Etonnante, cette dixième et dernière chanson du nouvel album de Léonard Cohen : comme dans "Everybody Knows", "There is a war", ou "The Captain", on est d'abord surpris par la dissociation entre la gravité des paroles et le rythme très "balancé" de la mélodie. On découvre ensuite une réflexion amère et désabusée mais non désespérée sur ces forces contradictoires qui sont à l'œuvre à tous les niveaux :
- dans l'espace où la gravitation tente de s'opposer à l'expansion de l'univers ;
- sur cette terre, où l'attraction lunaire détermine les marées sur les océans que parcourent les courants générés par la chaleur solaire ;
- dans nos sociétés, où solidarité et individualisme s'affrontent ;
- en nous-mêmes, tiraillés entre désir et idéal, haine et passion...
Les idées, les traits, les goûts, les couleurs... toutes ces différences qui distinguent deux êtres et les attirent l'un vers l'autre, peuvent aussi les séparer : lorsque la haine de soi rejaillit sur l'autre, tout devient prétexte à opposition. Ce que l'on hait le plus chez l'autre est alors l'image qu'il nous renvoie de nous-même.
Chaque mot ou chaque silence, chaque geste ou chaque regard sont utilisés comme pièces à conviction d'un procès à charge. L'ambivalence fondamentale de nos sentiments permet en effet de ne retenir que l'envers, et créer une tension telle que la raison s'en trouve paralysée.