MENUET, d'après Maupassant

Publié le 21 février 2012 par Dubruel


Je n’aimais ni les sots

Ni les estaminets.

J’aimais flâner

Et lire au parc Monceau.

Un matin que je fréquentai ce lieu,

Je rencontrai un étrange petit vieux.

Il était maigre et grimaçant,

Anguleux et souriant.

Ce bonhomme m’étonna,

M’intéressa.

Je le guettais.

Je le suivais.

Et voilà qu’il exécuta des mouvements,

Sautillant

Galamment.

Il se trémoussait,

Dansait.

Je demeurais pétrifié d’étonnement

Puis il battit un entrechat,

Arrondissant les bras,

Tortillait

Son corps de pantin

Et dans le vide adressait

Des saluts incertains.

Il fit une révérence.

Comme devant une assistance,

S’arrêta,

S’avança et s’inclina

Comme font les acteurs sur la scène

En envoyant des baisers de comédienne

Aux arbres plantés en enfilade.

Puis il reprit avec gravité sa promenade.

Plus tard, je le saluai et lui dis :


-Il fait bien bon aujourd’hui.

-Oui, un vrai temps de jadis.

Huit jours après, nous étions amis.

Il avait été maître de danse à l’Opéra.

Plus tard, il me confia :

-ma femme me rejoint ici

Toutes les après-midi.

Ce jardin, voyez-vous,

C’est notre plaisir, notre vie à nous.

Je retournai au parc à l’heure du thé.

J’aperçus mon ami

Qui donnait le bras avec cérémonie

A une vieille femme à qui je fus présenté.

Nous nous assîmes sur un banc de pierre.

Un bon soleil jetait sur nous sa lumière.


-Expliquez-moi ce qu’était le menuet.

-Le menuet, c’est la reine

Des danses, et la danse des reines.

Élise, veux-tu,

Tu serais gentille, veux-tu

Que nous montrions à Monsieur ce que c’était ?

Ils allaient et venaient

Se balançaient, se souriaient,

S’inclinaient,

Sautillaient, variaient.

Tout à coup ils s’arrêtèrent

Et s’embrassèrent.

     Aimé VOU