Un Grillon, par un jour d’hiver,
Entra dans une fourmilière.
Il faisait froid, il y entra :
C’est le hasard qui l’y mena.
Il demanda un peu de grain
Pour subsister : il avait faim
Et il n’avait plus rien chez lui.
« Que faisais-tu ? Dit la Fourmi,
Au mois d’Août, au temps d’engranger
Pour mettre du grain de côté ? »
« Je chantais, dit-il, j’égayais
Les autres bêtes, mais jamais
Je n’en ai eu un seul merci
Et donc je viens me mettre ici. »
« Et donc, c’est ça, chante pour moi !
Sauf le respect que je te dois,
Tu aurais mieux fait d’amasser
En été de quoi subsister
Que d’être ici tout grelottant,
Le ventre creux, mendigotant…
Pourquoi devrais-je te nourrir ?
Tu ne peux en rien me servir. »
Il ne faut vivre, on peut le voir,
En insouciance et nonchaloir
Mais, comme on le peut, tout au moins,
S’efforcer d’acquérir du bien :
Qui est nanti est préféré
A qui vient geindre et quémander.
Marie de France (XII siècle).
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