L'abbaye de Beuron
Bon, je fais rapidement, parce que ce n'est pas ce qui nous intéresse le plus. Il existait à Beuron une abbaye depuis le XI ème siècle. Pis il y eut le XII ème siècle, le XIII ème siècle... et le début du XIX ème. Après que Napoléons eut vaincu les Autrichiens, qu'il eut envahi une grande partie de l'Europe, et qu'il eut distribué les biens des églises allemandes aux princes allemands afin de les dédommager des annexions françaises (cf. l'Alsace et la Lorraine), l'abbaye se vida de ses occupants, et les poils d'araignées remplacèrent les moines pendant plus d'un demi-siècle, jusqu'en 1862, lorsque Kati von Hohenzollern décida de repeupler l'abbaye pour faire plaisir à sa maman bonne catholique. Ignorante des règles naturelles de reproduction et de population animale, elle accommoda bêtement en notre édifice 2 moines bénédictins mâles, frères ("Maurus" et "Placidus Wolter", pour ne pas les nommer), qui furent cependant à l'origine (asexuée) de toute la nombreuse lignée des tondus de Beuron. Au fil des ans, quelques 40 abbayes bénédictines du type Beuron naquirent à travers le monde, mues par un même élan artistique: l'école de Beuron (cf. plus loin).
Ah si, il est encore un édifice anecdotique relatif à l'art beuronien d'ici à Prague. Pareil, un édifice dont personne ne soupçonne l'existence, et qui se détériore joyeusement sans que personne ne s'en creuse des rides outre mesure. Vous vous souvenez de ma publie sur l'église de St Philippe et St Jacques de "Zlíchov"?
L'abbaye de St Gabriel
Encore jeune, vierge et innocente (mais déjà complètement bigote), la comtesse Gabrielle "Sweerts-Šporková" (vivant à Prague) voulut entrer au couvent. Mais comme aucun ne lui convint, elle décida de se construire son propre d'à elle, qu'elle nommerait St Gabriel, comme elle. En fait, et influencée par une émission TV pour ménagère au foyer, elle voulut entrer dans un couvent de nonnes bénédictines de la branche Beuron qui, selon l'émission, était la plus mieux. Malheureusement en ces temps, du couvent comme ça, ben y en avait pas, ici, en Bohême. Elle mit donc en chantier son propre projet immobilier, d'une capacité de 80 soeurs de taille et de poids standards, déposa sur un compte en banque le pognon qui va bien standard aussi, et décéda en 1884 avant même la pose de la première pierre. Bon, mais on n'allait pas s'arrêter en chemin pour si peu, non? Sa maman prit alors le projet en main, et en 1888 commencèrent donc les travaux du complexe néoromantique (parfois pseudo-romantique, pour moi néoroman, à cause des fenêtres géminées typiques, et surtout parce que le romantisme, c'est d'un chiant en littérature, alors j'vous dis même pas en architecture) pour se terminer (les travaux) en 1891 (les finitions se poursuivirent cependant jusqu'en 1908).
Mais après l'avènement de la première République Tchécoslovaque (1918), elles décidèrent de rentrer au pays (cf. plus loin). En 1919, elles vendirent l'abbaye à bon prix au ministère des postes et télécommunications, sous condition que l'église continue à servir aux offices d'à bondieu. Encore aujourd'hui cette condition est remplie chaque dimanche à 11:15, et le complexe demeure la propriété de la poste tchèque. Les bâtiments de l'abbaye furent alors adaptés pour les besoins de l'administration: les fresques sont encore aujourd'hui masquées par un crépi blanc et les édifices sont de 3 étages supérieurs aux plans originels.
Alors élément important: les architectes belges qui oeuvrèrent sur ce petit bijou architectural ne sont autres que "Hildebrand de Hemptinne", moine bénédictin né en Belgique, puis élevé et décédé à Beuron, surtout devenue plus tard le feld-maréchal de l'ordre, et Ghislain Béthune (également moine bénédictin), fils de Jean-Baptiste Béthune, un des pionniers du néogothique belge, qui construisit avec "Hildebrand" l'abbaye de Maredsous, bien connue des amateurs de bière (dont je suis). Notez que le style architectural est donc néoroman, curieusement, et non pas néogothique très en vogue en cette fin de XIX ème siècle, ni dans le style beuronien comme on pourrait le croire de prime abord.
