MKT Societal, une société innovante et pleine de bons sentiments s’est récemment faite assigner aux prud’hommes pour “licenciement sans cause réelle et sérieuse”. Au delà du débat juridique, on peut s’interroger sur cette forme moderne d’esclavage qui consiste à employer des êtres privés de leur liberté en leur versant des salaires de misère sous couvert de “social”.
La copie d’écran du site web de ladite société est assez parlante pour me dispenser de tout commentaire sur LA SOLUTION qui prime sur la délocalisation. On appréciera le spécimen femelle encagée. Pensez-y quand vous recevez un appel marketing d’un fournisseur d’accès à Internet, principaux clients de MKT.
Si les candidats à la présidentielle n’ont jusqu’à présent pas fait montre d’une créativité excessive en matière de création d’emploi, on peut supposer qu’il y a bien un énarque pour leur souffler quelques idées de ce goût. Les condamnations pour contrefaçon du logo du PS ou d’usurpation d’identité sur Twitter devraient pourvoir de nombreux postes et éviter les délocalisations en Tunisie ou au Maroc. Il suffira de dresser des barbelés autour de la FNAC, d’AREVA, de Florange ou de Renault … comme l’a demandé l’UMP aux dirigeants d’entreprises, après l’élection de Guignol. Mais revenons à nos moutons …
L’Administration pénitentiaire prévoit dans sa loi d’encadrement du travail effectué par les détenus une rémunération horaire allant de 25 à 45% du SMIC. Dans son rapport publié en 2010, le Contrôleur Général des prisons faisait les observations suivantes, à propos des “employées” de MKT Societal:
Rapport de visite : maison d’arrêt de Versailles (78)
Les personnes détenues signalent aux contrôleurs que la pause n’est presque jamais prise et qu’il faut faire vite quand on se rend
aux toilettes. Beaucoup se plaignent des cadences de travail et des pressions qui s’exercent sur elles pour tenir le bon niveau de travail. Mais du côté de l’établissement et de la société elle-même, on met en avant la « fibre sociale » de l’opération et de ceux qui l’ont inspirée.
Les horaires personnels de travail sont fournis à chacune pour toute la semaine, y compris le samedi matin.
Après vérification par les contrôleurs, aucun ne correspond aux horaires généraux. Les détenues disent avoir des difficultés à comprendre les variations d’horaires auxquelles elles sont assujetties. Certaines d’entre elles y voient de l’arbitraire de la part des représentants de la société. Le niveau de rémunération est fonction du niveau de la personne détenue. Ils sont affichés dans la salle de travail :
- Niveau I (formation) : 4 euros de l’heure ; Niveau II (qualification/enquête) : 4,5 euros de l’heure ;
- Niveau III (prospection télévente) : 5 euros de l’heure + prime ;Niveau IV (prospection qualifiée) : 6 euros de l’heure + prime.
Après vérification des feuilles de paye, les contrôleurs notent des taux horaires qui varient de 1,67 à 2,18 euros, ce qui ne correspond en rien ni aux taux horaires affichés ni au salaire minimum de référence.
La taulière de MKT Societal, Laura Geradon de Vera, dans une vaste opération de désinformation affirme sans rire que les détenues travaillant comme télé-opératrices sont payées “20 % au dessus du smic en milieu carcéral“. “Pour nous, cette histoire est une catastrophe. Et je peux vous assurer que toutes les filles qui travaillent à Versailles m’ont adressé des lettres de soutien” a-t-elle le culot de déclarer.
Mais depuis longtemps déjà, l’Observatoire international des prisons (OIP) comme d’autres associations de défense des personnes incarcérées, dénonce une “zone de non-droit du travail” et des activités peu qualifiantes en détention. “Pas de smic, pas d’indemnités chômage, maladie ou accident du travail, pas de congés payés ni de droit syndical“, écrit l’organisation, qui s’inquiète que cette situation crée un “eldorado économique” pour les entreprises privées.
Pour enfoncer un peu plus le clou, le rapport mentionné ci-dessous continue ainsi:
En quatrième lieu, la venue de MKT, due à l’action persévérante (obstinée même) du chef d’établissement est destinée à équilibrer la baisse sur le moyen terme des emplois et des rémunérations offerts. [...]. Il y a lieu de se demander toutefois si ce type de tâche (qui n’est autre chose que de la prospection commerciale) d’une part est toujours bien adapté à certaines détenues(« On nous demande d’être toujours gaies » note l’une d’elles.), [...] enfin n’a pas conduit à renforcer excessivement les pressions exercées sur celles retenues pour exercer ces tâches, pour en faciliter l’exercice et contribuer à faciliter la réussite de l’opération (abandonner son poste de travail pour aller à un entretien avec un psychologue suscite des reproches vigoureux à l’endroit de la détenue concernée).
Sources :Une détenue devant les prud’hommes pour défendre ses droits – LeMonde.fr.