Bref, ce mardi, le Monarque voulait occuper le terrain.
Il nous avait promis une « Blitzkrieg », une curieuse expression propagée par ses communicants.
Depuis jeudi dernier, la mayonnaise sarkozyenne ne prenait pas.
Cela sonnait faux, parfois stupide, souvent improbable.
Derrière Le Pen
La polémique a bien pris, et le projet est enterré. Jean-Louis Borloo ne pourra pas prendre la place d'Antoine Frérot à la tête de Véolia. Mais Nicolas Sarkozy était passé à autre chose. Il s'est presque moqué de l'affaire, agacé: « j'apprends que Borloo est au cœur de la Sarkozie, qu'il est mon ami intime. C'est la bonne nouvelle du jour! » (dixit Nathalie Schuck du Parisien)
Ce fut une surprise. Il s'est pointé vers 4 heures du matin à Rungis. Le déplacement n'avait pas été annoncé au programme officiel, mais le Président des Riches avait embarqué une flopée de journalistes avec lui. Il tenait à développer son image de candidat du peuple: « j'adore cet endroit. Ici, on fait un carton! ». Les récents sondages sont toujours mauvais, malgré sa « Blitzkrieg » depuis mercredi dernier. L'électorat était volatile, surtout chez Sarkozy.
Il y avait surtout urgence. Marine Le Pen avait lancé un improbable polémique sur la viande halal en Ile-de-France. Et le candidat des Riches est très attentif à chiper ce qu'il peut de l'électorat frontiste.
En mai 2008 déjà, il s'était livré à l'exercice, à Rungis. A l'époque, Carla Bruni-Sarkozy l'avait accompagné. Cette fois-ci, elle est restée dormir. «Carla voulait venir mais avec la petite, ce n'était pas possible» a confié son « mari ». A Rungis, le plus grand marché de produits frais d'Europe, le président-candidat a serré beaucoup de mains, bu un café noir, rencontre
é quelques bouchers pour mieux fustiger la récente outrance de Marine Le Pen: «La polémique n'a pas lieu d'être. On consomme chaque année en Ile-de-France 200 000 tonnes de viande et il y a 2,5% de viande casher et halal ». Un employé, interrogé par BFM-TV, commenta sobrement: « Faudra qu'il nous propose du nouveau vraiment nouveau ».
Le « QG de démonstration »
Quelques heures plus tard, il n'était déjà plus à son « QG de démonstration » de la rue de la Convention, mais à l'Elysée, pour son traditionnel petit-déjeuner des responsables de la « majorité ».
Il voulait rassurer sur ses déclarations du weekend. A Marseille, il avait pourtant confié qu'il envisageait une part de proportionnelle dans le scrutin législatif « de l'ordre de 10%»... Quel revirement !
A l'UMP, les députés n'aiment pas trop la perspective d'une introduction d'une dose de proportionnelle dans les les prochaines élections. On est aussi un peu tendu, l'entrée en campagne n'a eut quasiment aucun effet sur les sondages de premier et de second tour : « Quand j'ai parlé de cela, ce n'était pas pour les élections à venir. Ceux qui évoquent l'hypothèse d'un changement pour les prochaines élections ne sont pas autorisés à le faire, c'est une stupidité ».
Sarkothon en Charente
Ensuite, il a pris le TGV pour la Charente-maritime. Il redécouvre le train. Cela fait plus « peuple » que le jet privé, comme la semaine dernière à Annecy. En Charente, il voulait faire d'une pierre deux coups. Rencontrer la « France des usines » et les malheureux de Xynthia.
Sur place, il eut donc un mot, à distance, l'air grave et sérieux, pour les employés d'Arcelor-Mittal à Florange: «Je ne veux pas que Florange meure. Bien sûr il y a la crise, moins de demande d'acier, mais on fera tout pour que Florange rouvre ». A 60 jours du scrutin, Nicolas Sarkozy fera tout pour être réélu. On aurait adoré l'entendre faire la même déclaration devant ce délégué CGT de Florange qui, les larmes aux yeux, criait aux caméras: « on a la rage ! »
A Florange, une grosse centaine de salariés d'une intersyndicale CFDT, CGT, FO et CFE-CGC avaient décidé de devenir le «cauchemar» du candidat Sarkozy. Depuis lundi, ils occupaient les bureaux de la direction de l'usine d'Arcelormittal. Le groupe indien avait fermé « temporairement » l'établissement.
La déclaration du Monarque n'avait séduit personne. Les réactions ont fusé: « Mais qu'est-ce qu'il croit Sarko? Que Florange se rallume comme un four de pizza? » ou encore: « Nous, ce qu'on lui demande, ce n'est pas qu'il parle avec les dirigeants d'ArcelorMittal, mais qu'il téléphone directement à Lakshmi Mittal pour qu'il arrête de détruire notre outil de travail ».
Depuis 2007, la France a perdu 900 usines et à nouveau 100.000 emplois industriels.
Sarkozy a bien rencontré des ouvriers, mais pas ceux de Florange. Il avait préféré Alstom à Aytré. Une trouille de dernière minute, sans doute. Il a quand même déjeuné à la cantine de l'entreprise avec les salariés de l'entreprise. Il eut quelques phrases bizarres, debout sur une estrade, à propos de la prise de participation de l'Etat dans Alstom: « Preuve que ça va mieux, l’Etat a pu revendre les actions en faisant des bénéfices ».
Mais il n'eut pas un mot pour commenter les 4 millions d'euros de stock-options du PDG de l'entreprise.
Candidat fictif ?
Depuis jeudi dernier, le Monarque joue au candidat du peuple. Ses communicants avaient rodé la scénographie. Sarkozy accepte des caméras plus proches, il marche même dans la rue (dans le XVème arrondissement, n'exagérons rien), il sourit aux passants, il donne de l'accolade. Ses photographes officiels nous donnent des clichés de sa vie quasi-quotidienne: « Sarkozy au travail », « Sarkozy à la cantine », « Sarkozy dans la rue », etc. De temps à autre, à la télévision, on apercevait l'habituelle cohorte des inévitables gardes du corps planqués aux alentours.
Cette mise en scène était ridicule. On savait bien que les exigences de protection d'un président l'empêchaient à cette proximité. Pourquoi se forcer à une telle mascarade ? Faut-il prendre l'électrice et l'électeur pour des abrutis ?
Mercredi soir, Nicolas Sarkozy sera sur France 2. David Pujadas s'est personnellement rendu au QG de démonstration. Allait-il chercher les questions ou les réponses ? On espère que le candidat sortant exposera son programme.
Il serait temps.
Il ne reste que 60 jours.