"Peter Desiderius Lenz"
Le petit Pierre naquit le 12 mars 1832 dans le bled de "Haigerloch" (littéralement le trou de "Haiger", premier bourgmestre du patelin de 1349 à 1341 avant Jean-Claude), à 50 km au sud de Stuttgart et à 80 km à l'Est de Strasbourg, en Souabe (aujourd'hui dans le land du "Baden-Württemberg" en Allemagne, Bade-Wurtemberg en Français, pour ceux qui ne parlent toujours pas Allemand). Issu d'une famille d'origine modeste, il eut cependant dès sa petite enfance des goûts de riche: le lardon voulut être peintre.
En 1868, il sonna pour la première fois à la porte de l'abbaye de Beuron, afin d'y trouver le calme et la tranquillité nécessaires au repos de l'esprit hachis-compoté par tant de splendeur (cf. le syndrome de Stendhal). Une fois reposé peinard, malgré son esprit créatif toujours en ébullition, il prit la route de Berlin, capitale mondiale des arts depuis la nuit des temps.
En 1872, Pierre sonna une seconde fois à la porte de l'abbaye de Beuron, pour en être chassé peu de temps après par les reformes bismarckiennes. En effet, à partir de 1871 (création de l'Empire allemand), Bismarck (protestant) commença à s'acharner sur les catholiques. Nombreuses congrégations furent alors foutues à la porte du pays (en particulier les Jésuites, chieurs de première classe qui furent foutus plus que les autres à la porte du pays), et leurs biens furent confisqués. L'abbaye bénédictine de Beuron n'échappa point à la purge, aussi ses membres se dispersèrent dans le monde. Pierre "Lenz" trouva alors refuge au coeur même de la civilisation bénédictine, dans l'antre sombre de St Benoît, en la fabuleusement mythique abbaye du Mocassin. Pour l'anniversaire des 1400 ans de la naissance de St Benoît, il réalisa céans plusieurs fresques d'envergures monumentales. Puis le 15 août 1878, jour de l'assomption, "Peter Lenz" fit ses voeux (de noviciat?) et prit le nom de Desiderius (Dédé) sur le mont Cassin. 11 ans plus tard, il fut promu au grade de sous-diacre (genre de caporal-chef chez les cathos), et c'est tout. Dédé "Lenz" ne fut jamais prêtre, ni sous-officier.
En 1880, les beuroniens furent appelés à Prague par le fameux cardinal Schwarzenprout (outre qu'il ait fait béatifier St Agnès de Bohême dont on a fêté toute l'année dernière les 800 ans de sa naissance, il a surtout failli se croûter grave dans les escaliers de devant la chaplette de la visitation de "Rokycany") et s'établirent au monastère d'Emmaüs.
Bon, mais ce n'est pas spécialement important, juste afin que vous le sachiez, le nom Gabriel versus la non-ciation. Et donc Desiderius s'en donna à coeur joie, et pris d'un élan suprême de créativité artistique, il réalisa ici un de ses chefs-d'oeuvre d'inspiration égyptienne, une pietà monumentale que les amateurs d'art beuronien nous envient à travers le monde entier.
Alors afin de rendre à ces Zards ce qui est assez zard, je me dois encore de vous préciser que parmi les fondateurs de l'école des arts de Beuron, se trouvaient en plus de Desiderius, 2 autres bougres: "Gabriel Wüger" (1829-1892) et "Lukas Steiner" (1849-1906). Mais je ne vous dirai rien sur ces 2 là, parce que la postérité n'a pas retenu grand chose d'eux, et qu'ensuite, parce que je souhaite faire une publie courte, contrairement à la dernière.
Ah oui, et aussi, en 1926 fut tourné un film intitulé "Der Meister von Beuron", dans lequel le maître en personne figura. Et encore ci-joint un dessin, une peinture et une photo du maître à différents stades de sa vie.
