On retint que Nicolas Sarkozy devenu candidat était encore plus lassant. On connaissait déjà ses discours, ses attaques, ses répliques. C'était normal. cela faisait déjà bientôt deux ans qu'il faisait campagne dans son costume de président.
Les arguments n'avaient pas changé, sauf l'agressivité désormais explicite, si explicite.
Sarkoshow
Samedi, il serait venu « à pied » de son domicile, la maison de Carla Bruni-Sarkozy, à son nouveau siège de campagne. On l'a vu marcher sur le pont Mirabeau. L'argument de campagne était absurde. Carla Bruni habite Villa Montmorency, dans le XVIème arrondissement de Paris. C'est près de la porte d'Auteuil. Le quartier est fermé par une barrière avec vigiles. Les voisins de la dame sont tous des ultra-riches. Pour rejoindre le 18 rue de la Convention, Nicolas Sarkozy avait 2,6 kilomètres à parcourir. Il était évident qu'il était venu en voiture présidentielle qui l'avait déposé à l'écart des journalistes pour lui laisser la possibilité de se faire photographier marchant sur le pont Mirabeau.
Dimanche, on découvrait la musique de campagne de Nicolas Sarkozy, un truc dramatique, idéal pour un film de guerre de série B. Il avait pris un compositeur de musique de séries TV. La musique avait été enregistrée ... en Bulgarie. Qui parlait de produire Français ?
Son siège de campagne fut photographié dans tous les sens. Le Parisien avait obtenu une exclusivité. On y voyait des meubles « sobres » et design dignes du Conrad Shop, une boîte à cigares Bugatti, des livres d'art, des gros posters à la gloire du Monarque. Le lieu était plus petit que le QG de François Hollande.
Le vrai QG de campagne était à l'Elysée.
Le XVème arrondissement, nous expliqua Franck Louvrier, était un quartier de « classes moyennes ». On s'était pincé pour ne pas rire. Comme le rappelait mon confrère Erwan Lescop, « la fameuse classe moyenne de Nicolas Sarkozy gagne moins de 3 200€ par mois, mais réussit l'exploit de vivre dans le 15ème ».
Depuis jeudi, quatre comptes twitter parodiques et anti-sarkozystes furent éliminés, effacés, effacés. Une curieuse censure très gouvernementale.
Dimanche, Claude Allègre, l'ancien ministre socialiste rallié à Nicolas Sarkozy en 2007, annonça son énième ralliement à Nicolas Sarkozy. Quelle surprise !
Sarkothon
Dimanche en début d'après-midi, le candidat sortant était en meeting « provincial » à Marseille. Il y avait 10.000 participants dans le hall 1 du Parc Chanot. Il fallait une invitation officielle pour y entrer. Le meeting jouxtait le Salon de l'érotisme. Jean-Claude Gaudin, le maire du coin, introduisit l'intervention.
« Mes chers amis, aujourd'hui je suis venu vous parler de la France. On ne parle pas assez de la France. Comme si c'était démodé de parler de la France. »Son début de discours ressemblait à celui de janvier 2007. «Je suis venu parler de la France. Jeune, j'ai aimé la France sans le savoir, beaucoup dans ma famille venaient de loin. J'ai aimé le ciel, le son des mots, des chansons, des musiques, des livres, des villes, une façon tellement française de planter les arbres au bord des routes». Cela sonnait faux. Depuis 2007, il y a eu 5 ans de traque aux sans-papiers jusque dans les écoles, un débat sur l'identité nationale, une France conspuée à l'ONU et au Conseil de l'Europe après la chasse aux Roms en août 2010, l'indignation de l'Eglise.
Il semblait déjà mauvais perdant. Dans une curieuse diatribe, il a mélangé ses échecs (la progression du chômage, de l'endettement, etc) avec ses propres décisions. « En France, c'est vrai, il y a plus de chômeurs; c'est vrai, on ne peut plus prendre sa retraite à 60 ans; c'est vrai, il va falloir travailler plus longtemps. Mais ces décisions, je les assume ! »
A Marseille, le candidat sortant continuait surtout dans l'agressivité pour une campagne qu'il avait pourtant promis « heureuse ». Il reprit l'invective, testée grandeur nature à Annecy.Il qualifia ainsi François Hollande de malhonnête («Où est la vérité quand on dit tout et son contraire, quand on fait semblant d'être Thatcher à Londres, et Mitterrand à Paris») et de menteur voire de lâche. En coulisses, Copé précisa à un journaliste: « Le courage, voilà un mot que vous n'entendrez jamais à propos de François Hollande ». Quelle hauteur !
