Analyse de la déclaration du candidat Sarkozy
Comment s'est donc déclarée cette candidature à laquelle le Président pensait "depuis plusieurs semaines"? D'abord sur le mode de la communication globale, qui laisse à penser que l'événement a été bien préparé.
Tous les présidents candidats à leur succession, depuis de Gaulle, ont dramatisé la situation dans laquelle se retrouverait la France, s'ils venaient à l'abandonner. De Gaulle ,puis Giscard, faisaient redouter le danger communiste, Mitterrand 2 présentait l'arrivée de Chirac comme un danger pour la France. Sarkozy s'inscrit donc dans une longue tradition, mais il y ajoute quelque chose: la communication. En effet, la métaphore de la tempête qu'a traversé la France, sauvée par un capitaine qui n'a pas abandonné le navire (comme celui du Concordia) est destinée à servir d'ancrage - le concept de Barthes tombe parfaitement bien - au visuel qui accompagne son slogan: Sarkozy sur un paysage de mer calme jusqu'à l'horizon. Le calme après la tempête? Mais où est le port? Où va-t-on? Où nous mène le pilote?
Affiche de la campagne 2012
C'est le deuxième moment de l'argumentation. Avec Hollande, qui, dit le candidat, aurait de "meilleures choses à faire que parler de lui", la France serait faible. On voit bien que cette phrase annonce ce qui sera son angle d'attaque principal du candidat socialiste: son manque d'expérience qui mènerait tout droit à la catastrophe, "le rêve qui deviendrait cauchemar". Là encore, Sarkozy ne fait pas montre d'imagination: il suit les traces de ses prédecesseurs.
Mais quel boussole pour le pilote? Une seule: le "bon sens". Sur ce point, on a retrouvé hier le Sarkozy populiste de la campagne de 2007. Tout ce qui le contredit est "sot" : "une personne sensée", dit-il, peut-elle contester sa réforme de la retraite?" Lui se réclame du "bon sens". Pas besoin d'être expert, pas besoin d'opposer des arguments à d'autres arguments, il suffit de se prévaloir de cette "faculté la mieux partagée", disait Descartes. Cette faculté permet évidemment de se situer du côté du peuple, masse indifférenciée, forcément vrai et raisonnable, comme le clament tous les populistes depuis toujours. Il faut remarquer, d'une part, que, là encore, Sarkozy reprend presque textuellement ses éléments de langage de 2007, quand il prétendait parler pour « tous ces sans grade, tous ces anonymes, tous ces gens ordinaires que l’on ne veut pas entendre, que l’on ne veut pas écouter ». Il va un peu plus loin dans cette direction en rejetant les politiques eux-mêmes. Ni de droite ni de gauche, c'est nouveau!, il préfère le référendum plutôt que ces lois votées par le parlement, sous prétexte que ce sont "des gens qui se connaissent et qui tournent en rond". Pour un homme qui prétendait donner un rôle au parlement... curieux, non?
Sur la forme, rien de changé. Le calme au début de son exercice, puis la machine qui se détraque quand elle rencontre la contradiction: les tics d'épaule, les négations qui se perdent... Il y a quelques années, j'avais fait un papier dans le Nouvel Obs, dans lequel je me demandais ce qu'était devenu Sarkozy à force de dire qu'il avait changé. La question est encore à l'ordre du jour: le pouvoir l'a changé, dit-il, comme l'avait changé ces mésaventures conjugales en 2007... Qu'il se rassure, cette déclaration montre qu'il n'a pas changé. Les thèmes et la forme sont bien ceux du Sarkozy populiste de 2007.