Ce moment de "crise systémique du capitalisme" au cours duquel de nombreuses cartes sont en train d'être rebattues, ce moment historique que nous traversons, dans le monde entier, exige de la part de celles et ceux qui disposent d'un petit espace de parole publique à un moment ou à un autre, de la clarté.
C'est de la clarté que peut naître une radicalité véritable.
Et la radicalité est actuellement une arme importante car au point où nous sommes; se réfugier dans le flou et l'abscons, c'est courir au désastre.
En effet, par radicalité il faut entendre "prendre le mal à la racine" (car c'est bien l'origine première du mot "radical": la racine).
Ce moment exige donc par exemple de se débarrasser enfin de faux-semblants comme "la gauche".
Même "l'anticapitalisme", de ce point de vue, ne peut plus satisfaire.
Nous sommes ici confrontés à la question du rapport entre "classe" et "masse".
Je suis convaincue qu'il n'y a que deux façons de "faire masse": une façon pérenne, durable, solide, qui est de "faire classe"; une façon douteuse, fragile, peu fiable, qui est de faire masse en ne visant qu'à l'immédiateté, et en passant à la trappe tout ce qui peut constituer la masse en classe. Attention l'historie enseigne que les fascistes aussi peuvent "faire masse", momentanément (un moment qui hélas, à l'échelle d'une vie humaine, peut durer plus ou moisn longtemps...)
Il faut donc rappeler les clivages justes, parce qu'ils sont structurants de nos luttes: communisme d'un côté, et capitalisme de l'autre. Rosa Luxemburg avait posé le problème en d'autres termes: "socialisme ou barbarie". Ces termes sont toujours valables.
A ces déterminants clivants, qui permettent de définir un espace, il faut également associer un contenu juste. (Sinon, on est dans le jeu actuel d'un bateleur d'estrade....)
En d'autres termes, il faut donc également éviter la manipulation qui consiste à employer un mot juste en lui associant un contenu contradictoire ou une perspective fausse.
Il faut également éviter l'autre forme de manipulation qui consiste à enterrer un contenu sous une forme séduisante, et de ce point de vue, il faut impérativement lutter contre la fascination.
Amis, camarades, il faut s'accrocher à la raison, au débat, à la réflexion, à la clarté, de toutes nos forces.
De ce point de vue, le climat ambiant entretenu par les mass-médias et nombre de vais ennemis et "faux amis" du prolétariat est insupportable et nous, communistes, ne devrions pas le tolérer, car il privilégie l'appel au sentiment, à la sensation, au pathos... sur l'exercice de la raison, de la réflexion. Or, un de nos devoirs premiers est absolument de garder la tête froide, et d"inciter tous les exploités à garder la tête froide, dans un moment pareil plus que jamais.
On ne le redira jamais assez, mais l'histoire du monde moderne est pleine de ces terribles épisodes: l'acceptation de la fascination, c'est le début de la fascisation.
D'où l'appel à la clarté, clarté qui efface l’ambiguïté, clarté qui, loin d'appauvrir, enrichit celui qui lutte, et ouvre de nouvelles perspectives.
2. Se dire communiste et se revendiquer du communisme
D'où l'appel à refuser de se définir comme "la gauche" ou "de gauche" (quel que soit le qualificatif accolé), mais à manifester une volonté d'être désignés clairement: communistes.
Les circonstances historiques qui changent produisent des changements dans les consciences, même chez les plus obtus, et ce n'est pas dans ce genre de moment qu'il faut se cacher derrière son petit doigt, mais au contraire, il faut lever très haut l'étendard du communisme.
Si, à la marge, il y a cent façons, probablement , de concevoir le communisme, de se sentir communiste, sur les éléments fondamentaux, déterminants, en revanche, tels que donnés par notre histoire (au sens large d'histoire du "mouvement ouvrier") il n'y a pas quarante cinq mille définitions concevables, et ce n'est pas une question d'orthodoxie, ni de catéchisme (ou alors, c'est au sens strict de la racine grecque).
"Pour nous, le communisme n'est pas un état de choses qu’il convient d’établir, un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l'état actuel des choses. Les conditions de ce mouvement résultent des données préalables telles qu’elles existent actuellement."
"L'état actuel des choses", c'est bel et bien le capitalisme, caractérisable comme système d'exploitation de la force de travail des prolétaires qui sont l'immense majorité, qui n'ont que leur force de travail à vendre pour vivre, par une minorité qui dispose historiquement et juridiquement de la propriété privée des moyens de production, et qui exploite la condition du prolétariat pour en tirer des profits qui sont eux aussi accaparés par des intérêts privés, ce système étant soutenu et entretenu par l'Etat bourgeois, que l'on doit décrire non pas comme une donnée immuable, statique et neutre mais comme une condensation dynamique des rapports de classe.