De son propre bilan, Sarkozy a voulu retenir sa prétendue résistance dans la crise, oubliant qu'il n'y était pour pas grand chose. « La vérité, c’est que la France n’a pas été emportée. L’État n’a pas fait faillite. Les salaires et les pensions n’ont pas baissé.» La vérité ? Il lui manquait quelques statistiques.
Il crut bon d'expliquer son slogan de campagne, si ridiculisé depuis mercredi dernier. « Une France faible ne peut protéger les Français » Sans rire ? « Durant les périodes les plus noires, le malheur est venu de ce que la France n'avait pas été assez forte ». Sarkozy se voulait de Gaulle... Toujours sans rire. La crise financière puis économique était comme l'invasion nazie en 1940. «Sur la crise depuis 2008, la France a résisté, la France a tenu, les Français ont fait face. Nous avons échappé à une catastrophe».
Il n'y avait rien de nouveau, aucune surprise. Ses arguments avaient été sans cesse rabâchés depuis déjà deux ans, et pourtant, Nicolas Sarkozy lisait son texte. On s'ennuyait.
« Travailler davantage, c'est la seule façon de préserver notre niveau de vie ». C'était l'homme aux 5 millions de chômeurs qui disait cela.
Seule proposition de la journée, l'introduction à la marge d'une dose de proportionnelle...
« Je suis attaché, cher Jean-François, au scrutin uninominal à deux tours (...). Mais il me semble qu'on pourrait corriger à la marge ce mode de scrutin, pour que tous les grands courants puissent être représentés». Une promesse qu'il avait déjà faite ... en 2007: « Je m’engage, si je suis élu, à réunir toutes les forces politiques et à discuter avec elles de la possibilité d’introduire un peu de proportionnelle au Sénat ou à l’Assemblée Nationale sans créer le risque d’une instabilité qui serait désastreuse.» avait-il déclaré... le 29 avril 2007. François Bayrou, à qui s'adressait le clin d'oeil proportionnel, ne fut pas dupe.
« La France a besoin de vous » a-t-il lancé. C'était lui, surtout lui, qui avait besoin de la France. Le président sortant appelait à l'aide. «Je voudrais vous dire simplement mes chers amis que la France a besoin de vous. Ce pays c'est le nôtre, ce pays nous l'aimons, ce pays c'est nous tous. Je vous demande une chose, ici à Marseille: aidez-moi! Aidez-moi à réussir pour la France! Aidez-moi à rassembler le peuple de France!». Sarkozy, sur ce coup, s'inspirait de de Gaulle, encore une fois, comme le remarqua Guy Birenbaum. Le 22 avril 1961, le général sortait déjà le même argument, mais contre les putchistes d'Alger: « Françaises, Français, voyez où risque d’aller la France, par rapport à ce qu’elle était en train de redevenir. Françaises, Français ! Aidez-moi ! » Il s'adressait à la télévision, après une tentative de coup d'Etat.
Nicolas Sarkozy se croyait-il menacé d'un putsch ? Avait-il confondu l'élection présidentielle avec un coup d'Etat ?
Au bout de 45 minutes, c'était fini. C'était tout. Nicolas Sarkozy semblait fatigué.
« C'était très émouvant, c'était merveilleux » a conclu Carla Bruni-Sarkozy.
Merveilleux.
En fin de journée, dimanche soir, on apprenait l'existence d'un accord entre Henri Proglio, le patron d'EDF et ancien président de Véolia, et Nicolas Sarkozy. Antoine Frérot, le PDG de Veolia, allait être débarqué de Véolia, et remplacé par Jean-Louis Borloo. En contrepartie, Nicolas Sarkozy s'attendait à un soutien public de son ancien ministre.
Rien que ça.
La République irréprochable en action....
Merveilleux.