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Herbert Spencer et l’ordre social

Publié le 18 février 2012 par Copeau @Contrepoints

Herbert Spencer était un philosophe, sociologue et économiste anglais, extrêmement connu en son temps comme théoricien de l’évolutionnisme qu’il appliqua avant l’heure aux sociétés humaines. Voici un bref portrait de cet auteur classique du libéralisme, méconnu aujourd’hui du grand public.
Un article de l’aleps

Herbert Spencer et l’ordre social
Pendant longtemps Spencer (1820-1903) a été connu comme un « évolutionniste » et on a associé son nom à celui de Darwin. La thèse de Darwin consiste à voir dans l’être humain le produit d’une évolution naturelle qui a conduit sans discontinuité de la matière inerte à l’être humain. Il n’y a pas de rupture dans ces transformations, donc l’idée d’un homme créé est exclu. Les « darwinistes » s’opposent aux « créationnistes ». Pour sa part, Spencer ne s’intéresse pas précisément à l’évolution naturelle (bien qu’il ait fait plusieurs allusions à l’idée de transformation de la matière) mais se propose d’expliquer l’évolution des sociétés. C’est un sociologue, dans la lignée d’Auguste Comte, désireux de comprendre les phases successives de l’état des sociétés. Il estime que les sociétés obéissent à un double mouvement : de diversification (une complexité croissante) et d’organisation (la mise en place d’un ordre social). Voilà pourquoi on parle à propos de Spencer de « darwinisme social » ou d’ « organicisme ».

La sélection des groupes

Quel est le principe directeur de l’évolution sociale ? C’est le succès de l’initiative, du mérite, qui finalement permet aux meilleurs de l’emporter, et élimine les plus faibles. Combat pour la vie ou la survie ? Ce serait aller trop loin. Mais souci de l’efficacité et de la productivité : Spencer est sous influence de l’utilitarisme de Bentham. Est bon ce qui réussit. Sont bons ceux qui réussissent. Sa thèse est celle de « la survie des plus aptes ». Mais Spencer est sociologue, et ne s’intéresse apparemment qu’aux groupes. Comment sont-ils constitués ? Une lecture rapide de Spencer verrait dans la cohésion du groupe une composante ethnique, ou religieuse, voire biologique, ce qui lui a valu de sérieuses attaques : n’est-ce pas la porte ouverte au racisme, ou à l’eugénisme ? En fait, Spencer est obligé de revenir aux individus, qui composent un peuple, et il va déplacer son étude vers la façon dont un peuple est organisé. Au-delà du débat entre l’inné et l’acquis, il y a la prééminence de l’ordre social.

Le droit d’ignorer l’État

L’ordre social de Spencer est celui de la liberté. Il est difficile de trouver un sociologue libéral, car le libéralisme, dans la tradition de Locke et Smith, est acte de confiance dans l’être humain, capable d’échanger, de contracter, et de rechercher des relations de mutualité. Spencer a connu Bastiat, il a été membre de l’Anti Corn Law League (société en faveur du libre échange), et il n’a pas de sympathie pour l’État. Voici donc un tout autre aspect de la pensée de Spencer, mis en évidence par Yvan Blot : Spencer est un anarcho-capitaliste.

Anarchiste, parce qu’on peut se passer totalement de l’État. Les sociétés se sont données un État au cours d’une phase primitive où la force et la guerre étaient les modes de relation dominants. Pourquoi la société serait-elle encore soumise au pouvoir, à ceux qui exercent la contrainte, alors que l’on est parvenu au stade du plein développement, et que l’homme lui-même a progressé ? Il va donc bien au-delà du libéralisme classique, qui s’accommode en général d’un État minimum.

Mais cet anarchiste est aussi un fervent défenseur du droit de propriété, base du système capitaliste. C’est parce qu’ils ont un droit de propriété sur eux-mêmes, sur leurs initiatives et leur réussite, que les individus peuvent s’organiser à travers l’échange. L’anarchisme de Spencer est donc identique à l’ordre spontané de Hayek. Il repose sur l’aptitude des gens à s’auto-organiser sans qu’il soit besoin de recourir à la contrainte.

Darwinisme peu « social »

Spencer s’est fait d’autres ennemis en poussant l’idée de sélection jusqu’à son point extrême. Car le voici à nouveau sociologue, quand il recherche les caractéristiques des groupes sociaux les plus efficaces, et qui vont donc survivre. Ces groupes ne peuvent entretenir en leur sein des individus qui n’ont pas les aptitudes voulues. Les lois sur les pauvres appauvrissent tout le monde. La charité n’est pas un service, il est source d’assistanat, dirait-on aujourd’hui. Et Spencer d’en conclure que le moindre défaut de l’État n’est pas de vouloir redistribuer les richesses au bénéfice des parasites et au détriment des plus aptes, de sorte que le groupe s’affaiblit jusqu’à disparaître. L’anthropologie de Spencer est assez impitoyable !

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