Une des martingales du
Sarkozy nouveau semble être le recours massif au
référendum. Plus précisément, le recours au référendum en cas de situation
de blocage ce qui revient à peu près au même dans notre beau pays ou le
consensus semble si difficile à trouver (voir à ce sujet « La
fabrique de la défiance» par Yann Algan, Pierre Cahuc et André
Zylberberg).
Pour Sarkozy, cette proposition à un double intérêt. Un premier intérêt
immédiat, purement électoral, qui est de nous dire : « voyez comme je
suis démocrate puisque j’en appelle au Peuple pour toutes les décisions
importantes » et qui nous rappelle étrangement la fumeuse démocratie
participative de Ségolène.
Le second pose une question de fond sur l’utilisation du
référendum.
Sarkozy a clairement le sentiment d’être un incompris, à chaque fois qu’il
lance une réforme qu’il considère pourtant comme nécessaire pour la France,
c’est le tollé général, les syndicats, les corporations, les autres formations
politiques lui tombent sur le râble et surtout, les français, ou en tout cas
les plus politiquement actifs descendent dans la rue.
L’idée est simple, puisqu’à chaque fois qu’il lance une réforme
« courageuse » le « Peuple » lui reproche, eh bien laissons
le Peuple prendre lui-même ses décisions et assumer la responsabilité d’un
refus.
Finis les passages en force qui m’amènent que des emmerdes, dans tous les
cas je serai gagnant : soit c’est « oui » et ma réforme à moi
sera passée et je pourrais en tirer gloire, soit c’est « non » et je
pourrais dire que j’ai fais ce que j’ai pu et que si on est dans la merde c’est
parce que le Peuple a refusé de valider mes courageuses propositions.
En fait, et contrairement à ce que laisse entendre Sarko, l’objectif du
référendum n’est évidemment pas de débloquer des situations mais de ne pas
assumer ses décisions impopulaires!
De toute façon, pour qu’un référendum débloque quoi que ce soit, encore
faudrait-il que la réponse soit « oui » !
L’alternative nécessairement simple sinon simpliste que propose le
référendum fait que ça passe ou ça casse. En cas de « non », on n’a pas
avancé, on a reculé, on se retrouve au point de départ, dans une situation
probablement insatisfaisante puisqu’une réforme a été jugée nécessaire. Et un
« non » a un caractère suffisamment traumatisant pour considérer
qu’il va plutôt contribuer à figer une situation qu’à la faire évoluer, qui
prendrait le risque d’essuyer un second « non » !
D’ailleurs, pourquoi croyez-vous que les extrémistes de tous bords réclament
à corps et à cris des référendums sur l’Europe par exemple, parce qu’ils savent
bien que c’est le meilleur moyen pour refuser, pas pour exprimer son accord,
pas pour faire avancer l’Europe mais pour la bloquer en disant
« non » !
Car, tous ces gens, savent pertinemment que lors d’un référendum beaucoup ne
se prononcent pas sur la question posée mais sur celui qui la pose. Sarkozy
pourrait organiser un référendum sur n’importe quel sujet, il est évident que
la réponse serait dans tous les cas « non » !
Depuis toujours, les français confondent référendum et plébiscite
!
Depuis toujours, ou au moins depuis que de Gaulle a lié son sort au résultat
du référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat.
Pourtant, combien de décennies aurions nous gagnées sur la décentralisation
si son projet avait été mis en œuvre.
D’une manière générale, et j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire (La
véritable leçon de démocratie des Grecs ! ) ce type de scrutin binaire se
prête à toutes sortes de démagogies populistes. Répondre par « oui »
ou par « non » à la question posée, suppose tout d’abord que l’on
accepte avec honnêteté de se contenter de répondre à la question posée en
faisant abstraction de celui qui la pose. Mais même dans ces conditions, peu
probables en France, cela suppose que l’on connaisse précisément, à la fois les
conséquences d’un « oui » et les conséquences du « non », si ce
qui n'est pas le cas, le jeu est inégal !
Or les conséquences du « oui » sont bien plus clairement définies
que celles du « non » qui se réfère au mieux au statu quo et au pire
à une vague alternative (cf. plan B).
A cela il faut ajouter que: « Les mauvaises politiques sont plus
faciles à vendre que les bonnes » (sic Leszek Balcerowicz ex gouverneur de
la Banque centrale de Pologne) surtout si elles ont des conséquences immédiates
désagréables.
Faire appel au référendum, sauf sur certains sujets de société qui posent
une alternative claire, n’est qu’un aveu d’échec de la société à trouver les
nécessaires consensus qui permettent de la faire évoluer sans être en
perpétuels conflits.
C’est l’aboutissement de la personnalisation du pouvoir avec le Président de
la République qui « parle » directement au Peuple en enjambant
allégrement tous les corps intermédiaires considérés au mieux comme inutiles au
pire comme facteurs de blocage de la société !
Tel que veut l’utiliser Sarkozy, c’est même parfaitement contradictoire avec
le fonctionnement de notre démocratie représentative qui veut que le Peuple, à
l’occasion des élections, délègue son pouvoir à ceux qu’il a choisis, charge
ensuite à ceux-ci de faire ce qu’ils jugent bon de faire…et de l’assumer. Nos
élus le sont pour prendre des décisions et les appliquer et non pas pour faire
ce que le Peuple aura décidé !
En tout état de cause, compte tenu de notre propension à utiliser le
référendum comme moyen de contester le pouvoir, en organiser un pour débloquer
une situation, c’est comme faire appel à un pyromane pour éteindre un feu !…il
ne restera du projet que des ruines fumantes, mais bon, ce n’est pas grave,
c’est le Peuple qui l’aura voulu !