Regroupant les grognards déterminés d’un candidat Bayrou indépendant en 2007,
le Nouveau centre est devenu le syndic des élus soumis à l’UMP. Cherchez l’erreur…
Ce renoncement prévisible intervient au lendemain de l’annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy et quelques jours après une entrevue avec lui (le 12 février 2012).
Très officiellement, c’est dans "Le Figaro Magazine" de ce vendredi 17 février 2012 qu’il l’annonce où il admet : « Ma détermination ne doit pas
tourner à l’obstination. ». Conclusion, faisant fi de sa différenciation depuis plus d’un an, il soutient la candidature de Nicolas Sarkozy.
Le choix du premier tour reste cependant contraire à la cohérence programmatique du Nouveau centre :
« Notre choix est clair. Notre parti est au centre et nos alliances sont à droite, historiquement et philosophiquement. Nous ne voulons ni de l’ambiguïté de François Bayrou, ni de
l’archaïsme du projet socialiste. Nous voulons que nos valeurs soient portées et respectées. C’est pourquoi j’apporterai mon soutien à Nicolas Sarkozy. J’avais d’ailleurs indiqué, lorsque j’étais
candidat, que je lui aurais apporté mon soutien au second tour. ».
Hervé Morin a cependant admis la véritable raison de la pseudo-candidature : « Nous avons gagné
en notoriété, en reconnaissance, et nous savons que ce capital se traduira demain en succès électoraux. » avec sans doute trop d’optimisme puisqu’il a paradoxalement reconnu
aussi : « Je n’ai pas réussi à créer une dynamique électorale suffisante et j’en assume totalement la responsabilité. ».
C’est un peu cela, une précampagne, des enfants utilisent la cour de récréation pour avoir un peu d’écho
médiatique et lorsque la sonnerie retentit, ils laissent place aux grandes personnes, aux candidats "sérieux".
Hervé Morin,
pourtant, n’avait jamais été autant sérieux. Il y croyait vraiment, mais hélas, il a toujours oscillé autour de 0,5% d’intentions de vote dans les sondages. Lui, il comptait plutôt autour de 5%,
histoire de prendre date et de devenir incontournable dans la recomposition des partis centristes après
2012. La mission est ratée. C’était prévisible ; difficile de se différencier pour un ancien ministre régalien du Président-candidat.
Profitons-en pour revenir sur le Nouveau centre, son parti.
Naissance du Nouveau centre
Le Nouveau centre a été envisagé entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2007, très largement
encouragé par le candidat UMP pour siphonner les moyens matériels de François Bayrou. Alors que la plupart
des députés UDF sortants voulaient soutenir au second tour le candidat Nicolas Sarkozy, François Bayrou
avait refusé de pencher d’un côté (il dira par la suite qu’il avait voté blanc) et avait voulu profiter de ses plus de 18% des voix du premier tour pour fonder le MoDem et engager une nouvelle
dynamique auprès des citoyens.
Les députés UDF sortants, craignant pour leur réélection (candidats élus d’habitude dans le cadre d’une
alliance avec la droite parlementaire), ont refusé la décision personnelle de François Bayrou de refuser toute alliance et se sont présentés sous l’étiquette précipitée du "Parti social libéral
et européen" en attendant mieux. Seul Jean-Christophe Lagarde s’est présenté sous l’étiquette du MoDem sans
concurrent UMP dans sa circonscription à Drancy et a rejoint quelques jours plus tard le Nouveau centre en en devenant le numéro deux (président exécutif).
Les autres députés (pas tous réélus, comme Bernard Bosson, battu par un UMP à Annecy) se sont donc regroupés sous la bannière du Nouveau centre le 29 mai
2007 (le congrès fondateur a eu lieu le 16 mai 2008 à Nîmes). Ils ont pu préserver un groupe parlementaire à l’Assemblée Nationale tandis que François Bayrou n’avait plus que trois députés autour
de lui, puis deux après la défection de Thierry Benoît (élu face à Martie-Thérèse Boisseau, députée sortante UMP proche de Pierre Méhaignerie), qui a rejoint l’Alliance centriste de Jean Arthuis
et s’est apparenté au groupe Nouveau centre à l’Assemblée Nationale.
