Au poker, il existe plusieurs courants stratégiques, dont l’un des plus présents est le calcul de la cote, c'est à dire la prise en compte des probabilités. Le mythe du « mathématicien » comme joueur de poker a largement contribuer à rendre populaire cette approche. Nous retrouvons d'ailleurs un bon exemple dans le film « Casino Royal », avec le méchant calculant les probabilités... qui se fait battre par un James Bond qui décrypte les gestes!
Une autre technique commence à faire ses preuves à savoir l’étude du non-verbal. L’un des meilleurs spécialistes du sujet est Joe Navarro, un ancien agent du FBI spécialiste des interrogatoires, qui s’est maintenant reconverti dans le coaching des joueurs de poker. En effet, nous sous-estimons les réactions corporelles lors des situations stressantes au poker. Quand un joueur de poker joue plusieurs centaines d’euros, voir plusieurs milliers pour les joueurs professionnels, il n’est pas rare de voir des micro-réactions… voir des macro-réactions ! Prenons un exemple, dans cette vidéo où deux joueurs s'affrontent, à gauche Elky (Français) et à droite Molson (Canadien), lors du PCA Hight Roller en 2009. Regardez cette vidéo :
Au contraire Molson, le canadien, montre dès le départ son anxiété : il fixe le tapis de Elky, mets ses lunettes, se frotte les cheveux, appuie son visage sur son poing. Au flop, Elky pose le piège : il sait qu’il a potentiellement la meilleure main, il « slow-play » : il montre une éventuelle faiblesse pour que l’adversaire mise. Voyant que cela ne fonctionne pas (Molson a pourtant une bonne main, mais il se montre craintif), Elky commence à miser, en gardant toujours la même stratégie corporelle : la confiance, le corps en avant, le regard fixe vers l’adversaire. Molson « se prend la tête » : il montre en avance qu’il est perdant. Il secoue la tête négativement, de manière flagrante à 2,36 min, prend énormément de temps, se cache derrière ses lunettes.
Nous observons même une micro-expression à 3,53 min, au niveau de la bouche, traduisant sa faiblesse : du dépit. Ça sera d’ailleurs cet item corporel qui précédera quelques secondes plus tard sa décision de se coucher.
Pour parler des lunettes de soleil, une croyance veut que nous pensons pouvoir tout lire dans les yeux. Sans aller jusque là, il y a effectivement des indices lisibles dans les yeux, mais j’avoue que durant mes parties, le port des lunettes chez mes adversaires ne m’a jamais dérangé. Il y a en effet moins de muscles autour des yeux qu’autour de la bouche. J’ai déjà eu l’occasion de voir un joueur se camoufler sous une capuche ! Cette personne se concentrait plus sur ce qu'elle avait à cacher que sur le jeu en lui même. C'est comme dans la communication: trop de contrôle, moins de concentration sur l'essentiel.
Pour les amateurs de poker, voici donc quelques conseils :
- Ne pensez pas que vous cacher les yeux vous rendra imperméable à toute lecture.
- Faites attention quand vous jouez avec vos jetons : la fréquence ou l’arrêt dans leur manipulation est un indice.
- La mastication : un exemple avec cette vidéo avec Molson qui mâchait un chewing gum. Ils peuvent donner des indices de nervosités, de concentration, ou même de confiance en fonction du rythme. Quelqu’un de nerveux aura une mastication rapide ou saccadé, quelqu’un de concentré oubliera quelquefois de mastiquer, et quelqu’un de confiant aura un rythme lent, posé.
- Ne vous précipitez pas sur vos cartes quand on vous les distribue : observez plutôt vos adversaires qui découvrent leurs cartes, vous verrez leurs réactions.
- Pensez à une stratégie corporelle pour le jeu (et seulement pour le jeu !) : mimez la force ou la faiblesse quand ce n’est pas le cas. Attention : c’est un risque de se faire lire plus facilement que si vous étiez de marbre. Les plus grands joueurs ont appris à rester impassible quelque soit leur main.
- Faites parler vos adversaires : le geste précède souvent la parole, vous pouvez avoir beaucoup d’indices ! On dit souvent, dans les milieux du poker, qu’il y a 50% de chances et 50% de mathématiques. Cependant je pense que l’on néglige ouvertement l’influence du non-verbal !