La crise aura mis plusieurs années à s’installer et à pénétrer les cœurs et les habitudes, mais c’est bon : à présent, les pièces d’artillerie se mettent en place, les généraux comptent leurs troupes et révisent leurs stratégies. La bataille sera âpre et sans merci. Et alors que, en France comme ailleurs, on devrait tout faire pour apaiser les dissensions, les politiciens au contraire, en bons roublards avant tout intéressés par leurs petites affaires, attisent les soucis et jettent de l’huile sur le feu par gros bidons non consignés.
Bien sûr, dans les médias, on avance avec la plus grande précaution sur le terrain glissant de l’anathème. Mais même avec ces pas de loup, l’ambiance générale ne fait aucun doute : le torchon brûle franchement entre les peuples et l’attitude des politiciens ne fait rien pour adoucir le constat.
En fait, pour eux, c’est même du pain béni ! Les tribuns ne se révèlent jamais aussi bons que lorsque les tensions croissent et la situation s’aggrave. Après tout, la politique est la méthode la plus efficace pour dépouiller les individus de leur parcelle de pouvoir afin de toutes les concentrer dans les mains d’un leader, au prétexte que c’est le seul capable d’apporter la paix et la sécurité. On comprend alors qu’une situation quasi-insurrectionnelle profite directement à ceux des plus roublards qui sont prêts à attiser les rancœurs.
Évidemment, avec la situation grecque, c’est plus qu’un chemin possible pour tous ces démagogues avides de pouvoir : c’est une véritable autoroute balisée par la peur de lendemains qui ne chantent absolument pas. Les coupables sont largement connus.
Certes, on tourne autour du pot avec des circonlocutions plus ou moins transparentes et on évitera les mots « apatrides » et « cosmopolites », trop teintés. Mais comme jadis, les méchants banquiers sont de la partie. Et si ces derniers sont coupables, c’est avant tout parce qu’ils ont honteusement profité de la mondialisation, elle même turbo-libérale.
On pourra lire les fines analyses économiques de Mamie Joly, qui a tout compris à la situation et n’hésite donc pas à désigner les coupables : ici, c’est donc l’ultralibéralisme du FMI, une institution d’état, payée par des états, remplie de fonctionnaires étatiques internationaux, qui distribue de l’argent des contribuables dans un interventionnisme massif dans l’économie d’un pays. Effectivement, on peut parler de turbo-libéralisme au bulldozer.
Et comme jadis, la « solution » de court terme consiste bien évidemment à faire appel à la Démocratie, celle du peuple qui ne ment jamais, à sabrer la dette sans attendre, et, bien sûr et avant tout, à encourager de la bonne grosse révolte populaire, avec distribution de claques.
Mais en attendant, il va falloir subir les méchants turbo-libéraux qui imposent tous les jours des solutions iniques au Peuple Grec qui souffre.
On nous avait pourtant conté, il n’y a pas si longtemps, que l’Euro, C’est La Paix.
Pourtant, à voir les vieilles querelles qui ressortent entre certains pays partageant tous les deux la même monnaie, on pourrait en douter. À la barre de ce nouveau mouvement visant à rappeler lourdement les réparations de guerre que l’Allemagne devrait à la Grèce, on ne sera pas étonné de trouver un Daniel Cohn-Bendit particulièrement en forme. Daniel, comme Eva, comme Marine, comme tant d’autres finalement, ont tous pris le parti de remuer le couteau dans la plaie grecque.
Pourtant, cette plaie, tout le monde l’a voulue.
Les politiciens, bien sûr, qui ont absolument tout fait pour accroître l’emprise des institutions européenne sur la vie des citoyens, quitte à faire revoter un peuple récalcitrant.
Les Grecs, bien sûr, qui ont absolument tout fait pour intégrer la zone Euro : c’était pour eux l’assurance de pouvoir continuer à emprunter et continuer à s’endetter, de plus en plus, en bénéficiant de taux plancher assurés par une Allemagne généreuse.