Le canon beuronien
Bon, mais c'est quoi les principes, les règles de l'école d'art de Beuron me demanderez-vous? Ben justement, j'y arrive. Déjà petit, "Peter Lenz" était fasciné par les mathématiques, et plus particulièrement par la géométrie qui, comme qui dirait, que c'est de la peinture aussi mais à la règle et au compas plutôt qu'au pinceau. En grandissant, notre gaillard s'embondieusardisa, voyant la preuve de l'existence de bondieu dans la nature et dans le simple. Et en combinant ces 2 éléments Dédé, redécouvrit le nombre d'or qui devint l'une des caractéristiques principales de son art. Alors le nombre d'or c'est quoi? Je vous laisse le lire sur Wikipédia parce que pour une fois, et c'est suffisamment remarquable pour être signalé, l'article est correctement complet, et proprement expliqué. Notez surtout les rapports des longueurs entres-elles, dans les triangles, dans les rectangles puis dans les cercles. C'est justement toute cette géométrie qui fut utilisée par "Peter". Ensuite notez que malgré la complétude de l'article, nulle part, mais pas une seule fois ne sont mentionnés ni Beuron, ni "Lenz". Et surtout notez, et c'est hyper important ici, une sorte de conclusion: "Il (le nombre d'or) est érigé en théorie esthétique et justifié par des arguments d'ordre scientifique ou mystique: omniprésence dans les sciences de la nature et de la vie, proportions du corps humain ou dans les arts comme la peinture, l'architecture ou la musique". Alors il est prouvé que le cerveau humain, par l'intermédiaire des yeux, est tout particulièrement attiré par certaines proportions, géométries, symétries, qui sont naturellement présentent dans la nature et qu'il (le cerveau) considère comme familières, spontanées, vraies, faisant partie de la vie.
"Peter Lenz" redécouvrit, ou plutôt remit au goût du jour le nombre d'or, donc. Selon ses principes, l'art doit se suffire du simple, et composer de formes élémentaires. Plus simple est le regard de l'artiste, plus se rapproche-t-il du créateur et d'autant plus de valeur possède son oeuvre. Hum, alors moi j'dis que ça se discute. Je sais que mon mentor professionnel n'avait également de cesse de me répéter "keep it simple", mais personnellement, je pense que parfois, pas toujours non plus bien évidemment, mais de temps à autre, surtout dans l'art, il est bon par moment épisodique de faire compliqué, très compliqué, histoire d'huiler le mou, remuer la pulpe, et purger les boyaux du plafonnard de toutes les imbécilités primitives et révolues qu'il contient.
Bref, l'art Beuronien peut être considéré comme un art hiératique (style, perspective, symbolique) extrêmement coloré, inspiré des peintures antiques égyptiennes, babyloniennes, grecques et byzantines. Et cette particularité du retour aux sources ne s'appliquait pas spécifiquement qu'à la peinture, mais également à l'écriture, au chant, à l'architecture, à la sculpture, à la menuiserie, jusqu'à la bijouterie, lorsqu'en 1903 fut ouvert à Beuron un atelier d'orfèvrerie. Notez par exemple quelques lettres caractéristiques en écriture (cf. mes photos): le U s'écrit comme un V, comme en latin. Le E s'écrit comme un 3 retourné à l'envers de la tête aux pieds. Le G en forme de @, ou plutôt en forme de 6 non refermé. Les panses (courbures) ne collent pas aux fûts (barre vertical gauche) dans les lettres B et R. La traverse (barre horizontale) du A est coudée, et la lettre ressemble au symbole franc-maçon, le compas et l'équerre.
Alors maintenant les règles mathématiques. Pour info, je vous ai trouvé un fabuleux article sur les canons de l'art égyptien, pour vous montrer oh combien c'est compliqué (et pourtant on n'avait pas encore inventé bondieu à l'époque). Beuron s'inspire d'une certaine façon de ces complexités.
Tout commence par un cercle. Le cercle de la vie, la naissance puis la mort. Et le cercle est fermé. Sur ce cercle de la vie sont posés trois points, équidistants, les 3 stades de la vie: jeunesse, maturité et vieillesse. Ils sont représentés par un triangle équilatéral... alors je ne vais pas vous faire toute la philosophie du canon, sinon j'aurai jamais fini mon repassage à temps, mais je vais par contre vous montrer de comment que ça marche, le dessin à la Beuron-art. Vous pouvez suivre la démonstration sur cette page Internet, mais c'est en Tchèque, alors je vous l'explique en Français. Vous prenez un cercle de taille moyenne, ni trop grand, ni trop petit, fraîchement acheté au marché. Dans ce cercle vous inscrivez un triangle équilatéral la pointe vers le bas, la base horizontale vers le haut. Dans l'espace entre le côté horizontal du triangle et le cercle, vous inscrivez un autre cercle plus petit. C'est la tête (image 1). Vous inscrivez dans le premier cercle un autre triangle équilatéral, à l'envers du premier triangle, et vous obtenez une étoile des brasseurs (ou de David, i.e. sceau de Salomon).
