Ses petits camarades étrangers le moquaient d’ailleurs sans ménagement. Particulièrement avide de comparaisons, son homologue allemand ne lui laissait aucun répit. Il se rappelle encore des propos blessants tenus en cette journée de la fin 2010 :
« Pas loin de 30.000 emplois sauvegardés en 2009 pour un coût de 610 millions d’euros… Pff quel mauvais élève : tes parents devraient avoir honte ! » lançait sournoisement son voisin d’Outre Rhin.
« Mes notes sont bien meilleures que les tiennes : sur la même période j’ai sauvé 251 000 emplois pour un coût avoisinant les 6 milliards… Tu devrais en prendre de la graine ! » a-t-il rajouté.
Le petit chômage partiel avait grand peine à relativiser ces humiliations internationales quotidiennes. Il sentit la colère monter lorsque, au sein même de l’hexagone, ses récents efforts firent l’objet de maintes dérisions. Ses limites furent définitivement franchies quand ses parents, mettant volontiers de côté leurs différences fondamentales de situation, commencèrent à le regarder de travers.
Aujourd’hui encore, il entend résonner leurs paroles : « Nous t’avons offert l’activité partielle de longue durée (APLD). Qu’en as-tu fait ? Près d’un an après sa date d’extinction programmée (ndlr : le 31 mars 2011), 40 des 150 millions d’euros qui y ont été alloués en 2009 n’ont toujours pas été dépensées ».
Poussé par ces critiques incessantes et à l’occasion de la nouvelle année 2012, le petit chômage partiel prit une bonne résolution : convaincre ses géniteurs de lui donner enfin les moyens de ses ambitions et, surtout, des espoirs qu’ils fondent en lui depuis sa naissance.
Plus réactif tu seras
Prenant son courage à deux mains, le petit mécanisme décida d’apostropher ses parents.
« 20 jours d’instruction… C’est long. Trop long. Je suis un mécanisme dont l’efficacité est directement proportionnelle à sa réactivité ! »
« C’est un délai raisonnable pour autoriser le recours à une mesure d’exception comme toi, mon enfant » répondirent en cœur ses parents.
« Mais c’est carrément une éternité quand on connaît mon secret : il ne s’agit que d’un délai de bonne administration. L’absence de réponse au terme de cette période ne crée donc aucun droit au profit du demandeur et la décision implicite de rejet n’intervient, conformément au droit commun, qu’après l’écoulement d’un silence de deux mois » protesta-t-il.
Constatant que ses parents le regardaient enfin d’un œil attentif, il continua sur sa lancée. « Je ne suis pas le seul à critiquer cette procédure inadaptée. Voyez, à titre d’exemple, la proposition de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP) qui a, dès 2009, plaidé pour une réforme de fond du dispositif d’activité partielle visant à le rendre plus efficace, particulièrement en allégeant l’ensemble des obligations préalables à la mise en œuvre du chômage partiel ».
À l’issue de cette discussion, Xavier Bertrand et les partenaires sociaux se réunirent et convinrent que, compte tenu de la conjoncture économique et sociale et du dynamisme de ses petits camarades, l’apathie de leur descendance ne pouvait plus durer.
Prenant ses responsabilités, le ministre du travail décida donc de frapper un grand coup. Le 31 janvier 2012, il annonça ce qu’espérait depuis fort longtemps le petit chômage partiel : simplification des documents administratifs, dématérialisation des procédures et surtout suppression de l’autorisation administrative préalable !
Certain de gagner en réactivité – et donc en efficacité -, il se voyait déjà parader fièrement au milieu de ses petits camarades.
Ayant de fait appris la patience au cours de ces longues années d’attente, il parvint néanmoins à prendre assez de recul pour envisager les conséquences de cette mesure. Il n’en toucha toutefois pas mot à ses parents, de peur de les vexer ou de retarder la mutation qu’il avait tant attendu.
