- Le scandale de l’amiante
L’entrepreneur suisse Stephan Schmidheiny et le baron belge Jean-Louis de Cartier ont été condamnés par le tribunal de Turin ce lundi 13 février à 16 ans de prison pour le scandale de l’amiante, décision à laquelle ils vont faire appel. La contamination par l’amiante a été en Italie à l’origine de 3000 morts, riverains des usines Eternit et ouvriers travaillant dans les usines.
Eternit est un groupe présent dans le secteur de la construction, et à partir de sa création au début du siècle dernier et jusqu’en 1994 a utilisé l’amiante dans la fabrication de matériaux de construction, le fondateur du groupe étant également l’inventeur de l’amiante-ciment. L’inhalation des fibres d’amiante est dangereuse pour la santé, et l’exposition à ce minéral serait à l’origine de centaines de milliers de morts en Europe
Les conséquences néfastes de l’exposition à l’amiante ont été révélées dans les années 70 en France, à l’origine du « scandale de l’amiante » et provoquant l’interdiction de son utilisation dans de nombreux pays depuis 1997. Il aura fallu attendre 5 années d’enquête et 3 ans de procès (depuis décembre 2009) avant de pouvoir condamner les dirigeants d’Eternit. Le procès de lundi a réuni plus de 6000 parties civiles, surtout des victimes et des proches.
- La condamnation des dirigeants
Le milliardaire Stephan Schmidheiny et Jean-Louis Cartier ont donc été condamnés à une peine de prison de 16 ans par contumace, jugés responsables de la mort en Italie de 3000 travailleurs et habitants proches des usines. En outre, ils devront verser des dizaines de millions d’euros de dommages et intérêts aux victimes.
Le non respect des règles de sécurité au travail sur la manipulation de l’amiante dans quatre sites de production italiens et la « catastrophe sanitaire et environnementale permanente » de la part des deux dirigeants explique cette condamnation historique. En effet, l’inhalation de l’amiante a provoqué des cancers et autres maladies respiratoires pour les ouvriers et riverains des usines.
Le Monde met en avant le fait que les industriels et leurs soutiens ont refusé tant qu’ils pouvaient « de financer les mesures de protection nécessaires face aux risques pourtant avérés de ce minéral ». Ils sont même allés jusqu’à « dissimuler les dangers pour maintenir l’amiante sur le marché, prétextant qu’il était indispensable ». Enfin, le journal dénonce le temps « gagné » par l’entreprise, en retardant les procédures engagées, dans un unique souci de bénéfice financier supplémentaire. Cependant, les risques de l’amiante étaient bien connus, mais dissimulés aux employés, exposés à l’amiante durant de nombreuses années.
- Le cas de la France
Le Sénat rapporte que 35000 personnes sont déjà décédées dans le pays suite à l’exposition à l’amiante, provoquant des mésothéliomes ou des cancers broncho-pulmonaires. Cependant, entre « 50000 et 100000 décès sont encore attendus d’ici 2025 » à cause de la lenteur du développement de la mésothéliome (30 à 40 ans). Enfin, l’OIT (Organisation Internationale du Travail) précise qu’environ 100.000 personnes par an meurent à cause de l’amiante. Les métiers du bâtiment sont particulièrement touchés par les risques liés à l’exposition prolongée à l’amiante.
En France, l’issue du récent procès amène à penser qu’un jugement similaire pourrait être rendu. L’avocat français Jean-Paul Teissonnière confirme pourtant que des plaintes ont été déposées dès 1996 en France, classées sans suite.
Mais Jean-Michel Scharr, avocat ayant défendu des victimes de l’amiante, reste plus sceptique et explique pourquoi le procès en Italie n’entraînera pas un procès automatique en France. « En France, en droit pénal, il faut trois éléments pour établir une infraction : une loi qui interdit et qui sanctionne, une action précise à interdire, et surtout, l’intention de faire cette action interdite. Or, ces trois éléments n’ont pas été constitués contre les fabricants de l’amiante, lors du procès français ». « Sur le plan civil, c’est différent. L’auteur des faits peut être reconnu responsable des dommages causés par l’amiante. Dans ce cas il n’y a pas de sanction pénale, mais obligation de réparation avec paiement de dommages et intérêts. » Il faut espérer que les autorités françaises ne pourront plus rester insensibles aux désastres sanitaire provoqué par le groupe.
- Avis Sequovia
Le procès de lundi vient de prouver la responsabilité des dirigeants dans le scandale de l’amiante, où l’aspect économique a toujours primé sur les conditions de travail des collaborateurs ainsi que sur les risques environnementaux et sociétaux. Malgré cela, les conséquences désastreuses sur la santé risquent de perdurer avec l’effet « bombe à retardement ».
Les principes de la responsabilité sociétale des entreprises ne peuvent plus être occultés par l’exigence financière, et nécessitent d’être pris en compte au niveau stratégique et opérationnel. Dans le cadre d’une démarche de développement durable, toute entreprise doit impérativement prendre en compte son impact sur toutes les parties prenantes, qu’elles soient internes ou externes.