L'église de l'annonciation à la vierge, quae St Gabrieli vulgo appellant
Le 23 avril 1891, le complexe St Gabriel fut donc terminé, puis consacré au goupillon et au sac à main qui fume par le cardinal "František Schönborn", encore simple archevêque de Prague à l'époque. Ensuite l'on farcit le reliquaire de fondation des restes de 3 saints patrons tchèques: St Adalbert, St Jean Népomucène, et Sv Venceslas, et hop, restait plus qu'à cuire à feu doux.
En 1891, Desiderius "Lenz" débarqua à Prague avec son novice Jan Verkade (cf. plus loin), et en 1895 commença le peinturlurage de l'église. Sont représentés des saints, des scènes bibliques, des légendes de St Benoît, le tout richement rehaussé de frises ornementales comme de citations latines. Et parmi les nombreuses fresques dedans notre église, la pietà se distingue tout particulièrement. D'abord parce qu'il s'agit d'une oeuvre de longue haleine, que Desiderius souhaitait réaliser depuis longtemps, ensuite parce que l'histoire... enfin z'allez voir. La première ébauche de la pietà "lenzienne" date de 1864. En ces temps notre artiste en était à ses débuts, et sa créativité exubérante n'avait pas encore trouvé l'assise, la maîtrise nécessaire à l'élaboration d'un chef-d'oeuvre. Une première tentative de réalisation advint lors de son premier séjour en l'abbaye du Mocassin, mais la modernité de l'art à Dédé se heurta au conservatisme de l'abbé (nédictin) formalisé par un refus catégorique et sans appel. L'artiste revint donc à la charge d'avec son chef-d'oeuvre auprès des frangines de St Gabriel. Comme dit, non seulement celles-ci admiraient l'art du maître, non seulement elles lui accordaient leur entière confiance dans la réalisation des fresques, mais de plus et surtout, la mère supérieure "Adelgundis Berlinghoff"... enfin lisez, c'était à la une de Voici en 1894.
Puis tomba la douche froide... glacée. Fin 1896, les bulles du Champomy parvinrent aux oreilles de l'archevêque de Prague "František Schönborn", lequel s'invita à la partie des frangines, histoire de tâter de la cacahuète, du bretzel et de l'amuse bouche (bien qu'à la dernière nouba, il trouva fort épicée la bête au curry). Tu parles, quand on est archevêque, on ne se gondole pas tous les jours comme un bossu. Alors lorsque les frangines font péter du bouchon de liège, faut manquer l'éclate pour rien au monde.
Mais en Juin 1897, l'architecte constructeur de l'abbaye, devenu abbé-primat de la confédération bénédictines, "Hildebrand de Hemptinne", rendit visite à St Gabriel, et invité par la mère "Adelgundis" à se prononcer sur l'oeuvre controversé, s'exclama "j'ai vu mieux, mais ça ne mange pas d'hostie".
Après ce nouveau ramdam, "František Schönborn" se dit hourra, l'abbesse flanche. Mais bien au contraire, en fine guêpe, icelle informa le pauv' Ben que l'occultation ou non de la pietà d'à Dédé n'était point de son ressort, et qu'afin de résoudre ce différent, l'on irait demander son opinion à l'abbé-primat de la confédération bénédictine ("Hildebrand de Hemptinne"). L'affaire prenait une tournure malsaine et démesurée. Bénédict joua alors la carte du temps, laissa passer Noël et la St Sylvestre. Puis l'archevêque attrapa les oreillons en Janvier, et finalement, fin Juin 1899, foutut la paix pour toujours avec l'affaire de la pietà de Desiderius "Lenz" en décédant de mort naturelle.
Rapide parenthèse. Petr "Lenz", comme pas mal d'autres, avant comme après, ont fait une analogie entre la vierge Marie chrétienne et la déesse Isis égyptienne. Sans entrer dans les détails, parce qu'il y a autant de pour que de contre (googlez le), il est indéniable qu'Isis eut sur notre beuronien une influence considérable dans ses représentations de Marie. Il sculpta en particulier une Isis-Madonna pour l'abbaye bénédictine de "Reichenau" sur le lac de Constance, qui devait servir de mascotte lors des processions.
