Il est rare de voir autant d’agitation dans le monde littéraire français. Et pourtant, mesdames et messieurs depuis hier on ne parle plus que de Gallimard, d’Hemingway et d’un certain François Bon. Encore une histoire de plagiat made in PPDA ? Point du tout les amis. Le scandale tient en trois petits mots : droits d’auteurs.
Une bref explication s’impose. Commençons par » la base » : Ernest Hemingway est un auteur d’origine américaine qui a écrit bon nombres de classiques, dont »le vieil homme et la mer », sujet du scandale. En tant qu’auteur américain il écrit en…anglais ! Comme nous le savons tous, la langue anglaise ne domine pas (encore) le monde, et il est donc nécessaire de traduire ses oeuvres.
En France, le droit de traduction qui est une branche du droit d’auteur appartient à la maison d’édition Gallimard depuis plusieurs décennies. À ce titre, elle a réalisé une traduction du « Vieil homme et la mer », il y a de cela plus de 30 ans, qui est la seule et unique proposée en langue française. Traduction légitime puisque Gallimard a passé un contrat avec les descendants directs d’Hemingway. Tout cela représente énormément d’argent ne l’oublions pas.
Rentre alors en jeu une autre notion juridique : le domaine public. Car oui, l’oeuvre d’un écrivain finit tôt ou tard par appartenir à tout le monde. Imaginez le bordel pour retrouver les descendants directs d’Homère. Lorsqu’une œuvre littéraire tombe dans le domaine public, toute personne peut utiliser la dite œuvre sans avoir à verser une partie des bénéfices aux descendants ou acheter les droits d’exploitation. Ce qui de nouveau représente une somme d’argent importante.
Vous vous rappelez surement quand deux films sur la Guerre des Boutons sont sorties à la même période l’année dernière : parfaite illustration des effets du domaine public !
Mais revenons à François Bon, petit éditeur numérique sur le site publie.net, qui a « voulu réalisé (son) rêve d’enfance » en traduisant « le vieil homme et la mer » d’Hemingway. À ce jour, il en a vendu 22. A t-il fait ça dans son bon droit ? Et bien pas vraiment..
L’histoire devient alors assez compliqué. Depuis 2011, toutes les œuvres d’Ernest Hemingway sont tombés dans le domaine public…au Canada, où les droits d’auteurs ne sont valables que durant les 50 années suivant la mort de l’écrivain.Aux Etats-Unis, pays de l’écrivain, les droits d’auteurs sont valables pour 95 ans, d’où la requête (menace) de Gallimard quelques jours seulement après la mise en ligne de cette nouvelle traduction, via un courrier envoyé à l’intégralité de leur répertoire.
Toute l’affaire aurait pu passer inaperçue si Twitter n’était pas passé par là en propulsant cette affaire via les « top tweet » et si la question des droits d’auteurs n’était pas de plus en plus au centre des débats depuis l’arrivée en force du numérique.
De son propre compte, François Bon a crié au scandale, à la traîtrise et autres mots bien sympas. Se disant choqué par cet affaire, il souhaite selon ses propres dires changer de carrière, quitter ce « monde infâme ». De colère, il a jeté l’intégralité de sa collection Pléiade, soit près de 165 ouvrages. OUATCH !
Alors oui, Gallimard est un méchant capitaliste, et oui il faut se révolter contre ce genre de principe. Mais on va être honnête : La Pléiade, c’est des reliures en cuir et du papier bible. C’est 3 ans de travail, recherche et corrections : pas une faute d’orthographe ! C’est la traduction de référence. C’est des romans, poèmes et pièces de théâtre introuvables. Et putain c’est 60 euros minimun le livre. Alors franchement, François la prochaine fois tu fais tourner plutôt que de jeter.
Au final, toute cette histoire sent mauvais le droit de propriété, et la bataille interne est loin de se terminer. Aux dernières nouvelles, Gallimard aurait demandé à Bon de rembourser les bénéfices de ses (22) ventes. Pas cool bro’, vraiment pas cool.
Ce qu’on retiendra à WTFRU, c’est que pour avoir 165 pléiades, François LeBon a pas vraiment l’air d’un hippie. Enfin, nous on dit ça..