Les quatre chiffres de l’économie grecque qui comptent vraiment
- Depuis l’adoption de l’euro par la Grèce en 2001, le coût unitaire de la main d’oeuvre (une mesure de la compétitivité du travail) a grimpé sans discontinuer. Il est aujourd’hui 32% supérieur à celui de l’Allemagne.
- Le déficit courant de la Grèce (une mesure plus large de son déficit commercial) atteint 10% de son PIB, d’après des chiffres Bloomberg.
- Au cours de ces trois dernières années, les ménages grecs et les entreprises ont retiré 28% des dépôts qu’ils avaient à la banque, et les retraits vont en s’accélérant.
- L’économie grecque s’est contractée de 5,5% l’année dernière. Depuis 2008, la contraction totale de l’économie atteint 12%, et le consensus prévoit pour cette année une nouvelle récession, de 2,8%.
Que nous disent ces statistiques ?
1. Les travailleurs grecs ne peuvent pas concurrencer leurs voisins de la zone euro sans réduction de salaire (ou de grosses augmentations de salaires en Allemagne).
Les salaires grecs ont augmenté trop rapidement pendant les années fastes, jusqu’à 2008. Normalement, la drachme aurait compensé ce phénomène, en se dépréciant sur le marché des changes, mais au sein de l’euro, il n’y a bien sûr plus de drachme. En d’autres termes, les salaires élevés ont exclu les travailleurs grecs du marché, les investisseurs préférant investir dans des pays où les travailleurs sont plus productifs, comme en Allemagne.
2. La deuxième statistique est le symptôme d’une perte de compétitivité.
Cette statistique montre que la Grèce vit au-dessus de ses moyens : elle dépense beaucoup plus pour acheter des biens aux étrangers qu’elle ne gagne en leur vendant sa production.En fait, l’économie de la Grèce prise dans son ensemble dépense 10% plus qu’elle ne gagne et ce, même après toutes les réductions de dépenses gouvernementales.
La restructuration de la dette devrait réduire le deficit courant du pays, d’un ou deux points de pourcentage, car il réduira le montant que le gouvernement grec paie en intérêts à ses créanciers étrangers.
Mais la balance courante doit s’équilibrer, voire même afficher un surplus si la Grèce veut gagner l’argent dont elle a besoin pour rembourser ses dettes.
En attendant, l’économie grecque dans son ensemble doit continuer à financer les 10% qu’elle dépense en trop en attirant un montant équivalent du reste du monde, principalement sous forme d’investissements financiers.
Mais il y a un hic : le reste du monde ne veut plus prêter à la Grèce. C’est pourquoi le Fonds Monétaire International (FMI) et l’Union Europénne (UE) ont dû intervenir pour éviter au gouvernement grec le défaut de paiement. Et c’est aussi la raison pour laquelle la Banque Centrale Européenne (BCE) est intervenue pour sauver les banques du pays.
Les créanciers internationaux ne sont pas simplement inquiets que le gouvernement grec ne parvienne pas à rembourser ses dettes. Ils craignent que la Grèce ne quitte la zone euro.
Si cela devait arriver, alors tous les Grecs – et pas seulement le gouverment – feront défaut sur leurs dettes ou, si c’est légalement possible, convertiront leurs dettes en nouvelle drachme, qui est assurée de perdre au moins 50% face à l’euro.
3. Notre troisième chiffre révèle que la Grèce a connu une lente ruée sur ses banques, à mesure que les entreprises – et de plus en plus de particuliers – retirent leur argent des banques, pour le mettre sous le matelas, ou le transfèrent sur un compte dans une banque plus sûre, en Allemagne, par exemple.
Le problème n’est donc pas seulement que l’argent a cessé d’entrer en Grèce ; maintenant, l’argent fuit le pays.
Cela met beaucoup de pression sur le système bancaire grec, qui a de plus en plus de mal à remplir sa fonction de base, à savoir le financement de l’économie.
Ce qui nous amène à notre dernière statistique.
4. La Grèce est en recession. Les banques ne prêtent pas. Les entreprises n’investissent pas.
Les Grecs, au chômage, ou de peur de perdre leur travail, ont réduit leurs dépenses. Et bien sûr, le gouvernement a été sommé de tailler dans ses dépenses.
Malgré tout ça, l’économie grecque dans son ensemble dépense toujours trop, et a donc besoin d’emprunter aux étrangers, à hauteur de 10% de la richesse produite par le pays.
Soit la douleur des réductions de dépenses (pour tous les Grecs, pas seulement le gouvernement) continue pendant des années. Soit la Grèce abandonne l’euro. C’est le moyen le plus rapide et efficace pour éliminer son déficit courant, mais aussi le plus douloureux.
Ce qui nous amène à une toute dernière statistique, non-économique, en bonus : un sondage de novembre dernier a montré que trois Grecs sur quatre souhaitent que leur pays reste dans la zone euro.
Au moins une de ces cinq statistiques devra changer.
Cet article a été rédigé par Laurent Curau du Café de la Bourse