L’A380 plus que jamais surmédiatisé
On ne s’en lasse pas, même si cela revient à se moquer de soi-même : quand les médias tiennent un os, ils ne le lâchent pas, quitte à lasser leurs lecteurs ou se couvrir de ridicule. En témoigne, dernier exemple en date, «l’affaire» des rivets de la pointe avant de l’A380. Laquelle survient quelques jours après celle des figures découvertes dans la voilure du paquebot de l’air.
Les rivets ? Oui, mais pas n’importe quels rivets, en aluminium, au nombre de six parmi de nombreux autres, qui fixent le radome de l’avion, victimes d’un petit coup de fatigue prématurée, et qu’il faudrait remplacer dans les 8 mois, selon une directive que préparerait l’Agence européenne de la sécurité aérienne. On a bien lu : six rivets à remplacer dans les huit mois, un immense non-événement, même pas une affaire de spécialistes mais un sujet de routine qui devrait faire l’objet d’une «A.D.», traduire Airworthiness Directive, comme il s’en diffuse fréquemment.
Six rivets apparemment soumis à des efforts plus intenses que prévu, qui devraient être remplacés par des pièces identiques, mais en titane, cette fois-ci. Il n’y a là rien de bien méchant, et encore moins de dangereux, cela même après avoir attentivement relu la définition du mot rivet, dans Le Petit Larousse ou ailleurs. Il ne faudrait donc pas que ces sympathiques «petites pièces non démontables, formées d’une tige cylindrique renflée à une extrémité» se gonflent indûment d’une importance qu’elles n’ont jamais eue. Et cela quoi qu’en pensent quelques-uns de nos pointilleux confrères venus de divers horizons, qui ont heureusement précisé que la réparation exigerait trois heures et demie de travail, ni plus, ni moins.
Bien sûr, tout s’explique, même cet excès de zèle journalistique. On s’en souvient, de petites fissures sont apparues récemment dans les nervures d’ailes de quelques A380 et il a évidemment été décidé d’en prévoir le changement. Là encore, il ne s’agissait ni d’une pièce maîtresse, ni d’un élément pouvant mettre en cause la sécurité des vols mais cet incident a suscité un éphémère petit désordre médiatique. D’où cette information fracassante, issue du salon de l’aéronautique qui vient de se tenir à Singapour : la cadence de production de l’A380 va être accrue malgré la découverte desdites fissures. Ce qui revient à affirmer que la planète Terre va continuer de tourner tout à fait normalement malgré les chutes de neige qui viennent de se produire ici et là.
Du coup, personne n’a noté qu’Airbus prévoit de vendre cette année une trentaine d’A380 supplémentaires, ce qui signifie que prises de commandes et livraisons seront équilibrées, une situation qui devrait contribuer à confirmer la confiance mise dans ce programme. Lequel a démarré dans des conditions industrielles difficiles mais n’en poursuit pas moins son chemin et finira tôt ou tard par franchir le seuil de rentabilité.
Cela avec des rivets en titane, là où c’est nécessaire. Et en vivant dans un environnement surmédiatisé, la rançon de la gloire.
Pierre Sparaco-AeroMorning
(photo Daniel Faget)