La tradition peut souvent agir comme une prison, une grille qui nous empêche d’avancer, sortir d’où nous sommes. Je me souviens d’une discussion avec une proche du président qui expliquait le marasme de son pays par le fait qu’il n’y avait jamais eu de révolution. On a bien évidemment réussi à sortir les esclavagistes il y a plus de deux cents ans, mais malheureusement pas pour sortir l’esclavagisme dans les rapports sociaux : « Comme peuple, on ne sait jamais vraiment révolté. Il faudra qu’un jour, on force une vraie rébellion, que les choses changent vraiment. On est un peuple trop discipliné, il nous manque de rebelles. » Je l’avoue, j’ai souvent cette pensée secrète, il manque de rebelles dans cette société. Pas de petits rebelles, la délinquance individualiste étant une des plaies dans ce petit pays, mais de vrais dissidents, ceux qui font éclater les murs. L’haïtien qui conduisait le taxi qui nous ramené de l’aéroport Trudeau à l’appartement hier soir a parfaitement illustré cette idée : « À cause de mon éducation, celle que mes parents m’ont donné, je n’aurais jamais pu voter pour Martelly. » On entend souvent que les haïtiens sont de grands adolescents, un peu irresponsables. Il ne resterait donc qu’à passer à la phase du développement qu’on appelle la crise d’adolescence. Question de faire sauter le modèle défini par les parents, par la tradition.