- La suppression de l’autorisation administrative préalable implique-t-elle que la déclaration devra être réalisée concomitamment à la mise au chômage partiel ou pourra-t-elle être formulée dans un certain délai à compter de la suspension d’activité (30 jours par exemple) ?
- Il ressort des propos du ministre du travail que cette suppression sera remplacée par un contrôle a posteriori. Quel sera alors le délai d’instruction accordé à l’administration ? Y aura-t-il application du droit commun – c’est-à-dire 2 mois – ou d’un délai plus restreint ?
À cet égard, le point le plus important est le sort réservé à la période courant entre la mise effective au chômage partiel et la décision de l’administration. En clair, quid si le contrôle a posteriori révèle que la situation n’était pas éligible au chômage partiel ? Le résultat négatif du contrôle sera-t-il rétroactif ou l’entreprise sera-t-elle dans tous les cas couverte pendant la période qui le précède ? Une chose est sûre : opter pour la première option reviendrait incontestablement à ruiner tout le potentiel de cette mesure de simplification, voire même du chômage partiel en intégralité …
Obnubilé par ces interrogations, le petit chômage partiel se rendit finalement compte qu’il en avait oublié ses parents. Leurs regards interloqués, exprimant leur frustration de ne pas encore avoir recueilli de réaction de leur progéniture, le rappela instantanément à l’ordre.
Après les avoir remercié comme il se devait, il n’émit qu’un seule remarque : « ne croyez-vous pas que ma réactivité aurait été encore meilleure si vous aviez accepté de transformer la consultation des représentants du personnel en information ? ».
« Nous en avons discuté le 13 janvier dernier et c’est hors de question ! ».
« Mais vous ne répondez pas à ma question » objecta-t-il fébrilement, prenant soudainement conscience qu’il venait d’énerver ses parents.
« Tu n’es décidément jamais content mon enfant … Mais je te réserve une petite surprise qui devrait enfin faire de toi un bien meilleur élève » ajoutèrent tendrement les partenaires sociaux.
« Ah oui ! Qu’est-ce que c’est ? » dit-il, empli de curiosité.
Plus attractif tu deviendras
Ravi de l’excitation ostensible de leur enfant, les partenaires sociaux lui racontèrent tout le travail qu’ils avaient effectué depuis leur dernière discussion.
« Nous avons reconduit, dans un projet d’accord du 13 janvier 2012, accepté par le patronat (Medef, CGPME, UPA) et quatre syndicats (CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC), les accords interprofessionnels antérieurs sur le chômage partiel. De plus, sur notre recommandation, Xavier Bertrand vient de publier un décret (7 février 2012) prévoyant un niveau d’indemnisation de 100 % du salaire net lors des périodes de formation ».
« Oui c’est un début mais … ».
« Attends, ce n’est pas fini ! Un accord du 6 février 2012 prévoit une simplification des règles de prise en charge de l’APLD et surtout, comme le réclamait la CCIP, une diminution du coût net de cette forme de chômage partiel pour les entreprises par l’intervention conjointe de l’État et de l’UNEDIC. Désormais, les entreprises bénéficieront d’une subvention horaire fixe de 7,74 ou de 7,23 euros selon qu’elles ont moins ou plus de 251 salariés ».
« Les 50 premières heures sont donc subventionnées de 2 euros de plus par heure ! ».
Malgré la bonne nouvelle, il ne put s’empêcher de faire un rapide calcul : il bénéficiera de 220 millions d’euros supplémentaires… pas de quoi faire de l’ombre à son camarade d’outre-Rhin !
Soudain, une idée germa : s’il ne peut pas rivaliser avec son camarade d’outre-Rhin par les sommes affectées, il le pourra peut-être avec sa réactivité, sa simplicité et son implication dans la formation.
Le voila donc aujourd’hui, à la fois impatient de faire ses preuves et guettant en même temps la fin de l’année 2012, date à laquelle un bilan de l’ensemble du dispositif est prévu. À cette occasion, il compte bien proposer à ses parents une unification des dispositifs actuellement en vigueur…