être né dans un pays où règne la paix, où l’on est encore libre de ses actes.
En fait, elle ne m’a rien dit de tout ça.
Je l’ai compris dans la douleur de son regard, je l'ai lu dans ses yeux persans.