La candidature de Dominique de Villepin à l’élection présidentielle est-elle
encore viable ? Malgré l’acharnement thérapeutique, de nombreux soutiens l’ont déjà abandonné pour rejoindre François Bayrou.
Cet acharnement serait dû aux relations conflictuelles qu’il entretiendrait avec le Président de la
République. Le 29 janvier 2010, il avait été très loin sur RMC : « Nicolas Sarkozy préfère persévérer dans son acharnement et sa haine plutôt
que d’assumer sa fonction. », en réagissant à l’appel décidé par le procureur Jean-Claude Marin alors que la justice l’avait relaxé la veille dans l’affaire Clearstream.
Depuis ce temps-là, il aurait toutefois repris ses entretiens avec l’Élysée mais cela ne l’empêche pas de
continuer son opposition frontale : « C’est dommage qu’un Président sortant n’ait pas plus d’idées que d’aller sur le plateau de TF1, à vingt
heures. (…) Nous aimerions que la France soit forte. Le malheur, c’est qu’elle ne l’est pas. (…) La France a été trop docile et absente. (…) S’il y a un reproche à faire au Président sortant,
c’est la division française. » (France 2, 15 février 2012).
Selon l’excellente journaliste Raphaëlle Bacqué (France 5 le 14 février 2012), Dominique de Villepin ne
chercherait même pas ses parrainages pour lui permettre de participer à l’élection présidentielle. Pas par refus suicidaire ni par paresse, mais par impossibilité matérielle, car il n’a pas de
structure militante répartie sur tout le territoire. Il faut avoir une bonne organisation pour récolter les signatures et même Hervé Morin, qui bénéficiait pourtant d’un appareil très efficace avec plusieurs milliers d’élus locaux, n’avait réussi à rassembler que deux cent quatre-vingts
signatures.
Il se voit donc élu presque sans structure intermédiaire.
Presque, parce que tout, chez lui, n’est que roman, épopée, aventure, vision hautaine, horizons lointains.
Tout est si haut, si élevé, qu’il n’y a plus personne à ses côtés.
Il faut dire que dans un sondage, il avait pourtant recueilli il y a quelques jours 22% des personnes interrogées. Hélas pour lui, le sondge avait été réalisé pour la Saint-Valentin et
correspondait à la question (très curieuse) : "Quel candidat trouvez-vous le plus sexy ?". Dominique de Villepin était parvenu en première position devant la jeune candidate trotskiste Nathalie
Arthaud (9%).
Ses faits d’armes compensent mal le discours historique à l’ONU : dissolution de l’Assemblée Nationale
en 1997, obstination quasi-narcissique sur le CPE (contrat premier emploi) en début 2006, mépris régulier vis-à-vis des parlementaires (son père a pourtant été un sénateur très actif, président
de la prestigieuse Commission des Affaires étrangères jusqu’à ce que lui-même accède au Quai d’Orsay).
Pour faire campagne, il faut un écho médiatique et une équipe. L’écho, il l’a, il l’a même bien plus que ce
qu’il ne pèse, entre 1% et 3% dans les sondages, ce n’est pas très lourd alors qu’il avait grimpé jusqu’à 10% tantôt.
L’équipe, là, il faut accepter qu’il joue des tours de magie.
Ainsi, le lundi 16 janvier 2012, il a dû rendre publique son équipe de campagne. Il fallait bien. C’est sûr,
s’il n’y a personne pour coller les affiches et organiser les meetings, ce n’est même pas la peine de commencer. Il a donc annoncé que son ami Jean-Claude Carrière, oui, l’écrivain, 80 ans, était
son directeur de campagne. Voilà un beau ralliement. Il est chargé de faire la coordination du projet présidentiel.
L’homme était effectivement venu au quartier général du grand maître, mais il n’était pas du tout au courant
de sa promotion comme commandant en chef de la campagne. Le pauvre, il était un peu gêné, car l’amitié, ça compte tout de même, mais il a avoué qu’il ne savait même pas s’il voterait pour lui…
« C’est absurde ! Je ne suis pas un homme politique. Comment peut-on imaginer que je puisse coordonner un projet ? ».
Dominique de Villepin l’a "un peu" confirmé vendredi 20 janvier 2012 sur une station publique :
« J’ai sollicité Jean-Claude Carrière car c’est un ami de longue date. (…) Il a accepté de m’accompagner dans cette réflexion. Je ne demande pas aux
gens qui m’entourent un brevet partisan. Ce n’est pas l’esprit de la maison. ».
Apparemment, l’homme providentiel a eu beaucoup de mal à rechercher dans son carnet d’adresses quelques noms
à figurer sur son organigramme de campagne. Il faut dire que tous ses amis le fuient, maintenant que les
choses sérieuses ont commencé. Et ils soutiennent désormais la candidature de François Bayrou pour ouvrir une succursale gaulliste à la grande maison commune du centre.
Ses détracteurs, eux, sourient et ne le craignent pas. Un proche de l'Élysée expliquait il y a quelques années : Dominique de « Villepin, c'est le gorille du Rwanda. Il fait houba !
houba ! en se frappant le torse. Il est impressionnant ! Mais c'est un herbivore, il n'a jamais mangé personne... » ("Le Parisien" du 13 octobre 2009) [L'analogie ne paraît pas
convaincante car le gorille peut tuer s'il se sent agressé].
Un ancien ministre de gauche avait même eu la formule très
acide : « Il porte un nom de cheval de course, mais il n'a jamais couru. » (François Loncle, 2005). Ces deux citations proviennent du "Petit dictionnaire des injures
politiques" (dirigé par Bruno Fuligni, éd. L'Éditeur).
Qu'importe l'inexpérience électorale, Dominique de Villepin confirme qu’il irait jusqu’au bout et que la nation a besoin
de lui. Il l’a encore réaffirmé dans le journal de vingt heures sur France 2 le mercredi 15 février 2012 : « J’irai jusqu’au bout. C’est une
candidature de devoir. ».
Ses meilleurs amis lèvent les yeux au ciel, mais que peuvent-ils donc dire à celui qui se croit… l'homme
providentiel ?
C’est effectivement un exemple convaincant d’autisme en milieu politique.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (20 février
2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Les moulins de Dominique de
Villepin.
Don
Quichotte de Villepin.
L’État
impartial ?
La
course des grands.
Le
centre éparpillé façon puzzle.
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/et-pendant-ce-temps-dominique-de-110564