Le Nouveau centre était donc né sur l’idée de recréer l’UDF d’avant François Bayrou, avec sa traditionnelle alliance avec le RPR (devenu l’UMP), comme supplétif centriste
d’une majorité prédominée par les néo-gaullistes. Au point même de vouloir en dérober le sigle. Cette
naissance s’est faite sur les bases très troubles d’une trahison réciproque.
Les uns (NC) ont considéré que François Bayrou les avait trahis en se positionnant trop à gauche (avec en
2009 un meeting en commun avec des socialistes et même Robert Hue, l’ancien secrétaire national du Parti communiste français) ; et les autres (MoDem) ont pensé au contraire que c’étaient les
députés UDF sortants qui avaient trahi François Bayrou en se ralliant précipitamment à Nicolas Sarkozy (jusqu’à devenir membres du gouvernement, en particulier Hervé Morin à la Défense pendant
trois ans et demi).
Les deux camps ont eu tort ou raison. D’un côté, soutenir la candidature de Nicolas Sarkozy (ou de Ségolène
Royal) au second tour ne pouvait pas être une trahison de François Bayrou qui n’était plus candidat. D’un autre côté, rester cohérent et constant avec toute la campagne du premier tour
(indépendance totale, refus de s’allier avec la droite ou la gauche) ne pouvait pas non plus être une trahison.
C’était surtout un choix stratégique important qui a cassé en deux les centristes, un peu comme le Centre
démocrate de Jean Lecanuet a vu une partie de ses parlementaires soutenir Georges Pompidou au sein du CDP (Centre démocratie et progrès) sous la houlette de Jacques Duhamel et Joseph
Fontanet (en particulier Pierre Méhaignerie, Bernard Stasi et Jacques Barrot).
L’idée du Nouveau centre, qui était admissible, c’était de penser qu’il pourrait influencer la politique
gouvernementale en étant à l’intérieur de la majorité. La réalité est qu’il n’a jamais influé sur rien, ni sur le désendettement, ni sur les valeurs sociales, et qu’il a été d’un étourdissant
silence au moment du discours estival de Grenoble.
Pourtant, les idées politiques du Nouveau centre sont très peu différentes de celles du MoDem puisqu’elles
sont issues du même "corps de doctrine", à savoir le personnalisme social. D’ailleurs, les principaux soutiens du candidat François Bayrou en 2007 étaient les députés NC d’aujourd’hui.
Vitesse de croisière
Concrètement, ce parti a été le syndicat des élus centristes voulant le rester. À la suite d’un tour de
passe-passe qui n’a pas embelli la démocratie, le NC a même réussi à trouver une source de financement autonome (grâce à un obscur parti d’outremer, le Fetia Api), au contraire du Parti radical valoisien. Il avait échoué aux législatives pour obtenir un statut de parti financé par l’argent
public malgré les innombrables candidatures des proches, amis, parents des principaux élus du Nouveau centre.
Au fur et à mesure des années, le Nouveau centre s’est développé, tant parmi les militants, que parmi les
élus, et également dans ses réflexions, organisant de nombreux colloques sur des sujets politiques, économiques et sociaux.
D’un point de vue électoral, le Nouveau centre a pu préserver un groupe à l’Assemblée Nationale (vingt-quatre
députés), et a su se renforcer avec l’élection, en juin 2009, de trois députés européens NC (dont Jean-Marie Cavada et Damien Abad), et de soixante-quinze conseillers régionaux en mars 2010.
