…Et j’écris - sans relâche – à l’intention d’yeux vides qui ne liront pas
J’écris (« je crie » pourrait-on dire – car, dans j’écris il y a « cri(s) ») sans repos sans répit pour leur indifférence, pour leur silence, pour leur absence, pour cette distance qu’ils dressent.
C’est absurde, je sais, je ne sais trop pourquoi je le fais, mais certes, j’écris.
Seule avec ma solitude graphomane – je griffonne, je griffe toute page. Toute page est ma plage nue, celle où je balance mes bouteilles-à-la-mer.
Dérisoire effort. Marqué, sapé, rongé par les abîmes et les amibes du doute.
Oui, j’écris. Comme l’on commet quelque passage à l’acte gratuit.
Avec une constance qui n’a d’égale que celle du mutisme obstiné du monde.
J’élabore et je couche des phrases, trains de pattes de mouches qu’ils ne liront pas ; qui ne seront jamais mués en caractères d’imprimerie dans le giron d’un livre.
J’écris. Pour le sport. Et puis parce que les mots jaillissent tout seuls. Parce que les mots s’expulsent eux-mêmes de leur propre chambre magmatique.
J’écris. Et même pas par choix.
Comme on jette des confettis.
Les confettis qu’on fête et qui retombent, ensuite, sur le trottoir, dégrisés.
Quelle est la chance, la probabilité que ces mots ne finissent pas par brûler, par se consumer dans l’incendie de quelque grenier oublié, sordide ?
Mais j’écris. Acte monomaniaque, qui se suffit à lui-même. Qui peut-être, comble le vide consubstantiel à toute parole.
Une petite trace. Une furtive empreinte. Arrachée, à la dérobée, au pouvoir du Temps nettoyeur ; conquise, même à l’insu de tous et de tout, sur le roulis du Grand Vacarme. Un pari…peut-être un espoir ; volé à la lucidité.
Aussi fragile, hasardeux que des marques de pattes de passereau sur la neige.
Patricia Laranco
ECRIRE
Il y a écrire et écrire
Aujourd’hui j’écris du bout des tempes
Comme un plaidoyer morose pour l’avenir ou la fonte des glaciers
Du cœur
Ce futur de nos pairs qui nous anime à peine
J’intervertis les sens dans ma fragile retraite d’argent
Et refuse
J’écris ces champs bourrés d’insectes qui nous frôlent les cuisses qui nous caressent
J’écris les ébats langoureux que connaissent nos filles et nos mères
J’écris la résilience de l’homme avec une certaine sensualité
Connaissance et conscience
J’ouvre
Une nouvelle partie de jeu au monde impromptu
Un semblant de révélation à la saveur trop rare et écœurante de papaye mure
Comme toi
J’écris pour défier le temps
Mais qu’est-il vraiment que je puisse défier
Ni mon ombre
Ni l’ombre de mon chien
On connait la chanson
J’écris pour en finir avec la vie qui m’épuise
Avec ses litanies de civilités hebdomadaires
Qui me font rire ou sourire ou franchement chier
J’écris pour me libérer ou pour mieux me lier
Car j’aime ça
Autant que l’alcool
Autant même que les hommes
La peau a ça de bien qu’elle ne parle pas
Même sous la pression
Même sous la torture
La peau ne dit mot et ne saurait sérieusement s’écrire
Elle goûte et elle sent
Elle perle de plaisir
Elle brille ou s’éteint comme un astre noir baigné de lune
J’aime écrire et ça défie
Ca dépasse
Les commentaires
Comment commenter l’obsessionnel en nous les mots seraient caducs
J’aime écrire comme j’aime adouber certains corps offerts
Qui nous décuplent les tissus
J’aime les honorer
Puis les maltraiter
Avec politesse et sophistication
Et parfois sans
J’aime écrire lorsque le désir point en moi et que je le sens là prêt à éclore entre mes doigts
Ou lorsqu’il se perd
En colliers de solitude
J’aime ce goût du verbe tendu
A l’hypoténuse
Et de toi
Cette chair diaphane
Que je m’évertue à dévêtir.
Arnaud Delcorte
Le 24/09/2009.