L'autel principal consacré à la vierge Marie représente également une oeuvre majeure de notre église. La madone à nouveau d'inspiration égyptienne (Isis) son Jésus assis sur les genoux trône dans un cercle d'or incrusté dans un carré indigo plein d'étoiles célestes. Tout autour l'on peut lire "Qui me invenerit, inveniet vitam, et hauriet salutem a Domino" (Celui qui m'aura trouvé, trouvera la vie, et puisera son salut de la bonté du seigneur, proverbes 8:35). De 2 doigts de la main gauche, Marie tient sa toge. De 2 doigts de la main droite, elle tient un werkschlürpbrecheistigköcht, sorte de coton-tige ancestral (aujourd'hui handelsüblicheswattestäbchen) utilisé à l'époque de Jésus aux mêmes fins qu'actuellement. En haut se trouve un Christ pantocrator, avec la mention "Ego sum qui sum" ("je suis qui je suis, et qu'est-ce que ça peut t' fout' d'abord" répondit bondieu, lorsque Moïse lui demanda "et t'es qui toi?", cf. Exodus 3:14). Notez que normalement, c'est bondieu qui dit ça, alors que le Christ, lui, il ne dit rien à ce moment parce qu'il n'existe pas encore (Moïse est né quelques 1500 ans avant Jésus). Mais comme bondieu, Christ et monsieur St esprit, tout ça c'est dieutouppuissant sous des formes différentes, on va faire comme si Christ aurait pu dire "je suis qui je suis, et viens pas m'encombrer la tête avec tes questions idiotes".
Maintenant une autre anecdote. Lorsque les frangines vendirent l'abbaye en 1919, elles emportèrent avec elles la plupart des objets de valeur, en particulier le mobilier de l'église, afin de fournir leur nouveau nid d'amour, en l'occurrence le château de "Bertholdstein" en Autriche du Sud aux frontières de la Slovénie et de la Hongrie. Et hop, de suite une parenthèse qui s'impose. Les bénédictines partirent de leur plein gré, et ne furent aucunement expulsées comme le clame l'article de Wikipédia. Seul un parfait imbécile d'envergure cosmique eut pu écrire une couillonnerie aussi monstrueuse. J'ignore d'ailleurs où l'imbécile trouva sa source, car ni dans la version Wiki allemande ("Nach dem Ersten Weltkrieg zog die überwiegend deutschsprachige Schwesterngemeinschaft auf die Burg Bertholdstein in der Nähe von Fehring", "zog" prétérit de "ziehen", tirer dans le sens premier, mais également déménager, partir vers, migrer) ni dans la version anglaise ("After World War I, the predominantly German-speaking community relocated to the castle at Bertholdstein in Styria", "relocated" prétérit de "to relocate", déménager, s'installer ailleurs) l'expulsion n'est aucunement mentionnée. Après la défaite de la première guerre mondiale et la naissance de la Tchécoslovaquie en 1918, nombreux citoyens de langue allemande décidèrent de partir pour la nouvelle Autriche (enfin ce qu'il en restait), considérant que les nouveaux pays nés du démantèlement de l'empire austro-hongrois n'étaient pas les leurs.
Lorsqu'il y a déjà quelques années, je découvris que l'article traitant de St Venceslas avait pour titre "Venceslas 1er de Bohême", je me sentis dans l'obligation d'apporter un nécessaire complément dont la teneur à mon sens justifiée sonnait ainsi: "Attention à ne pas confondre Saint Venceslas (907-935) et Venceslas 1er (dit le borgne, 1205-1253). Le premier était prince/duc de Bohême et saint, l'autre était roi de Bohême et borgne (mais pas saint). Quelques 250 ans les séparent." Cette information est restée moins d'une semaine, avant qu'un autre imbécile hautement qualifié et mandaté du statut d'administrateur du site ne considère cette ligne comme totalement inutile et non avenue. Âne bâté, sache que notre Saint Venceslas n'a jamais été considéré comme premier (contrairement à Louis n'oeuf), mais comme saint tout court (comme lui, Louis). Il fut d'ailleurs considéré saint dès le début de ses légendes puisqu'il fut canonisé seulement quelques années après sa mort. Cependant il ne fut jamais considéré comme premier, même pas un millénaire plus tard. Jamais, mais alors vraiment jamais je n'ai entendu parler de "sanctus Wenceslaus primus". C'est une totale ineptie qu'il me semblait important de signaler au lecteur francophone. Ben non. Inutile et non avenue ma ligne. Depuis, je refuse de perdre mon temps et d'apporter ma contribution à Wikipédia.