Il faut donc désigner l'ennemi clairement, cela importe beaucoup: le capitalisme, la bourgeoisie, ses alliés objectifs et tous leurs instruments de guerre de classe.
Au diable donc les tartuffes qui vitupèrent "le capitalisme financier", "la finance mondialisée" et passent systématiquement à côté du capitalisme "tout court". Et non ce n'est pas une "question de point de vue" et encore moins une "question tactique" (au contraire, c'est de faire de la clarté sur les mots, sur les noms, une "question tactique" qui est en soi une saloperie). C'est une question axiologique.
Pourquoi préférer dénoncer "la finance" alors que c'est "le capitalisme" (dont il ne s'agit pas de nier la complexité , les fractions etc) le problème?
Où est "la finance" quand Merkel et Sarkozy "prêtent" de l'argent à l'Etat grec sous condition d'achats d'armes? Est elle seule, la "finance"? Les armes, ce n'est pas du capitalisme industriel? La guerre que peuvent faire ces armes, ce ne sera pas "de la finance"!
Et pourquoi pointer du doigt "la Chine" plutôt que "la bourgeoisie" qui, nous le savons toutes et tous, n'a pas de patrie?
"Le mouvement réel"? Par définition le mouvement s'oppose à une conception dogmatique figée et déjà-donnée définitivement, implique, que l'orsque l'on tombe on se relève, que l'on "construise en marchant", si je puis dire. Réel parce que quotidien, au sens de "ancré dans les données immédiatement appréhendables" et opposé à "idéologique".
"L'abolition" quant à elle ne peut laisser place au doute et ne peut être équivalent à "aménagement" ou à "transformation" ou "modification". Abolir c'est effacer, supprimer, détruire. "Abolir" ce n'est pas "réformer".
C'est une autre question de savoir si des réformes peuvent être porteuses de ferments d'abolition. Je pense que oui, SI (et seulement si) "les réformes" ne sont pas du "réformisme", c'est à dire, si elles contribuent à d'une part armer le prolétariat et à étendre ses luttes, et d'autre part, à faire monter les contradictions au sein de la bourgeoisie et du bloc au pouvoir. Ceci à la condition expresse, nécessaire, que donc, tout ne repose pas sur la réforme (ce qui distingue la réforme porteuse de révolution et le réformisme) et à condition également sur le fait de s'entendre sur le contenu, le lieu et la forme des réformes. Il y a des réformes qui ne sont pas susceptibles d'être porteuses de ce ferment, de cet accélérateur d'abolition, et d'autres qui le sont.
Si on pose clairement ces "éléments clivants", notamment le "rapport" communisme/capitalisme, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de "la gauche" qui est en réalité d'une manière ou d'une autre du côté du capitalisme.
3. La remise à l'ordre du jour de la dictature du prolétariat
C'est étonnant de vivre "en vrai" des choses qui jusqu'à présent n'étaient que lues: ce sont les masses qui font l'histoire.
Étonnant de constater en et pour soi même mais aussi en constatant les "bougés" chez tel ou tel, comme les circonstances historiques, le stade de développement ou de mutation du capitalisme dans le monde, peut amener à voir d'un jour nouveau certaines choses.
C'est donc l'heure aussi où, me semble-t-il, il faut remettre au grand jour la question de la dictature du prolétariat, (qu'il me semble, on peut également désigner par "démocratie prolétarienne" - contre la dictature bourgeoise - , de façon non pas substitutive, mais complémentaire, explicative).
Car il ne faut pas se leurrer, il y a bien une forme de dictature à assumer, politiquement et moralement, pour le prolétariat, dans cette guerre de classe qui n'a pas fini de monter en puissance.
Il faut armer le prolétariat, et non le désarmer. Il ne faut pas nous limer les crocs, il faut les affûter.
3.1. Le souverain et la souveraineté
C'est une lutte pour la souveraineté qu'il faut mener. Il faut en effet faire de tous les exploités (et non "du peuple") le souverain, contre la minorité oppressive et exploiteuse actuelle.
Pour illustrer, je dirais que l'un de nos objectifs politiques est que, par nos luttes, par ce mouvement réel destiné à abolir... nous puissions inscrire dans une constitution, qui serait non pas un début ni même un aboutissement, mais un moment de notre lutte:
"La souveraineté réside exclusivement dans le prolétariat, appartient au prolétariat qui l'exerce directement"
en lieu et place de l'actuel "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par la voie de ses représentants".
