APPEL A UNE PLATE FORME CONSENSUELLE POUR L'ANNEE AUTISME 2012
Nous, professionnels de la santé, parents d'enfants TED/TSA, enseignants, chercheurs, intellectuels, éducateurs, et tous les membres de la société civile concernés, venus de tous horizons, demandons que l'autisme, grande cause nationale pour l'année 2012, cesse d'être l'enjeu de batailles opposant de façon stérile les approches nées de conceptualisations, d'époques ou de découvertes scientifiques que l'on voudrait rendre divergentes. Nous sommes conscients que des praticiens de la psychanalyse ont soutenu des positions blessantes en laissant penser aux parents qu'ils étaient coupables de la maladie de leurs enfants, en adoptant avec eux une attitude distante et sans empathie, et en proposant des prises en charge trop légères, alors que tout le monde s'accorde à dire aujourd'hui qu'elles doivent être précoces et intensives. Mais cette époque est désormais en grande partie révolue. D'ailleurs, la plupart des équipes de pédopsychiatrie, y compris celles qui sont de formation psychanalytique, ont construit vis-à-vis de la pathologie autistique des dispositifs centrés sur l'enfant et ses parents, sans abandonner la réflexion psychanalytique, mais en en approfondissant ses concepts, au départ plutôt réservés à la névrose, voire en en créant d'autres plus adaptés à ces pathologies spécifiques du début du développement, tout en y associant beaucoup d'autres courants théoriques allant des neurosciences à la psychologie développementale et à l'histoire des idées.
Nous sommes également conscients, qu'à l'autre extrême, des partisans de l'éradication de la psychanalyse en ont profité pour s'en prendre, de manière injuste et excessive, à des praticiens qui ne sont en rien responsables de telles dérives, et en insistant, en miroir des psychanalystes déjà évoqués, sur telle ou telle méthode comme étant la seule à pouvoir apporter des réponses aux grandes et complexes questions posées par l'autisme, devenant à leur tour l'enjeu des mêmes conflits stériles.
Ces oppositions, attisées par des conflits idéologiques de différents niveaux, empêchent la réalisation de débats entre les partenaires concernés, certes contradictoires, mais respectueux des opinions de tous, et conduisent des responsables politiques insuffisamment informés à utiliser ces tensions pour éviter la question des moyens nécessaires pour répondre à tous les besoins exprimés par les parents et les professionnels. Car c'est bien d'un manque cruel de moyens humains et d'équipements dont il s'agit en la matière.
Il va de soi que ces moyens, s'ils étaient suffisants, devraient permettre aux enfants concernés de recevoir, le plus précocement possible grâce à une prévention réelle et efficace, une éducation spécialisée faisant appel aux méthodes choisies par les parents eux-mêmes, une pédagogie sous la forme d'une scolarisation ou tout autre moyen facilitant les apprentissages délivrée par l'éducation nationale et le secteur médicosocial, et une thérapeutique si nécessaire, fournie par les équipes de pédopsychiatrie de secteur dont c'est la mission, ainsi que par les équipes du médicosocial qui disposent des moyens de le faire, le tout sans que les parents, qui ont la responsabilité des décisions dès lors qu'il s'agit de leurs enfants, aient à assumer les surcoûts occasionnés par ces pathologies qui doivent être prises en charge par la solidarité nationale.
Nous demandons avec solennité, et selon les principes intangibles de liberté de pensée, que soient respectées, s'agissant de l'autisme et de tous les autres TED/TSA, toutes les approches susceptibles d'aider les familles et de soulager leurs souffrances et celles de leurs enfants et de respecter leur dimension d'êtres de relation.
Nous demandons que les professionnels appelés à travailler ensemble avec leurs compétences distinctes autour de chaque enfant, prennent un engagement de respect mutuel et de découverte des spécificités des autres, dans l'idée de créer des constellations de prises en charge tenant le plus grand compte de tous les paramètres énoncés précédemment (éducatif, pédagogique et thérapeutique), et de le faire, chaque fois que cela est utile, en lien avec les Centres Ressources Autismes. Il en va de la pertinence des dispositifs pour chaque enfant, sachant l'extrême polymorphisme des TED/TSA.
