Je n’ai jamais chassé, mon père non plus
Mon grand-père non plus
Et, non plus, Jean, mon arrière grand-père.
Par contre mon trisaïeul Albert
Chassait le loup tous les hivers.
Il n’aimait que cela,
Ne vivait que pour cela.
Fin novembre 1762,
Les loups devinrent subitement furieux.
Ils hurlaient du soir au matin.
Ils dépeuplaient les bergeries.
À Saint-Florentin,
Une louve colossale au pelage gris
Avait dévoré un bébé.
Albert résolut alors de la tuer.
Il avait beau battre les forêts,
Jamais il ne le rencontrait.
Or un jour, il l’aperçut dans un buisson.
Il sonna du cor à pleins poumons
Pour attirer ses gens et ses chiens.
Tous s’élancèrent
Ventre à terre,
Crevant les fourrés, coupant les ravins.
Et brusquement au début de la nuit,
Albert vit une forme grise passer devant lui.
Jouant son va-tout,
Il s’élança au galop derrière le loup.
Il le suivit par les taillis et les futaies,
L’œil fixé sur la bête féroce qui fuyait.
Soudain, l’animal et le cavalier
Sortaient de la forêt
Et se ruaient dans un vallon.
La lune apparaissait au-dessus des monts.
Ce vallon, fermé par des rochers,
Était sans issue. La louve se trouvait acculée.
Albert sauta de cheval. La bête l’attendait
Poil hérissée, dos rond. Ses yeux luisaient.
Le chasseur se jeta sur le loup,
Le saisit par le cou
Et l’étrangla doucement,
Jouissant éperdument.
Ayant de plus en plus serré
La bête cessa bientôt de respirer.
F. Audrey Yalé