Relic Jean Colonna
Extraits Personnages
'']Par exception, j'ai commis deux fiches sur le sujet - tant il m'a plu. En voici la première :++
Un film de série B, tout dégoulinant d'hémoglobine ketchupisée, où retentissent moult cris d'horreur sur fond d'apparitions éclair d'une créature à laquelle on ne croit pas une minute, a été tiré par Hollywood de ce petit roman qui méritait pourtant un autre traitement.
Est-ce à la formation scientifique de Douglas Preston que "Relic" doit la crédibilité qui sourd de ses pages ? Ou alors à la sobriété des descriptions qui nous sont données çà et là de la Créature ?
Quoi qu'il en soit, "Relic" est en son genre un petit bijou qui revisite avec bonheur le thème classique de "la-Créature-qui-vient-du-fond-des-âges-pour-mieux-te-manger-mon-enfant."
En apparence cependant, le lecteur pressé pourrait ne voir là-dedans qu'une énième resucée de lb'exploration amazonienne qui ramène dans un grand musée (ici new-yorkais) des caisses recelant une mystérieuse et épouvantable (on s'en doutait) créature pré-historique dont le but ultime (et à bien y regarder le seul) dans l'existence est de dévorer tous les êtres humains qui lui tombent sous la griffe - le tout en répandant un maximum de sang, de cervelle et d'entrailles sour l'intégralité des murs dudit musée.
Mais il aurait bien tort de passer son chemin sans approfondir. Car :
1) les auteurs ont décidé d'éviter le gore à tout prix ;
2) leur scénario est aussi solide que leur Créature - lisez bien l'introduction, surtout ;
3) et la "chute" est amenée de façon insidieuse et démoniaque - si bien même qu'à l'instant où l'on croit avoir tout saisi, on découvre qu'en fait, on n'avait pas bien réalisé l'identité réelle de la Créature.
Un roman qui n'est pas un chef-d'oeuvre mais qui change un peu, par la qualité de sa construction et de ses idées, du tout-venant habituel. Il fallait le signaler. Voilà qui est fait. Maintenant, si ça vous intéresse, lisez-le.
Et voilà la deuxième :
En dépit de quelques longueurs s'accumulant dans le dernier tiers du roman, lors de la traque dans les sous-sols du musée, puis dans les égouts, "Relic", où entre en scène l'agent Aloysius Pendergast, du FBI de Louisiane, reste l'un des très grands romans d'épouvante de la fin du XXème siècle. Un sommet dont les opus suivants du tandem Preston & Child auront bien du mal à égaler la retorse efficacité.
Il faut dire que, dans ce livre, Pendergast, même si ses "pères" lui ont donné un physique de semi-albinos à la Andy Warhol, n'a pas encore pris ces tics accablants qui, par la suite, vont contribuer à le transformer en une sorte d'hybride littéraire, à mi-chemin entre Sherlock Holmes et Rouletabille. Bien sûr, il a toujours une bonne longueur d'avance - si ce n'est deux - sur les enquêteurs des autres polices mais on ne chipotera pas : après tout, n'est-il pas le héros ?
Et puis, reconnaissons-le, la chute, tout bonnement géniale, est de celles que tout amateur d'épouvante se remémore toujours avec émotion. Décomposée en deux temps, sa puissance est imparable dans le premier mouvement. Le second, avec le scientifique corrompu, est beaucoup plus classique - et donc prévisible. Mais la perfection de ce premier mouvement est telle que, là aussi, ergoter serait faire preuve d'une écoeurante mauvaise foi.
En apparence, "Relic" reprend le thème ultra-éculé de la malédiction attachée à un objet cultuel - en l'occurrence une statuette découverte aux tréfonds de l'Amérique du Sud - ramené à grands frais par des ethnologues, anthropologues et autres logues jusque dans les caves du Muséum d'Histoire naturelle de New-York. Tant qu'on n'y touche pas, le problème n'est pas très grave. Mais à partir du moment où une cohorte de scientifiques en veine de reconnaissance mondaine et de gloire locale se met en tête d'exposer ladite statuette, l'atmosphère s'alourdit considérablement ... et les meurtres (évidemment horribles, épouvante oblige) commencent.
On n'en dira pas plus pour ne pas gâcher le plaisir du néophyte qui n'aurait pas encore lu ce livre. Sauf peut-être que, par le traitement infligée au thème central, "Relic" ne se borne pas aux apparences mais va beaucoup plus loin, d'où son intérêt et sa qualité.
Ici, il n'y a pas de tour de passe-passe comme on pourrait en reprocher aux auteurs dans, par exemple, "La Chambre des Curiosités." Il n'y a pas non plus d'invraisemblance majeure : tout est pensé, calibré, projeté, logique, implacable. Les personnages sont vivants et, à l'exception du policier new-yorkais, ne tombent pas dans le stéréotype. La clef de l'énigme est, nous l'avons déjà dit, remarquable par son intelligence même si son épilogue fait un peu plaqué, dans l'intention vraisemblable d'annoncer une "suite." Bref, il n'y a guère que le style, correct mais banal, dépourvu hélas ! de cette poésie cultivée par Machen ou Lovecraft, qui fasse tiquer le puriste.
On notera qu'un film éponyme a été tiré de ce roman. Ce n'est pas un chef-d'oeuvre, il est beaucoup plus simpliste et on ne croit pas un instant à la créature qui s'y débat, mais il se laisse regarder.
Un conseil cependant : lisez "Relic" avant de visionner sa version filmée.