Tu va au match ?

Publié le 09 mars 2008 par Patrick

C'est l'histoire de plein d'enfants et de leurs pères, et des pères de leurs pères et probablement de leurs pères déjà. Quatre générations unies dans la mémoire, quatre pelotons serrés dévalant la "Grand-Rue", virant à droite rue Claude-Odde avant de franchir la voie du train et découvrant, au cœur de l'hiver soudain chaud, les piliers d'acier et la couverture de tôle du Stade Geoffroy-Guichard.

Des générations s'en sont allées avec la même passion et un enthousiasme inébranlable, brailler leur ferveur aux efforts d'une équipe de football, leur équipe, les Verts . Qu'a t-elle donc de plus que les autres cette équipes-là ? Sa couleur ? Ils ne l'ont même pas choisie. De par le monde il existe plein de célèbres maillots bleus, d'illustres tuniques blanches et de glorieuses tenues rouge, mais très peu d'uniformes verts. D'ailleurs, en plus de 70 ans, du vert tendre au vert bouteille, de rayures blanches sur fond vert en parements blanc ou tricolores, de volées de bois verts en vertes et pas mûres, toute la palette chlorophylle y est passée. Et que dire de ceux qui ont tenté d'y coller leur image ? Il en est des historiques comme Manufrance et Casino, des fédéraux tel que KB Jardin et RTL ou encore des providentiels, Cake Rocher par exemple. C'est l'histoire qui leur a confié cette couleur naturelle s'il en est, parce qu'elle était en 1933 celle des "Etablissements Economiques du Casino".

Ce que ce club a de plus que les autres réside probablement tout entièrement dans cette fidélité pour des hommes et à leurs idées, au travail bien fait et à la parole donnée, à nos virées de grand adultes un peu nigauds. A cet espoir jamais déçu d'échanger avec son voisin de tribune des regards entendus et des propos définitifs. A Saint-Etienne, monsieur, on ne va pas au match parce qu'on n'a rien d'autre a faire, ni parce qu'on n'a pas mieux a faire ! Mais parce quand il y a match, on va au match, point final. Pourtant dans les cinémas stéphanois, les films sortent à la date convenue, comme à Paris ! Comme a Nantes, les rives de la Loire offrent à qui veut en profiter des occasions de flâner le nez au vent. Comme a Marseille, il y a aussi du basket, de l'athlétisme et même des baveux et des jardins ouvriers. Comme partout, on peut aussi dîner entres amis. Et même, on ne s'en prive pas, histoire de refaire le match.
Mais pas avant 22 heures ! Comme à Lyon, non, pardon, beaucoup plus qu'à Lyon, il y a la foi en une bonne étoile (celle des 10 titres de Champion de France qui orne et ornera toujours le maillot vert) et l'espérance en un bégaiement de l'histoire, d'une grande histoire, pleine de poteaux bien ronds et de virages sur l'aile. A y regarder de plus près, on constate que notre vie est faite d'une succession d'habitudes soigneusement maquillés en idées géniale. "tu vas au match ?", voilà une belle phrase !

On va au match, pas par devoir comme on irait à la messe, mais par amitié et connivence, comme on va "en visite" chez un ami. On se retrouve devant les grilles, on s'englutine aux guichets, et on nettoie son siège avant de s'installer malgré le fait qu'on sera souvent debout. Et on le sait très bien, mais c'est comme ça. Au rythme d'assauts majestueux et de crochets déroutant, de folles envolées et de remontées désespérées, on se bourre les côtes de coup de coude, on commente, on encense et on assassine. Un match a Geoffroy-Guichard, c'est tout ça et d'autres choses encore. Alors, on peut lire l'histoire de l'Association Sportive de Saint-Etienne de multiples façons. Rechercher les grands matchs qui ont enflammés notre enfance ou ceux qu'évoquent nos pères à la veillés. Partir sur la trace des joueurs mythiques, ceux qui furent de grands footballeurs parce qu'ils étaient de grands bonshommes.
Se remémorer le caractère d'un grand président, entrevoir le charisme de quelques brillants entraineurs ou remettre des visages sur des noms, des images sur des souvenirs, des mots derrières des flashes. Bien des clubs peuvent se targuer d'être grand voir immense, de provoquer des passions démesurées, des liesses sans fins et des fins sans haine. Mais rares sont ceux qui ont su préserver cette ferveur par-delà leurs échecs, leurs faiblesses, leurs lâchetés et leur bassesses.

Les verts n'ont rien gagné depuis 1981, année de leur dernier titre de Champion de France. La belle affaire ! Elle n'en est que plus belle justement. On peut lire dans ses rides comme dans un livre. La préférer ainsi. Lui trouver même un surcroit de charme, un supplément d'âme. L'ASSE arbore ses cicatrices non pas avec fierté, il n'y a pas lieu, mais avec franchise et honnêteté. Elle est comme elle est, simple et sincère. Après avoir joui d'une bonne longueur d'avance, les Verts peinent désormais de plein d'autres retard. Ce n'est certainement pas demain qu'ils descendront à nouveau les Champs-Elysées. On dira que ce n'est plus dans leur standing ! Malheureusement, ce n'est plus dans les usages d'une société, sportifs compris, de plus en plus tribale. L'OM sur la Canebière, l'OL place Bellecour, l'AS Monaco au Palais princier... et les héros seront bien gardés.

Si les Verts semblent aujourd'hui renaitre de leurs cendres, ce n'est que pour mieux nous enflammer. Souhaitons simplement qu'ils ne se brûlent pas les ailes. Et puis, tant pis, si nos lendemains ne devaient pas être aussi beaux que dans nos rêves. Tant qu'il y aura un ami pour vous interpeler d'un joyeux " On va au match ? ", c'est qu'il y a de la lumiere du coté de Geoffroy-Guichard. Et ça, c'est bien l'essentiel.

C'est l'histoire de plein d'enfants et de leurs pères, et des pères de leurs pères et probablement de leurs pères déjà. Quatre générations unies dans la mémoire, quatre pelotons serrés dévalant la "Grand-Rue", virant à droite rue Claude-Odde avant de franchir la voie du train et découvrant, au coeur de l'hiver soudain chaud, les piliers d'acier et la couverture de tôle du Stade Geoffroy-Guichard.

Via Mong World, de l'ami Pixota :)