Des jeux de Berlin en 1936 aux Jeux de Londres en 1948, une exposition revient sur la manipulation d'Hitler qui détourna l'idéal olympique au profit de sa propagande raciale et médiatique. Elle revient sur le boycott particulièrement intense des athlètes juifs, et sur l’éducation physique de la jeunesse française sous le régime de Pétain (7 heures par semaine à l’école) et éclaire aussi l'histoire de certains responsables du CIO qui n'ont pas été inquiétés par les mesures d'épuration après la guerre.
Jamais encore toutefois, nous n’étions venus au Mémorial de la Shoah, un espace de paix et de recueillement, à l’architecture épurée, qui plonge immédiatement dans une ambiance de douleur et de respect. D’abord, on longe le mur des noms. Ici sont gravés, classés par année d’anéantissement, les noms (76 000 dont 11 000 enfants) et dates de naissance de tous ceux qui périrent en France du fait des persécutions antisémites.
On a beau s’y attendre, cette énumération étreint le cœur. Une visite à la crypte, aussi, tombeau symbolique des six millions de Juifs morts sans sépulture, si pure et si dépouillée.
L’accueil dans ce centre d’information est, par contraste, particulièrement chaleureux. De jolies jeunes filles en veste rouge vous guident dans ce beau bâtiment. L’exposition est scindée en deux espaces : une accumulation de faits et de témoignages, de photos et d’explications, un peu touffues toutefois, un peu « tassés », mais très intéressants. Ensuite, sport par sport, une série de biographies de sportifs juifs et de leur destin contrasté : certains torturés et assassinés, certains utilisés jusque dans les camps aux fins de propagande. Le témoignage le plus émouvant, celui du nageur français Alfred Nakache. Sur l’esplanade d’Auschwitz-Birkenau où s’effectue le tri dès l’arrivée au camp, il voit partir juste devant lui son épouse Paule, tenant dans ses bras leur fille de 3 ans, directement vers la mort. En revanche, le SS reconnaît le champion et lui dit « Je suis moi aussi un nageur, vous allez à gauche, vers le lazaret où vous serez brancardier ». Il a survécu …On y apprend aussi, entre autres informations, que la première fédération française de Juiu-jitsu (et donc de judo) fut fondée par un sportif juif, Moshé Feldenkrais, scientifique collaborateur des Jolliot-Curie, que le monde sportif français fut très peu épuré après la guerre malgré l’implication certaine de ses dirigeants dans l’Etat de Vichy. Bref, une exposition instructive, émouvante, un juste rappel de l’histoire sportive et politique de notre pays et pas seulement… Ne pas manquer, en sortant, le mur des justes (au nombre de 2693) ….Bon, entre nous, l’expo n’est pas à la hauteur du lieu (architectes : Antoine Jouve et Simon Vignaud), elle aurait pu être mieux conçue, plus ample, mieux illustrée, mais elle nous a donné l’occasion de visiter ce monument, et je pense que nous y reviendrons.
En aparté, cette belle histoire d'amitié entre deux athlètes d'exception : Jesse Owens et le bel aryen blond Lutz Long, alors que Jesse vient de remporter l'épreuve du saut en longueur. Lutz Long est alors le premier à le féliciter, il tombe dans les bras de Jesse Owens devant le stade médusé. Le chancelier Adolf Hitler quitte le stade... Un geste incroyable de fraternité dans un tel contexte. L’allemand blond qui, aux Jeux de Berlin, enlace un athlète noir dans l’antre de la bête nazie, sous les yeux du führer : c’est inouï et sublime... Lutz Long le paiera d'une immédiate disgrâce avant de mourir sur le front à Monte Cassino. Jesse Owens à lui seul détruisit toute la théorie de la supériorité de la race aryenne.Le sport européen à l’épreuve du nazisme, des J.O. de Berlin aux J.O. de Londres (1936 – 1948), exposition au Mémorial de la Shoah, jusqu’au 22 mars, 17, rue Geoffroy Lasnier 75004 Paris, entrée libre (tous les jours sauf le samedi)