Parce que derrière le discours philosophico-politique, il y a l’existence philosophico-politique.
L’élève dissipé
Maurizio Viroli naît en 1952 à Forlì, ville italienne située en Émilie-Romagne. Dans les années 50, la vie à Forlì était dure pour ceux qui, comme Viroli et sa famille, connaissaient la pauvreté. Sa scolarité élementaire se déroula à l’Institut Spazzoli. Il se distingua par la plus mauvaise note de conduite mais obtint les meilleures notes en contrôle de connaissances. Il se fit deux ou trois fois renvoyer en raison de son comportement trop agité. Toutefois, il conserva un bon souvenir de son maître Baldassari, avec qui il deviendra par la suite ami. Sa scolarité secondaire se poursuivit à l’Institut Pascoli et ses résultats prirent le même chemin qu’à l’école élémentaire. Viroli obtint son diplôme avec la plus haute note en contrôle de connaissances, mais récolta un 6 en conduite. En y repensant maintenant à l’âge adulte, Viroli se souvient qu’il avait envers l’école un profond sentiment de malaise et d’insatisfaction en raison de la solitude qu’il ressentait. Ses parents étaient toujours à l’extérieur et lorsqu’ils étaient à la maison Viroli voyaient leurs regards préoccupés. Son père était au chômage et sa mère enchaînait des travaux peu valorisants.
Le tournant de la conscientisation politique
Ce fut l’oncle de Viroli, un géomètre, qui l’encouragea à poursuivre ses études et l’inscrivit au lycée scientifique Fulceri Paolucci de Calboli. Les années de lycée sont les seules années à Forlì dont Viroli garde de beaux souvenirs. C’est lors de sa première année de lycée que sa vie prit un important tournant, celui de la politisation à travers l’organisation des mouvements sociaux de 68. Dans les cercles militants, il entendait ses camarades citer Marx, Che Guevara, Engels, Lénine, Marcuse. C’est alors qu’il se mit à lire les journaux — choses inconnues jusqu’alors pour lui, car absentes de la maison de ses parents, et même choses traumatisantes, car sa non-lecture des journaux lui avait valu une mémorable séance d’humiliation scolaire par une de ses professeurs. C’est par ces expériences militantes de l’année 68 que Viroli devint un jeune homme engagé et passionné politiquement.
Le choix universitaire de la philosophie politique
Les années passèrent et vint le moment du choix d’orientation universitaire. Viroli choisit la philosophie car, confie-t-il aujourd’hui, il était amoureux de sa professeure de philosophie au lycée. Les premières paroles de sa professeure furent «le programme de cette année prévoit la révolution et l’Italie, malheureusement, n’a jamais eu de révolution» et, ce jour-là, Viroli se dit à lui-même que c’était sa voie. Après le lycée, Viroli partit donc étudier la philosophie, plus précisément à l’université de Bologne. Il finança toutes ses années d’études en mêlant bourses d’études au mérite et emplois en parallèle des études. À Bologne, il cessa de participer à la vie politique universitaire, il quitta le groupe de gauche révolutionnaire Lutte Continue mais s’inscrivit au Parti Communiste Italien. Viroli partit ensuite à Florence, à l’Institut Universitaire Européen, où il fit sa thèse de doctorat sur Jean-Jacques Rousseau. Viroli passa différents concours pour obtenir un poste dans des universités italiennes mais ne fut jamais sélectionné. Un jour en 1985, une de ses amies qui étaient à l’Institut des Études Avancées de Princeton, lui transmit l’information que son institut recherchait un professeur assistant ent théorie politique. Sans trop y croire, Viroli envoya sa candidature, laquelle, avec deux autres, fut retenue parmi deux cents cinquante candidatures. Il reçut ensuite une convocation pour se rendre à Princeton pour passer un entretien. Deux mois plus tard, il reçut une réponse positive.
Le philosophe politique engagé
Viroli est actuellement professeur ordinaire de théorie politique à l’université de Princeton. Mais il retourne souvent en Italie. S’il n’est plus membre du Parti Communiste Italien, il estime que le rôle d’un intellectuel, et tout particulièrement un théoricien politique, est de prendre position dans les débats politiques et s’impliquer dans des activités civiques. Il fut collaborateur de la Présidence de la Chambre des Députés, entre 1996 et 2001, et conseiller aux activités culturelles de la Présidence de la République italienne durant le septennat de Carlo Azeglio Ciampi, entre 1999 et 2006. Il est aujourd’hui chroniqueur pour différents journaux italiens, Il Sole 24 Ore, La Stampa et Il Fatto Quotidiano et il dirige un master d’«éducation civique», qui a pour ambition de faire renaître chez les italiens une vertu civique, proposé dans la ville piémontaise d’Asti, fruit de la collaboration de professeurs de l’université de Princeton et de l’organisation à but non lucratif Ethica. Enfin, dans deux de ses récents livres, La libertà dei servi et L’intransigente, il inscrit clairement son néo-républicanisme dans une lutte contre le berlusconisme.
Sources :
- interview donnée au journal InMagazine en février 2011
- interview donnée à l’émission Booknotes en février 2001 : http://www.booknotes.org/Watch/160904-1/Maurizio+Viroli.aspx
- page de présentation personnelle sur le site de l’université de Princeton : http://www.princeton.edu/~viroli/Maurizio_Viroli/Welcome.html
- page de présentation du master d’éducation civique sur le site d’Ethica : http://www.ethicaforum.it/civic-education.html
- Maurizio Viroli, La libertà dei servi, Roma-Bari, Laterza, 2010
- Maurizio Viroli, L’intransigente, Roma-Bari, Laterza, 2012