Pour Rosa Luxemburg, la dictature du prolétariat devait s'entendre comme: "la manière d'appliquer la démocratie, non dans son abolition, dans des interventions énergiques, résolues, dans les droits acquis et les rapports économiques de la société bourgeoise, sans lesquelles la transformation socialiste ne peut être réalisée. Mais cette dictature doit être l’œuvre de la classe et non d'une petite minorité dirigeante, au nom de la classe, autrement dit, elle doit sortir pas à pas de la participation active des masses, être sous leur influence directe, soumise au contrôle de l'opinion publique, produit de l'éducation politique croissante des masses populaires."
"Sortir de la participation active des masses, être sous leur influence directe" etc...
Tant que les prolétaires trouveront "normal" de confier leur destin (et celui du monde en général) à des hommes et des femmes qui "font" de la politique, et qui en font profession, qui en gagnent leur vie (et grassement en plus), ça n'avancera pas dans le bon sens. Parce que ce n'est pas ainsi que peut se manifester le combat pour la souveraineté du prolétariat.
D'où l'absolue nécessité, la responsabilité morale même, qu'il y a , pour les communistes, dans un tel moment, à ne pas mentir sur ce qu'il y aurait à attendre de telle ou telle élection soi-disant représentative où , une fois encore l'immense majorité d'entre nous sera exclue des cénacles et des assemblées une fois le bulletin déposé!
Et en toute logique, une organisation communiste ne devrait donc, (pour utiliser au mieux le peu de marge de manœuvre que laissent les élections bourgeoises, qui ne sont qu'un moment de la lutte et une forme très amoindrie de celle-ci), présenter en grande majorité que des candidats présentant ce "profil" d'exploité du capitalisme au sens large.
Non pas certes en laissant croire que quatre-vingt ouvriers ou employés de plus dans un Parlement bourgeois seraient à même de "faire une révolution citoyenne", non (il faut même dénoncer clairement la faculté corruptrice des assemblées bourgeoises), mais avant tout dans un but d'éducation, d'émulation, d'émancipation; comme une manière de dire "Le pouvoir, c'est nous, parce que la production, c'est nous; ne nous cachons pas derrière tel ou tel "tribun", "expert", etc... On y va, on rentre dedans, allons y par tous les moyens, contestons à la bourgeoisie et à ses chiens de garde tous les terrains possibles".
3.2. Un programme communiste est un projet politique
Un programme communiste devrait avant tout dans ce cadre être un projet politique, et non pas un "programme économique" qui n'est bien souvent , dans les conditions actuelles, qu'un mot, un masque pour désigner en réalité une proposition de collaboration de classe à la cogestion des méfaits du Capital .
Il y a ainsi une différence, a fortiori dans un tel moment, entre la proposition: "Interdire les licenciements boursiers" (qui est une proposition réformiste et collaborationniste, qui relève de l 'ordre de cette "cogestion des méfaits du capitalisme") et "Interdire les licenciements" qui est une proposition révolutionnaire.
Passons sur la difficulté à définir le "licenciement boursier" et les heures d'exégèses plus ou moins farfelues...
Soyons clairs. Allons au fond des choses. Allons au fond sur ce qu'est un licenciement. Ce qu'il signifie réellement.
En s'abstenant de qualifier le licenciement dont nous demandons l'interdiction, nous nous abstenons de faire le jeu du capital, nous nous abstenons de servir la soupe au patronat, nous nous abstenons de leur fournir des rustines pour réparer un bateau qui prend l'eau!
Non, nous ne déciderons pas, nous communistes, qui peut ou ne peut pas être licencié en fonction de conditions que nous savons créées de toutes pièces par la bourgeoisie: nous disons "interdiction des licenciements" parce que derrière cela, nous signifions: le prolétariat n'a que sa force de travail à vendre pour vivre et faire vivre sa famille. Nous refusons les règles du jeu de la bourgeoisie, nous refusons de condamner nos frères et nos sœurs à la misère, à la rue.
Nous assumons un système fondé sur "nos valeurs", nous mettons dans la balance notre morale contre la leur. On ne prive pas un prolétaire de ses moyens de subsistance, il n'y a pas de légitimation envisageable pour nous, à cela. Point final.
Dans les commissions de conciliation préalables de certaines branches professionnelles, dans les Conseils de prud'hommes... le mot d’ordre de tous les communistes devrait être le même: on ne prête pas la main au licenciement d'un salarié. Jamais. Qu'il ait volé ou qu'il ait triché ne nous regarde pas. Car nous savons sur quoi repose le salariat. Nous savons ce que cela signifie comme violence réelle, comme malversation "ab initio"!