Les peuples de tous les pays, qui ont tranquillement voté, régulièrement, pour toutes ces sociales-démocraties massivement basées sur la dette et la collectivisation des systèmes de santé et de retraite.
Et les voilà tous, coincés entre le marteau et l’enclume, à tempêter sur l’âpreté de la vie qui refuse de se plier à leurs contingences. Le marteau, c’est l’absolue panique qui s’empare de tout le monde lorsqu’on évoque une sortie de la Grèce de l’Euro et/ou de l’Europe, et l’enclume, le principe de réalité, le mur compact de ce qu’on ne peut pas éviter indéfiniment.
En fait, la faillite de l’État Grec, c’est l’illustration parfaite de la faillite de la pensée dominante en Europe.
C’est la faillite du keynésianisme qui honnit l’épargne, qui adule l’inflation, qui aime la bonne bidouille monétaire, qui trépigne de joie lorsque les politiciens interviennent dans l’économie, et qui s’accommode si mal des budgets en excédent. Ce keynésianisme, aucun des pays dans la tourmente, France comprise, n’y a échappé, et aucun ne s’est gêné pour accumuler les déficits et les dérives budgétaires.
C’est la faillite du socialisme qui prétend répartir les richesses lorsqu’il se contente de les piller, qui n’a comme solution que la taxe, l’impôt, l’accise, la ponction, le prélèvement, l’amende ou la redevance. Ce socialisme là, déguisé de tous les noms, de toutes les colorations chamarrées d’un spectre politique complètement artificiel, les peuples européens, dont la France, en ont largement goûté avec le bonheur qu’on devine.
C’est la faillite de son corollaire, le capitalisme de connivence, des amis des puissants, de leurs financiers, de leurs avocats fiscalistes et la faillite de ceux qui, par facilité, par cupidité et court-termisme ont poussé à la roue du socialisme pour leur intérêt personnel bien compris. Cette faillite là prendra encore du temps, mais ils n’y couperont pas.
C’est la faillite complète du Tout État, dans lequel la Grèce s’est vautrée avec délice et dans lequel la France a fait plus que prendre un bon bain prolongé et dont elle refuse obstinément de sortir, alors que l’eau s’est retirée et qu’on découvre que les baigneurs sont à poil.
C’est la faillite flamboyante et explosive de la solidarité, qui, pendant tout ce siècle, se sera fait fort d’écrabouiller la charité, de la reléguer dans une arrière boutique sombre, pour lui substituer un produit packagé par les gens de l’État, chimiquement pur de toute influence religieuse, humaniste ou intellectuelle.
Tout comme la faillite de l’URSS et la chute du rideau de fer avait plongé les dinosaures du communisme dans la plus grande stupeur, au point de les jeter vers un écologisme totalitaire, la faillite de la Grèce, puis de l’Euro, puis de l’Europe plonge dans la même hébétude tous ces parasites, de Mélenchon à Le Pen en passant par Sarkozy, Bayrou et Hollande.
Mais comme on peut déjà le constater, les politiciens ne lâcheront pas l’affaire si facilement et si tenir quelques mois, quelques années de plus peut se faire, quitte à ce que ce soit sur le dos de tout un peuple et au prix de quelques mensonges supplémentaires, ils n’hésitent pas : bien qu’on ait injecté des centaines de milliards d’euros dans une économie en dépression et ce, en pure perte, ils continuent à prétendre qu’il faut sauver le pays. La méthode n’a absolument pas marché, mais puisqu’il faut tenir jusqu’au prochaines élections, on en remet une couche !
Il n’y a plus maintenant aucun doute : La Grèce quittera l’Euro, et peut-être l’Europe. Ses problèmes ne seront pas résolus pour autant et elle devra, pour s’en sortir, commencer par remettre à plat l’intégralité de son système social, en finir une fois pour toute avec ses lunes collectivistes.
Mais même si ce moment sera très dur, la sortie, au bout du tunnel, existe. Après tout, les pays de l’Europe de l’Est, après la chute du Mur, ont prouvé qu’on peut sortir du socialisme et se relever.
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