ELLE Empire

Publié le 20 février 2012 par La Bienveillante @Ema_Dellorto

C'est un service qui met en avant mes idées et ma personnalité.

Dès que je me connecte à Hautetfort pour écrire un billet, je suis assurée que je vais pouvoir mettre en avant mes idées et ma personnalité.

Mais laquelle ?

La lectrice de Be, la grande gueule politique, l'amie des petites bêtes douces et des corbeaux,  la féministe en sommeil, l'acharnée lectrice, la tiers-mondiste, la nécrologue avertie ou l'amatrice de sports collectifs ?

Ce qui est distrayant pour un lecteur m'est parfois troublant.

Jusqu'à la réception du livre de Fabienne Yvert, L'endiguement des renseignements. Avec le tampon "Service de presse".

Mon premier.

Pas livre. Pas seulement. La première fois qu'on m'envoyait un truc gratuit parce que j'avais un blog.

J'ai adoré, en partie par vénalité.

Surtout : L'objet est fabuleux. SI ON VOUS ENVOIE SPECIFIQUEMENT A VOUS UN TRUC FABULEUX PAR TRANSITIVITE VOUS L'ETES AUSSI un peu.

Et puis, j'ai enfin pu rassembler mes troupes (des parts de "moi" tressautant), la blogueuse mode et l'auditrice assidue de France Culture.

Le livre est une "anthologie amusante des phrases poétiques ou abyssales du bas-bleu Emmeline Raymond recopiée par Fabienne Yvert dans La Mode illustrée — où ladite Emmeline, notoire auteuse de La Civilité non puérile, mais honnête (Fimin Didot frères et fils, 1873), née en 1828 à Czernowitz (Bukovine), répandait son immarcescible sagesse aux lectrices pleine d'interrogations".

La mode illustrée c'est l'arrière grand-mère de Be, débutant sous le Second Empire, s'achevant "à l'orée du Siècle" sous le régime de la IIIème République.

"De 1860 à 1902, Emmeline Raymond crée et dirige La Mode Illustrée. La Mode Illustrée, c’est un peu l’ancêtre de tous les périodiques féminins, Elle, Marie-Claire, Avantages, Causette... Et 1860- 1902, c’est une période où, dans une France qui s’enrichit à toute allure, les femmes découvrent les charmes de la bourgeoisie et les angoisses du confort" (Attila).

Une période qui m'est passablement inconnue et je n'aurai trop d'un dimanche pour m'en faire une idée. Aussi, ne nous soucions pas trop des subtilités constitutionnelles de l'époque.

Essayons d'être solidaire de ces bourgeoises angoissées par la modernité qui ne survivraient pas une journée dans la peau d'une femme du 21ème siècle même au 4/5. Ces héroïnes.

'"Etre femme au XIXe siècle ? Tout un programme en perspective et de sérieux problèmes si l’on veut ressembler à la figure modèle. Le moule imposé oblige à jongler avec mille ambiguïtés : élue reine du foyer, la femme excelle à diriger son « petit état » tout en étant irréprochable dans ses relations sociales, elle est à la mode mais non pas futile, intelligente sans être savante.


Comment devenir cette créature idéale ? La presse de mode, en pleine croissance, se profile comme un miroir dans lequel les femmes peuvent se contempler pour y voir reflétée leur identité. Le journal de mode va créer une communauté où l’on se parle de femme à femme, ce qui l’autorise à distribuer des conseils non plus seulement vestimentaires, mais aussi comportementaux et éducationnels. La vie entière de la lectrice est prise en charge par cette presse spécialisée ; elle est guidée dans le déroulement des événements de l’année, chaperonnée par l’arsenal du périodique à tous les âges de la vie, événement après événement jusqu’au seuil de la mort." (Miroir, mon beau miroir)

Aussi, elles sont mal, portion contentée du peuple soit cher Victor (Hugo) mais incapables de décider quelle couleur de gants porter en fonction de l'heure de la journée.

Emmeline guide ces femmes et leur distille DOs et DON'Ts, digne précurseur de Garance Doré.

"De même que l'on ne porte pas à toute heure des robes trop parées, on ne mettra pas, dès le matin, des gants de nuance très claire, et l'on ne portera en aucune circonstance des gants fanés, décousus,  dépouillés de leurs boutons, on adoptera généralement pour se ganter les tons bruns et chamois plus ou moins foncés, selon que la toilette est plus ou moins élégante; tout les gants sont maintenant à deux ou trois boutons pour la ville, à trois ou quatre boutons pour les toilettes du soir" (Article de La mode illustrée)

Cependant, les inquiétudes de ces dames n'ont de cesse de s'accumuler.

Donc Emmeline invente Twitter.

Nuance : Le papa de Twitter.

"Le courrier des lectrices menace d'engorger le journal. Pour suivre la cadence de ces femmes affolées, la rédactrice en chef, Emmeline Raymond, s'oblige à faire les réponses les plus brèves possibles. Pour gagner encore de l'espace, elle décide même de ne plus recopier les questions des abonnées, se contente de rappeler leur numéro d'inscription. Le résultat est délirant." (Ici)

Fabienne Yvert a collecté ces pépites dans le bel ouvrage sus-mentionné.

Et voilà avec quelle classe il faut le lire, oui, Messieurs Dames, en Benetton

Délicieux, extravagant, on y pêche moults conseils de beauté, de mode, de décoration...

La meilleure pommade pour cheveux est la plus simple. On fait fondre au bain-marie de la moelle de bœuf et on y ajoute du rhum ou du parfum.

Les jardins étant peuplés d'oiseaux vivants, les oiseaux tricotés en laine y feraient pauvre figure

La toilette dépend, non des théâtres, mais des places que l'on occupe dans chaque théâtre...

Faux : ceci n'est pas un manuel de savoir-vivre mais une pièce de littérature.

Les serviettes à thé ne sont pas, comme les costumes, assujetties aux changements de mode.

Rien ne s'oppose aux deux vases

Il est plus facile de changer de journal que de changer un journal

Une chancelière pour un jeune homme ? Oh non !

Les couleurs indécises seront, je crois, à la mode l'année prochaine.

Il est inutile d'embrasser ses parents dans la rue

La couleur tête de nègre n'est pas noire

L'originalité de la chose étant que l'on n'a pas connaissance de la question posée, qu'il reste à inventer !

Ce n'est point aujourd'hui que l'on peut trouver une ressource dans les vers

Et, ce n'est pas un détail pour moi, l'on y apprend comment nommer sa perruche.

On peut donner à sa perruche le nom qu'on préfère.

C'était pas si dictatorial que ça, le second Empire.

Puisque vous n'être pas une blogueuse mode très intellectuelle, il vous faudra dépenser 13€ pour l'acquérir.

Mais ainsi vous saurez :

Cette forme ne peut pas plus changer que celle des parapluies