Surveillance médicale des salariés : le point sur les nouvelles dispositions
écrit par : Philippe
Le décret du 30 janvier 2012 réécrit un certain nombre de dispositions concernant le suivi médical des salariés. Voici ce qu’il faut retenir de cette nouvelle réglementation.
Deuxième volet du décret du 30 janvier 2012 relatif à l’organisation de la médecine du travail : il s’agit de la surveillance et du suivi médical des salariés (vaste thème, s’il en est, qui va de l’examen d’embauche, à la surveillance médicale renforcée, en passant par les examens de préreprise et de reprise du travail.). Voici une présentation des nouvelles dispositions qui entreront en vigueur le 1er juillet prochain.
Examen d’embauche (C. trav., art. R. 4624-10 à R. 4624-15)
On relève peu de modifications s’agissant de la « visite d’embauche ». Celle-ci continue donc d’être pratiquée dans les mêmes conditions qu’avant (c’est-à-dire avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai).
La seule nouveauté réside dans le fait que désormais, cette visite d’embauche doit permettre au salarié d’être informé sur les risques liés aux expositions sur le poste de travail et sur le suivi médical nécessaire. Il s’agit également de sensibiliser le salarié sur les moyens de prévention à mettre en œuvre.
Les cas de dispense d’examen médical d’embauche sont assouplis (désormais, cet examen n’est plus obligatoire dès lors qu’aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours des 24 mois précédents si le salarié est à nouveau embauché par le même employeur, ou bien au cours des 12 derniers mois si le salarié change d’entreprise. Ces durées sont plus longues que celles précédemment prévues par les textes).
Examens périodiques (C. trav., art. R. 4624-16 à R. 4624-17)
Les salariés continuent de bénéficier d’examens médicaux périodiques, au moins tous les 24 mois, par le médecin du travail. Ces examens médicaux ont pour finalité de s’assurer du maintien de l’aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé et de l’informer sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire.
Toutefois, dorénavant, sous réserve d’assurer un suivi adéquat de la santé du salarié, l’agrément du service de santé au travail peut prévoir une périodicité excédant 24 mois lorsque sont mis en place des « entretiens infirmiers » et des actions pluridisciplinaires annuelles.
Indépendamment des examens périodiques, le salarié continue de bénéficier d’un examen par le médecin du travail à la demande de l’employeur ou à sa propre demande.
Surveillance médicale renforcée (C. trav., art. R. 4624-18 à R. 4624-19)
Cette question de la surveillance médicale renforcée fait désormais l’objet d’une réglementation plus précise : en effet, alors qu’auparavant, le code du travail se contentait d’évoquer la possibilité de prévoir une surveillance renforcée par accord de branche, le législateur « reprend la main » et c’est dorénavant le code du travail qui fixe précisément les catégories de salariés devant bénéficier d’un suivi médical spécifique. Il s’agit des salariés exposés :
- à l’amiante ;
- aux rayonnements ionisants ;
- au plomb dans les conditions prévues à l’article R. 4412-160 du code du travail ;
- au risque hyperbare ;
- au bruit dans les conditions prévues au 2° de l’article R. 4434-7 du code du travail ;
- aux vibrations dans les conditions prévues à l’article R. 4443-2 du code du travail ;
- aux agents biologiques des groupes 3 et 4 ;
- aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction de catégories 1 et 2.
En revanche, les modalités de cette surveillance renforcée sont laissées à l’appréciation du médecin du travail, en fonction des recommandations de bonnes pratiques existantes.
REMARQUE : les autres catégories soumises à la surveillance renforcée sont : les travailleurs âgés de moins de 18 ans, les femmes enceintes et les travailleurs handicapés (ces publics sont inchangés). En revanche, on note un léger « toilettage » des dispositions antérieures puisque cette surveillance ne s’applique plus aux mères qui viennent d’accoucher, ni aux mères allaitantes, ni, non plus, aux salariés qui viennent de changer de type d’activité ou à ceux qui viennent d’entrer en France.
Cette surveillance renforcée s’ajoute aux examens périodiques et implique de faire pratiquer au moins un examen de nature médicale tous les 24 mois (sauf pour les travailleurs soumis aux rayonnements ionisants classés en catégorie A ou B, qui, quant à eux, bénéficient d’un examen médical au moins une fois par an).
Examen de « préreprise » (C. trav., art. R. 4624-20 et R. 4624-21)
Le passage d’une visite « de préreprise » est institutionnalisé. Ainsi, « en vue de favoriser le maintien dans l’emploi des salariés en arrêt de travail d’une durée de plus de 3 mois », cette visite de préreprise doit désormais être organisée par le médecin du travail à l’initiative du médecin traitant, du médecin conseil des organismes de sécurité sociale ou du salarié. On le voit, ce cadre est très différent du cadre précédent qui envisageait la possibilité d’une visite de reprise « lorsqu’une modification de l’aptitude au travail » était « prévisible ».
Au cours de l’examen de « préreprise », le médecin du travail peut recommander des aménagements et des adaptations du poste de travail, des préconisations de reclassement, des formations professionnelles à organiser en vue de faciliter le reclassement du salarié ou sa réorientation professionnelle. Sauf opposition du salarié, il informe l’employeur et le médecin conseil de ces recommandations afin que toutes les mesures soient mises en œuvre en vue de favoriser le maintien dans l’emploi du salarié.
