Délits d’Opinion : Les instituts de sondages indiquent que Nicolas Sarozy n’a pas réalisé un bond spectaculaire depuis son annonce de candidature. Peut-on parler d’un départ manqué ?
François Kalfon : L’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy répondait à plusieurs objectifs. Tout d’abord il lui fallait rassembler les droites en réduisant le nombre de concurrents dans son propre camp. Sur ce point là il a réussi car il est parvenu à « faire le ménage à Droite ». Les retraits de Christine Boutin et d’Hervé Morin avant et après sa déclaration, mais aussi la décision de Jean-Louis Borloo cet hiver, lui ont « donné un peu d’air » et explique en partie la légère remontée. Ainsi, mécaniquement, en six semaines, il est parvenu à reconstruire le face-à-face avec François Hollande alors que beaucoup évoquaient déjà un possible match à quatre. Deuxièmement, il a éloigné le spectre d’un 21 avril à l’envers. Enfin, il est parvenu à regrouper les différentes composantes de la Droite classiques jusqu’ici hésitantes car incertaines de sa décision et de son positionnement. Mais à quel prix ?
Pour autant, ces mécanismes non pas fait disparaitre le rejet massif dont il est l’objet, encore aujourd’hui. Ce constat apparait très clairement dans les enquêtes mesurant la popularité très basse dans la durée du chef de l’état depuis l’automne. Les chiffres indiquent moins d’un tiers de soutiens de sa politique auprès des Français contre deux tiers qui la rejettent. Ces éléments permettent d’expliquer pourquoi, à ce jour, il lui est impossible d’aller au-delà de son propre électorat et d’atteindre 30% au premier tour. Plus inquiétant pour le candidat UMP : son incapacité chronique à impulser un mouvement de bascule lors du second tour. 2012 reste donc un référendum pro ou antiSarkozy aujourd’hui nettement en sa défaveur avec un niveau moyen de 56/44 historiquement bas pour un président sortant.
Face à cet état de fait, sa tactique consiste à tout faire pour passer devant Hollande au premier tour. Ce pari risqué n’est pas aujourd’hui impossible si l’on considère que l’écart se situe entre 2 et 4pts selon les instituts et que nous sommes donc dans la marge d’erreur. Pour autant, ce changement de l’ordre d’arrivée le soir du 22 avril au soir ne saurait modifier en profondeur le rapport de force au second tour. En effet, la mesure du sentiment de rejet qui caractérise aujourd’hui le Président sortant se traduit par des reports convergents de tous les électorats sur François Hollande au second tour; et ce à des niveaux impressionnants.
Délits d’Opinion : François Hollande conserve la tête mais n’a pas trouvé l’équation miracle pour s’assurer le soutien d’une large majorité de l’électorat populaire. Cet electorat va-t-il,comme en 2007, faire le Roi ?
François Kalfon : François Hollande est déjà le premier candidat chez cet électorat. Selon le dernier rolling Ifop il conserve une courte avance par rapport à ses opposants chez les ouvriers notamment. Il est le numéro 1 (31/30%) devant Marine Le Pen (environ 29%), loin devant Nicolas Sarkozy (15%) alors que Jean-Luc Mélenchon qui revendique pourtant son ancgrage populaire semble distancé. Chez les employés, Hollande pointe même à 35%, Le Pen à 25% et Sarkozy à 15%. Ces chiffres sont donc la confirmation que la campagne menée par François Hollande porte ses fruits (à l’automne, il accusait 15 ptsde retard sur Marine Le Pen dans cet électorat).
L’électorat populaire reste en 2012 un des enjeux majeurs du scrutin, a fortiori en cette période de crise. Le candidat de la gauche l’a bien compris et force est de constater que le discours du candidat Hollande sur les thématiques de la république, de la nation, du travail, de la sécurité et du patriotisme lui a permis de répondre aux attentes formulées par ces Français qui en 2007 avaient répondu à l’appel du candidat Sarkozy ».
Délits d’Opinion : Les intentions de vote en faveur de François Bayrou semblent s’effriter et le candidat Modem voit s’loigner la qualification pour le 2nd tour. Comment doit-il revoir sa stratégie s’il veut s’y inviter?
François Kalfon : Les trente derniers jours ont constitué une première rupture dans cette campagne avec le passage d’un scenario de match à quatre à celui, plus probable, d’un duel entre François Hollande et Nicolas Sarkozy. La bipolarisation tend à l’emporter car les challengers tardent à trouver un second souffle ainsi que la ou les thématiques qui pourraient les faire remonter dans les intentions de votes. Le candidat du Modem se trouve aujourd’hui face à un paradoxe car il si il tent ede rassembler l’électorat de « l’extrême centre », pour citer Jean-François Kahn, mais il ne peut plus compter sur les déçus de Ségolène Royal comme en 2007: ceux qui lui avaient permis de passer de 12% à 18%. En 2012, François Hollande parvient à rassurer la Gauche et le Centre gauche, limitant ainsi l’espace disponible. François Bayrou, lui l’européen, a également tenté de séduire l’électorat qui avait voté NON au référendum sur la Constitution en 2005. Cependant, il apparait que cette triangulation qui viserait à faire de Bayrou le défenseur de ceux qui sont opposés à la mondialisation ne semble pas prendre auprès de l’électorat populaire. A ce jour sont socle est constitué principalement des catégories socioprofessionnelles supérieures et d’un ancien électorat UDF provincial.
En pratique il semble donc quasi impossible à Bayrou de se hisser au second tour, surtout s’il ne parvient pas à identifier la martingale qui ferait de lui un recours face aux deux favoris. On peut conclure en disant que le succès du Président du Modem dépend sans doute plus d’un hypothétique défaut ou du trou d’air dans la campagne de l’un des deux hommes de tête que de sa propre campagne. A deux mois du premier tour il apparait très clairement que la Gauche qui l’avait soutenu en 2007 est rentrée au bercail et pour de bon.