De la même manière, je ne pense pas, contrairement à ce qu'a dit récemment un certain candidat, qu'on ne pourrait pas interdire l'Assemblée Nationale à des gens comme Serge Dassault. Je ne pense pas qu'interdire à ces gens de décider de notre avenir soit une atteinte à la démocratie, au contraire! A moins, bien-sûr, que l'on ait une conception très bourgeoise de la démocratie...
Je pense même qu' il serait tout à fait envisageable et même fortement recommandé, voire, complètement sain d'esprit de commencer par interdire le Parlement aux exploiteurs, aux bourgeois, à leurs séides, et, de manière générale, à tous ceux et toutes celles qui ne dépensent de la sueur que dans les salles de gym plutôt qu'à gagner péniblement leur vie voire, leur survie.
Interdire de Parlement les représentants de la bourgeoisie, il me semble que ce n'est pas très violent comme mesure face à ce que eux sont en train de nous faire. A côté de ce que font quotidiennement ces gens, on aurait même presque l'air d'enfants de chœur quand on propose ce genre de mesures....Doit-on qualifier de monstre l'exploité qui prend des mesures destinées à assurer sa survie?
Car c'est par principe de survie et pas par plaisir ou sadisme ni par amour immodéré de l'interdiction nous devons envisager (sereinement) ce type de proposition.
4. L'avertissement grec , le MES, les conclusions d'étape à tirer
Encore une fois, ce qui se passe en Grèce (et ailleurs) doit fortement nous interpeler , nous mettre en garde.
On voit bien comme, si on leur laisse un doigt, les capitalistes et leurs représentants nous boufferont tout le bras (et le reste s'ils peuvent). L'histoire actuelle nous le dit: il faut que nous, prolétaires, reprenions le contrôle de la situation, il faut que nous nous imposions, il faut nous imposions nos besoins, nos rêves, nos désirs.
Les représentants politiques de la bourgeoisie nous ramènent le fascisme, ils préparent la guerre, ils nous volent, ils nous pillent, ils contraignent de braves familles à abandonner leurs enfants, ils affament des pans entiers de la population mondiale, ils polluent la planète, des tas de gosses qui ne demandaient qu'a jouer gentiment, perdent une jambe, un bras, en sautant sur leurs armes injustement appelées "à sous-munition"...
La démocratie et notre bien-être, eux, ils n'en ont rien à faire et cela il ne faut jamais l'oublier.
Quand les temps seront assez mûrs pour interdire certaines formes d'expression politique, certains partis, certaines organisations ou expressions, les représentants politiques du Capital le feront sans aucun état d'âme. Si leur lutte contre la baisse tendancielle du taux de profit exige la destruction, par la guerre, de la surproduction, ils nous feront faire la guerre. Il n'y a absolument aucun doute à avoir il ne faut pas se payer de mots ni se bercer d'illusions.
Les illusions d'aujourd'hui peuvent être, bien souvent, nos suaires demain.
Et si les commémorations, si l'histoire du mouvement ouvrier ont bien une vertu, c'est celle là, c'est de servir à ne pas oublier, c'est de transmettre aux jeunes générations du prolétariat qui s'avancent dans la lutte et qui n'ont pas connu tout cela, les témoignages du visage immuable du capitalisme, des atrocités dont il est capable pour se sauver et pour sauver ses profits.
La énième violation de la "soi disant souveraineté nationale qui appartient au peuple" se profile avec le Mécanisme Européen de Stabilité. Il ne suffira pas de dire "c'est Bruxelles"! Car c'est bien le "parlement français" qui va voter ici "chez nous", le 21 février prochain!
Faisons simple: quand on observe la Grèce, on voit que c'est les capitalistes ou nous. C'est pas nous qui le voulons comme ça mais c'est comme ça.
Personnellement j'aime beaucoup la vie, comme la plupart d'entre nous, et j 'ai toujours refusé d'être une victime.
La politique du Capital se radicalise. Les exploités de Grèce sentent sa main d'acier se refermer sur leurs gorges de façon impitoyable....
Nous n'avons d'autre solution que de nous préparer rapidement à radicaliser également nos luttes.
Nous ne pourrons pas le faire si nous restons dans le flou, dans l’ambiguïté, dans le clair obscur, dans la demie-teinte.
Le prolétariat est au milieu du gué; les consciences s'aiguisent, les yeux s'ouvrent, de plus en plus nombreux, mais à l'heure actuelle, nous ne sommes pas encore prêts pour la lutte à mener.
Pour nous communistes, notre travail, notre premier devoir moral est là, urgemment.
Clarté , radicalité, engagement dans la lutte, organisation.
L'époque est au rouge et au noir, pas au sépia ni au pastel.