René Bonnaire
Avait deux frères :
Les du Courlis.
Je croyais René d’un autre lit,
Vu leurs noms différents.
Un jour lui demandant :
-Êtes-vous né du premier
Ou du second mariage
De madame votre mère ?
Il eut d’abord un geste particulier
Puis il me fit sans ambages
Une confession singulière :
-Ma mère,
Madame du Courlis
Fut rudoyée sans répit
Par celui qui aurait dû être mon père.
Il lui préférait la servante, Lison
Et les filles de son fermier.
Simon Bonnaire, alors jeune officier
Venait souvent à la maison.
Il aima ma mère et en fut aimé.
Cette liaison, personne ne l’a soupçonnée.
Je fus le seul de ses fils qui vraiment l’aima
et qu’elle aimât.
Elle mourut. J’avais dix huit ans.
Je dois ajouter
Pour votre compréhension
Qu’une séparation
Des biens avait été prononcée.
Et qu’elle avait conservé
Le droit de tester.
Nous fûmes prévenus qu’un testament
Existait chez le notaire.
René, alors, le sortit de son secrétaire,
Le déplia, le baisa et me lut :
« Je, soussignée, Mathilde de Croixlus,
Épouse de Gontran de Courlis,
Saine de corps et d’esprit,
Exprime ici mes dernières volontés.
Toute ma vie, j’ai connu l’anxiété.
J’ai souffert toute ma vie.
J’ai été épousé par calcul, puis opprimée,
Méprisée, trompée
Par mon mari.
Mes fils aînés ne m’ont pas aimée,
Ne m’ont jamais gâtée.
Je ne leur dois rien après ma mort.
Les fils ingrats sont moins que des étrangers.
Je n’ai aucun remord.
Devant Dieu, j’ose avouer mon secret.
Je laisse donc ma fortune à mon bien-aimé,
Simon Bonnaire.
Elle reviendra par la suite à mon fils si cher.
J’aurais maudit la vie
Si je n’avais pas compris
Dans les bras accueillants
De mon amant
Que le Créateur
A fait les êtres pour s’aimer
De tout leur cœur. »
Signé du pseudo : Juste Icéfête
Les serments d’amour ne comportent pas de sanction.
Publilius Syrus