Un avion de plus pour le Bhoutan.
C’est un contrat portant sur la livraison d’un seul et unique A319, qui n’est pas encore signé, et qui passera à coup sûr tout à fait inaperçu. D’autant qu’il concerne une compagnie parfaitement inconnue, Drukair, qui porte les couleurs d’un pays lointain que ne connaissent que les géographes avertis, le Bhoutan, situé au pied de l’Himalaya.
Voici les Bhoutanais qui déboulent dans l’actualité aéronautique, discrètement et sans doute de manière tout à fait éphémère : la commande d’un avion, d’un seul avion, fut-il du dernier cri et doté d’imposants Sharklets, ne peut susciter qu’un intérêt poli, qui plus est fugace. Pourtant, Drukair mérite certainement une mention particulière, un instant d’attention, dans la mesure où le seul fait de l’évoquer nous procure un peu de poésie dans un monde de brutes.
Royal Bhutan Airlines, membre de l’IATA, excusez du peu, va ainsi disposer de son quatrième appareil, grâce à une transaction comme il s’en produit peu à Thimbu, sa capitale. Qui plus est, elle est quasiment incongrue : le Bhoutan vit en effet sous le signe du BNB, Bonheur National Brut, la seule valeur qui compte aux yeux de ses habitants. Sa culture, son économie, sont tout entières basées sur des valeurs spirituelles bouddhistes, admirables autant que déconcertantes, à nos yeux tout au moins.
Le petit royaume, indépendant depuis une quarante d’années seulement, entretient sa quête de bonheur avec une volonté et un courage admirables. Ce qui ne l’empêche pas d’accepter la modernité et, notamment, de s’ouvrir à petits pas au tourisme, allant même jusqu’à organiser un grand tournoi de golf.
Sa compagnie aérienne est une curiosité. Elle a tout d’abord utilisé des Dornier Do-228, puis des BAe 146, a acquis un premier ATR 42-500 puis a opté pour l’A319. Il est vrai que ses exigences opérationnelles sortent des sentiers battus, l’aéroport de Daro (longtemps unique), situé à 2.400 mètres d’altitude, n’étant accessible que par temps clair, en pilotage à vue. Sa piste, récemment allongée, peut recevoir l’A319 et permet de desservir une petite dizaine d’escales dans des pays limitrophes.
Le Bhoutan, qui ne cherche en aucun cas à s’arroger la moindre place dans l’actualité, reconnaît non seulement les valeurs du bouddhisme mais aussi les mérites du transport aérien. Cela sans évoquer constamment le retour sur investissement et en se sachant à l’abri du brouhaha qui, de la déréglementation de l’espace aérien aux invasions des barbares (lisez celles des compagnies low cost), agite nuit et jour la profession.
Ici, l’A319 est l’avion d’un bonheur que les économistes avertis baptisent GNH, Gross National Happiness, Bonheur National Brut qui mériterait certainement de ne pas être confiné loin de nous. Le Bhoutan, à n’en pas douter, est beaucoup plus qu’un petit client d’Airbus.
Pierre Sparaco - AeroMorning