Nous demandons aux chercheurs, aussi bien en génétiques et neurosciences qu'en sciences humaines et cliniques, d'aider les professionnels à intégrer leurs travaux dans les pratiques et à contribuer au débat général avec leur expertise spécifique, tout en sachant rester neutres au-delà du périmètre de leurs compétences particulières. Cette demande connaît une grande importance en ce qui concerne les prochaines recommandations de l'HAS, qui doit, pour des raisons éthiques, soutenir la diversité et la complémentarité des différentes approches des TED/TSA et s'éloigner ainsi de toute vaine polémique. En cette occurrence, elle s'honorerait de ne pas céder aux sirènes dévastatrices du lobbying et de laisser aux scientifiques la possibilité d'explorer les pistes, sans exclusive, qui permettront de faire dialoguer les neurosciences, les approches cognitivistes et les sciences humaines pour le plus grand profit des personnes présentant un TED/TSA, de leurs familles et des professionnels qui les prennent en charge. Nous demandons enfin aux politiques qui doivent organiser les cadres dans lesquels pourront se réaliser ces prises en charge optimales, de ne pas interférer dans les champs de compétences professionnels, mais d'aider à l'amélioration des conditions dans lesquelles les personnes avec TED/TSA sont aujourd'hui, et seront demain, accueillies et prises en charge, en permettant non seulement d'intégrer les différentes recherches disponibles ou en cours d'expérimentation aujourd'hui, mais de le faire sans oublier que la qualité de la relation humaine qui doit entourer ces enfants et leurs parents est en partie conditionnée par les moyens alloués à cette cause nationale. Il serait d'ailleurs urgent et sage d'évaluer scientifiquement la réalité des réponses apportées actuellement par les services sanitaires et médicosociaux afin de mieux préciser ce qui reste à améliorer voire à changer dans ce domaine complexe, plutôt que d'en rester aux clichés caricaturaux et approximatifs.
D'ores et déjà ont accepté de signer cette plate forme : Ghislaine Meillier (Parent, Vice Présidente Sesame-Autisme 59-62), Marie Cauli (Professeur des Universités, anthropologue, Lille), Jacques Constant (Pédopsychiatre, Chartres), Jacques Hochmann (Professeur des Universités, Lyon), Catherine Legrand Sebille (Maître de conférences, anthropologue, Lille), Bernard Golse (Professeur des Universités, pédopsychiatre, Paris), Patrick Alary (Psychiatre, Pau), Pierre Delion (Professeur des Universités, pédopsychiatre, Lille), Guy Baillon (Psychiatre, Paris), Michel Balat (Sémioticien, Psychanalyste, Perpignan), Elisabeth Roudinesco (Historienne, Paris VII), Jean Paul Francke (Professeur des Universités, Lille), Jean David Attia (Pédopsychiatre, Nîmes), Simone Pougnet (Cadre DASS, Montpellier), Roland Gori (Professeur des Universités, Marseille), Bernard Durand (Psychiatre, Président de la Fédération Croix Marine, Paris), Gisèle Apter (Pédopsychiatre, Paris), Henri Rey Flaud (Psychanalyste, Professeur des Universités, Montpellier), Cécile Spiesser (Psychiatre, Paris), Catherine Clément ( Ecrivain et Philosophe, Paris), Mileen Janssens (Psychologue, Gand, Belgique), Liliane Kandel (Sociologue, Paris), Henri Roudier (Professeur, Paris), Magnus Johansson (Professeur des Universités, Psychanalyste, Göteborg), Marco Antonio Coutinho Jorge (Professeur des Universités, Psychiatre, Psychanalyste, Rio de Janeiro), Julia Borossa (Historienne, Professeur Université Londres), Georges Saulus (Psychiatre, conseiller technique, Lozère), Laure Murat (historienne, professeur à UCLA, Berkeley), Caterina Koltai (psychanalyste, Professeur à la COGEAE-PUC-SP), C.Lucia Valladares (psychanalyste, Professeur à COGEAE-PUC-SP), Antoine Courban (chef du Département de Médecine et Humanités (USJ, Liban), Elisabeth Badinter (philosophe), Alain Vanier (psychiatre, psychanalyste professeur de psychopathologie, Paris VII), Marie Allione (Pédopsychiatre, Alès), Claude Allione (Formateur, Psychanalyste), Martine Bacherich-Granoff (Psychanalyste), Catherine Salinier (Pédiatre, Bordeaux), Caroline Eliacheff (Pédopsychiatre, psychanalyste), Cosimo Santese (Psychologue, psychanalyste, Alès), Georges Lançon (Psychiatre, Bagnoles sur Cèze), Ghislaine Ziv (Infirmière pôle psychiatrie, Alès), Guy Sapriel (Psychiatre, Psychanalyste, Paris), Michel Bouquet (Directeur CHRS), Myriam Duprat(Infirmière), Sophie Lamour (Parent, Militant à Sesame Autisme), Michel Montès (Psychiatre), Jérémy Marmoret (Psychologue), Martine Fourré (Psychanalyste), Wilfried Gontran (Psychologue), Grégoire Nazarian, Yvon Girad (Psychologue), Gildas Le Bayon (Psychiatre), Arnaud Fossaert (Pédosychiatre), Martine Trouilas-Pascal (Pédopsychiatre)