Bref, lorsque les frangines quittèrent Prague en 1919 de leur plein gré, elles emportèrent avec elles la grille dorée dite PAX (mot présent sur toute la longueur de la grille) entourant la chapelle St Benoît. Elle fut installée à "Bertholdstein" autour de la cabane à coeur au fond du jardin afin que les frangines noctambules n'aillent pas se croûter de la falaise par nuit sombre sans lune. Pis en 2008, les bénédictines furent expulsées de "Bertholdstein" avec défense d'emporter leurs biens (vous voyez comme c'est facile d'écrire des couillonneries sans fondement), aussi elles renvoyèrent vers son lieu d'origine la fameuse grille (PAX), qui, une fois restaurée, retrouva sa place en l'église St Gabriel de Prague (cf. mes photos). Et pas que la grille PAX qu'elles renvoyèrent, elles renvoyèrent également d'autres artefacts beuroniens particulièrement précieux de par leur rareté, et qui sont également visibles aujourd'hui (en l'église).
Alors dans la chapelle St Benoît est représentée une fresque de...? Eh ouais, de St Benoît et de sa frangine Scholastique. La scène s'intitule la dernière rencontre, qui selon la légende... Scholastique, comme son frère Benoît, sombra dans la bigoterie monumentale, et entra au couvent, à quelques arrêts de tram seulement du mont Cassin où vivait sont frère. Ils s'aimaient beaucoup (platoniquement), se comprenaient, regardaient les mêmes séries à la télé et partageaient les mêmes opinions politiques sur l'avenir de l'Europe.
Eh bien c'est cette scène qui est illustrée dans la chapelle St Benoît de l'abbaye St Gabriel de Prague.
Maintenant en marge du scientifique et mathématique, un peu d'ésotérique quand même. L'abbaye, et tout particulièrement l'église de l'annonciation à la vierge, seraient soumises à une forte radiation psychotronique (non maman, ce n'est pas cancérigène... encore que...).
Moins ésotérique mais curieux toujours, les galeries souterraines. Alors vous n'êtes pas sans savoir que Prague est trouée comme le ministère Grec des finances? Mais ce n'est pas spécifique à Prague. Rome, Paris, Londres, toutes les villes "anciennes" possèdent leurs propres catacombes, égouts, caves, passages secrets creusés à travers les siècles afin de créer une véritable ville sous la ville. Ben sous notre abbaye St Gabriel, il passe une galerie depuis le monastère de Strahov, en passant par Petřín, par les jardins Kinský, sous l'ancienne abbaye du sacré coeur d'à Jésus, vers la rue des chartreux, puis sous l'ancienne abbaye (des chartreux) disparue depuis les guerres hussites, se trouvant avant sur l'actuelle place "Arbesovo náměstí" jusqu'au fleuve, qu'elle passe la galerie.
Géniture, contagion et éclaboussement
Alors parmi les contaminés par l'art beuronien, il est indispensable de mentionner tout d'abord Jan Verkade (i.e. Willibrod Verkade). Je ne vais vous en parler que dans le cadre de l'abbaye St Gabriel, car pour le reste, je vous laisse lire l'article sur Wikipédia.