Mais ces gains électoraux ne sont pas le résultat d’une performance électorale, car, contrairement aux
intentions initiales, jamais le Nouveau centre n’est parti seul dans les scrutins de liste et il n’a fait que négocier (plutôt efficacement) des strapontins sur les listes de l’UMP.
C’est pourquoi le Nouveau centre, finalement, n’est devenu qu’une filiale de l’UMP sans vraiment d’intérêt
politique. Il n’y a eu aucune différenciation jusqu’à l’éviction d’Hervé Morin du gouvernement.
Par la suite, la candidature d’Hervé Morin a cassé l’unanimisme au sein du Nouveau centre, surtout pour des
raisons post-2012. La menace d’un score ridiculement bas (moins de 1%) effrayait les parlementaires NC dans une alliance où le rapport de force est l’élément principal de négociation (à cet
égard, les écologistes ont eu raison d’avoir négocié les investitures aux législatives bien avant l’effondrement dans les sondages d’Eva Joly).
Le récent ministre François Sauvadet est effectivement partisan d’un soutien immédiat à Nicolas Sarkozy.
Jean-Christophe Lagarde, en discussion avec François Bayrou, a finalement rejoint lui aussi Nicolas Sarkozy jusqu’à soutenir les propositions présidentielles des deux référendums qui contredisent
pourtant les valeurs qu’il prétend défendre.
Rappelons que le 27 mars 2007, il y a cinq ans, Jean-Christophe Lagarde déclarait ceci : « Dans les couloirs de l'Assemblée Nationale, de nombreux députés me disent partager
le souhait de François Bayrou de dépasser le clivage droite-gauche, mais à la tribune, ils se sentent obligés d'en rajouter dans l'excès. C'est une duplicité permanente qui pousse à la caricature
de la position de l'adversaire. Quand les gens s'imaginent dans un rapport d'individu à individu, ils vivent ensemble. Quand ils s'imaginent collectivement, ils se divisent, y compris
politiquement. On a enfermé les citoyens dans des boîtes, on a séparé les "méchants" des "bons". Si vous êtes pauvre, le méchant c'est le patron. ».
Mais même insoumis à l’UMP, le positionnement d’Hervé Morin manquait totalement de cohérence puisque
sa principale cible était… son ancien ami François Bayrou qui, pourtant, représente les mêmes idées et les mêmes valeurs, et le concurrence donc sur le même terrain électoral.
Bref, c’est ce comportement soit pro-Sarkozy soit anti-Bayrou qui montre l’incohérence programmatique du
Nouveau centre dont la principale attention est focalisée sur la réélection de ses députés en juin 2017.
Cette incohérence a renforcé la crédibilité de François Bayrou pendant ces cinq dernières années, son
autonomie totale vis-à-vis de la majorité et sa base de propositions qui a d’autant plus de poids qu’elle est soutenue dans une démarche conquérante et pas dans une attitude de soumission et
d’avalage de couleuvres.
François Bayrou, dernier rempart contre un duel Sarkozy/Hollande
Connaissant bien la personnalité des uns et des autres, François Bayrou avait d’ailleurs prévu depuis
longtemps non seulement le désistement d’Hervé Morin mais aussi celui de Jean-Louis Borloo et leur probable soutien au Président sortant pour des raisons purement électorales (investitures aux
législatives de juin 2012).
Il n’en reste pas moins que les simples sympathisants ou militants du Nouveau centre se contenteraient mal
d’une soumission pure et simple à la toute puissance de l’UMP. Autant pour eux qu’ils adhèrent à l’UMP (Il vaut mieux l’original à la copie)… ou alors quitter cet étrange parti de sous-notables
vassaux et retrouver leur autonomie auprès de la candidature Bayrou.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (17 février
2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Hervé Morin.
L’État impartial, c’est
Bayrou.
La famille
centriste.
Nicolas
Sarkozy rentre en campagne.
Pourquoi Hervé Morin se retire
(16 février 2012).
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/a-quoi-sert-le-nouveau-centre-d-110453