Examen de reprise du travail (C. trav., art. R. 4624-22 à R. 4624-24)
Les cas de passage de cet examen médical diminuent. En effet, la fameuse « visite de reprise » n’est dorénavant plus obligatoire que dans les seuls cas suivants :
- après un congé de maternité ;
- après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
- après une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail (contre 8 jours auparavant), de maladie ou d’accident non professionnel (contre 21 jours auparavant).
On note que le passage d’une « visite de reprise » n’est donc plus requis en cas « d’absences répétées pour raisons de santé » (il faut dire que cette notion « d’absences répétées » n’a jamais été définie ni par la loi ni par les tribunaux et qu’elle a donc donné lieu à contentieux).
A contrario, les modalités de passage de cette visite sont fixées plus précisément. En premier lieu, cet examen a pour objet :
- de délivrer l’avis d’aptitude médicale du salarié à reprendre son poste ;
- de préconiser l’aménagement, l’adaptation du poste ou le reclassement du salarié (on notera l’incursion, à ce stade, de la notion de « reclassement », qui n’apparaissait pas, auparavant, expressément dans les dispositions visant l’examen médical de reprise) ;
- d’examiner les propositions d’aménagement, d’adaptation du poste ou de reclassement faites par l’employeur à la suite des préconisations émises par le médecin du travail lors de la visite de « préreprise » (là encore, le lien entre visite de « préreprise » et visite de reprise est explicitement fait, alors que la précédente réglementation ne prévoyait rien de tel, et le reclassement est envisagé dès ce stade).
Comme auparavant, l’examen de reprise doit avoir lieu dans un délai de 8 jours à compter de la reprise du travail par le salarié. Mais le nouveau texte est plus ferme à l’égard de l’employeur : dès lors que celui-ci a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il doit saisir le service de santé au travail afin de faire organiser l’examen de reprise. La loi lui impose donc désormais une obligation de réactivité, et ce, afin que le délai de 8 jours soit respecté (l’employeur ne pouvant plus s’y prendre à la dernière minute pour « lancer » la procédure).
Déclaration d’inaptitude (C. trav., art. R. 4624-31 à R. 4624-36)
Les modalités de constatation de l’inaptitude du salarié sont inchangées. Comme auparavant, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu’après :
- une étude de ce poste ;
- une étude des conditions de travail dans l’entreprise ;
- et deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires.
Toutefois, dorénavant, l’avis d’inaptitude médicale pourra être délivré en un seul examen, non seulement lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers (disposition sans changement), mais également lorsqu’un examen de « préreprise » aura eu lieu dans un délai de 30 jours au plus. Cette articulation entre visite de « préreprise » et constat de l’inaptitude est totalement nouvelle (cette visite devient donc un rouage important de la surveillance médicale du salarié).
Autre point très important : le délai de contestation de l’avis médical d’aptitude ou d’inaptitude est enfin encadré (ce qui devrait mettre un terme à l’important contentieux qui s’était développé récemment, et à l’insécurité juridique, pour les entreprises, qui résultait de l’absence de délai dans lequel l’avis d’inaptitude pouvait être contesté par le salarié). Ainsi, désormais, ce recours devra être adressé dans un délai de 2 mois, par lettre recommandée avec AR, à l’inspecteur du travail dont relève l’entreprise (la décision de l’inspecteur du travail pourra elle-même être contestée dans un délai de 2 mois).
REMARQUE : en revanche, il semble qu’il n’y ait toujours aucune obligation, pour le salarié, d’informer l’employeur du fait qu’il exerce ce recours.
Dispositions spécifiques en cas d’intervention d’une entreprise extérieure (C. trav., art. R. 4513-12)
Comme auparavant, dans cette hypothèse, les examens médicaux périodiques peuvent être réalisés par le médecin du travail de l’entreprise utilisatrice pour le compte de l’entreprise extérieure si un accord est conclu en ce sens entre les chefs de l’entreprise utilisatrice et de l’entreprise extérieure et les médecins du travail intéressés. La nouveauté réside dans le fait que cet accord pourra également prévoir que le médecin du travail de l’entreprise utilisatrice (et, le cas échéant, les autres membres de l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail) exercera, plus largement, les missions dévolues au SST (étude de poste, fiche d’entreprise, enquête.) pour le compte des salariés de l’entreprise extérieure.
Dispositions spécifiques aux travailleurs temporaires (C. trav., art. R. 4625-8 à R. 4625-12)
La réglementation concernant la surveillance médicale des intérimaires est inchangée. Cela étant, désormais, les entreprises de travail temporaire (qui assurent, en temps normal, la surveillance de leurs salariés) pourront s’adresser aux services suivants pour faire assurer l’examen médical d’embauche :
- service interentreprises de santé au travail proche du lieu de travail du salarié temporaire ou professionnel ;
- ou service autonome de l’entreprise utilisatrice auprès de laquelle est détaché le salarié temporaire.
Les entreprises de travail temporaire devront alors informer le médecin inspecteur régional du travail de leur intention de recourir à cette faculté.
Dispositions spécifiques aux associations intermédiaires (C. trav., art. R. 5132-26-6 à R. 5132-26-8)
Les personnes sans emploi et rencontrant des difficultés particulières d’insertion qui sont embauchées par une association intermédiaire bénéficieront d’un suivi médical lorsqu’elles sont mises à disposition d’un utilisateur (surveillance assurée par un service de santé au travail interentreprises).
La visite médicale de la personne mise à disposition d’un utilisateur sera organisée par l’association intermédiaire, dès sa première mise à disposition ou au plus tard dans le mois suivant. Elle sera renouvelée 2 ans après la première mise à disposition (périodicité susceptible d’être modifiée lorsque l’agrément du service de santé au travail interentreprises le prévoit).