Nicolas Sarkozy et les siens cherchent à ouvrir une brèche sur le caractère de François Hollande et établir un fondement sémantique pour la campagne où la Vérité serait de leur côté, tandis que l'Illusion, le Flou et le mensonge seraient du côté du socialiste. Ce dernier a eu le bon goût de ne pas répondre, mais de dénoncer la manoeuvre ce qui est, à mon avis, une bonne tactique pour le court terme, mais qui ne suffira pas par la suite, car le Pouvoir a les moyens de faire beaucoup de bruit, "vacarme" dirait Juan, et de faire passer, par force presque, des messages simples dans l'inconscient de l'électorat.
Le but de l'opération est aussi de mettre Hollande sur la défensive, rôle qu'il a raison de refuser. Il faut bien, cependant, faire quelque chose. Hier, donc, Ségolène Royal a mis à profit son statut de non-candidate pour cogner un peu :
"Il ne va pas là ou les français souffrent. Concernant des sites industriels ou des entreprises en péril. Elle explique que ”Tous ces sites ont reçu soit la visite du candidat de l’UMP soit celle d’un ministre et, derrière, il ne s’est rien passé”.
Et puis elle ajoute cette phrase :
"Quand on ne tient pas ses promesses, c'est une forme de corruption de l'action publique", a-t-elle martelé.
Le message est clair : si Sarkozy veut s'imposer comme propriétaire de la parole Vraie, il va falloir qu'il assume tout ce qu'il a dit.
Pour un public averti, c'est en effet époustouflant d'entendre le Très Grand Homme (TGH) tenter d'accaparer un monopole de la parole sincère, lui qui, depuis cinq, dix ans ne cesse de "communiquer" en tordant le moindre fait à son avantage. Dans la publicité, le message est d'abord destiné à couvrir les faiblesses du produit. Le fait même de tenter de se représenter comme celui qui parle "Le Vrai" montre à quel point son propre discours est devenu publicitaire.
La phrase de Royal a cette petite pique supplémentaire, un petit excès qui est un peu sa marque, qui répond à la dimension morale de l'affaire : "corruption". Le même jour, l'affaire Borloo-Véolia pointe son nez. Voilà de la sémantique.
L'efficacité des mots de Royal aura en plus servi à abîmer encore davantage la réputation d'intelligence et d'intégrité de Nathalie Kosciusko-Morizet qui, après avoir affirmé que la "pire violence" était le flou (si si, elle a vraiment dit ça), a cru bon de dénoncer "une volonté des socialistes de criminaliser le débat politique", montrant par là que la "responsabilité" et la moralité, si chères au TGH, ne doivent s'appliquer qu'à gauche.