Bref, à l'âge de 22 ans, Jan partit pour Paris, où il devint pote avec Paul Gauguin et Paul Sérusier (en particulier). Là, il découvrit le mouvement des Nabis, et fit pote avec d'autres potes comme Paul-Élie Ranson, Pierre Bonnard, Mogens Ballin, Maurice Denis, et d'autres. Mais ce qui est important, c'est que lorsque les beuroniens vinrent décorer l'église St Gabriel, Verkade en était. Il vécu quelques années à Prague. Entretenant d'importantes relations épistolaires avec son pote Paul Sérusier, celui-ci vint le rejoindre en 1896 pour quelques jours. Je vous ai retrouvé une liste de correspondances entre Verkade, Sérusier et Denis, où les bougres évoquent Prague, Beuron et la peinture beuronien. Je vous laisse lire. Ce qui est sûr, c'est que l'art beuronien ne laissa pas Sérusier indifférent, parce qu'en 1905 parut à la Bibliothèque de l'Occident la traduction de "Zur Ästhetik der Beuroner Schule" sous l'intitulé "l'Esthétique de Beuron", traduit de l'Allemand par Paul Sérusier avec une préface de Maurice Denis. Signalons toutefois que l'art de Beuron ne fut qu'une étape de la vie de Jan Verkade, et que cet aspect "mathématique" de la peinture n'est absolument pas révélateur de son style. Signalons également que Desiderius "Lenz" impressionna encore Maurice Denis qui en fit un portrait en 1904. "Un moine de vitrail, grand, majestueux, à la barbe de fleuve, fou de géométrie, et qui passait sa vie à tracer des épures d'architecture, d'art décoratif, de sculpture, de peinture, avec un compas de proportion" disait de lui Denis. Mais lui non plus ne fut pas un adepte de l'art beuronien. En fait, parmi les Nabis, seul Paul Sérusier s'enthousiasme en toute fin du XIX ème siècle pour cette esthétique, qui lui permit d'atteindre un art plus grand, plus sévère, et sacré.
Le second personnage impressionné par l'art de Beuron et très attaché à Prague n'est autre que "Jože Plečnik", fabuleux architecte souvent mentionné dans mes publies et dont notre capitale va fêter cette années les 140 de sa naissance. En 1905, la société des sécessionnistes viennois offrit aux moines de Beuron de présenter leur art dans les locaux de Vienne. Parenthèse, je rappelle que ce que l'on nomme ici en République Tchèque comme en Autriche le style sécession ("Sezessionstil"), n'est autre que l'art nouveau pour les francophones. Prague possède plusieurs immeubles "art nouveau" d'envergure mondiale, dont la seule mention évoque chez moi un délire de superlatifs tellement j'en suis dingue. Bref, en cette époque, les sécessionnistes viennois qui avaient alors à leur tête un certain "Gustav Klimt", n'étaient pas des gens particulièrement fréquentables, aussi avant d'accepter l'invitation, l'abbé de Beuron "Placidus Wolter" envoya Jan Verkade en mission à Vienne, afin de s'assurer qu'une telle exposition n'irait pas ternir l'image des moines. Eh bien c'est à "Jože Plečnik" que revint l'honneur de convaincre les tondus d'exposer. Afin de comprendre leur art, il invita personnellement en cette époque les abbayes de Beuron ou du mont Cassin. Et une fois tout compris, il organisagença lui-même l'exposition finalement acceptée par les beuroniens. Ce fut un réel succès.
Alfons Mucha aurait lui aussi été fortement inspiré par les peintures de Beuron. L'on raconte qu'étant petit, il cherchait son inspiration en l'abbaye d'Emmaüs, où Desiderius "Lenz" laissa plusieurs de ses oeuvres majeures. Il est vrai qu'en regardant certaines de ses oeuvres art-nouveau, la géométrie pète aux yeux. Maintenant est-ce du Beuron? Je n'ai pas trouvé de preuve directe, sinon les affirmations de mes sources d'information.
Au fur et à mesure du décès des maîtres de Beuron, leur art s'essoufflait, et ne trouvait plus le moindre écho auprès des moines, ni de la population. Nul ne souhaitait poursuivre dans cette voie, et le style Beuron fut officiellement enterré à la mort du maître Desiderius "Lenz", en 1928.
Et puis logue
La page de l'art de Beuron est aujourd'hui définitivement tournée. Il vécut à peine un quart de siècle, et n'eut jamais un réel écho auprès du grand public. De prime abord simpliste, plat, naïf-cucul, voire niais, sans mouvement et presque sans vie, il repoussait l'oeil du profane plus qu'il ne l'attirait. Mais à l'instar des icônes slaves ou des peintures gothiques, c'est la symbolique en arrière plan qui en faisait l'importance et la beauté. Ici c'était le nombre d'or, la proportion, et la rationalisation du trait qui comptaient. Art secondaire, style momentané, discipline spécifique, et pourtant, combien en furent influencés?