Lors de la manifestation anti-Acta à Zagreb, en Croatie, le 11 février. Photo Irumiha CC BY SA
Acta ne passera pas non plus par les Pays-Bas. Après les rejets en Allemagne, Pologne, République tchèque, Lettonie, Slovaquie, Roumanie, Bulgarie et Luxembourg, le Parlement hollandais a voté hier la suspension du processus de ratification de ce Traité international de lutte contre la contrefaçon accusé par ses détracteurs de menacer les libertés fondamentales sur la toile et l’accès aux médicaments génériques.
Les élus à la Chambre des Représentants, qui siègent à La Haye, ont soutenu une motion des membres du parti GroenLinks (les écologistes de gauche) qui demandait que les Pays-bas ne signent pas pour l’instant le traité, dans l’attente de clarifications sur les menaces qu’il ferait peser sur les droits et la vie privée des internautes.
Les élus pourront sur ce point appuyer leur réflexion sur une étude pointée par le site Torrentfreak et réalisée par deux chercheurs de Londres et Oxford à la demande du groupe d’eurodéputés verts, qui conclue que le texte d’Acta est « peu compatible avec la Charte européenne des droits fondamentaux et avec les attentes de la Cour européenne des droits de l’homme ».
« Que se passerait-il si Wikipédia, par les effets de cette politique sévère, devait adopter une attitude défensive contre ses utilisateurs ? Que faire s’il lui faut prévenir toute transgression [des droits d’auteur] avant qu’elle intervienne ? Valider toute modification avant qu’elle ne devienne publique ? De choisir systématiquement la solution la plus sûre afin de se protéger contre toute attaque ?
[...] Acta est le résultat d’une procédure qui n’a évolué que très tardivement en parodie de consultation publique et n’a intégré qu’une représentation très limitée des parties prenantes.
[...] Acta fait pencher la balance de la protection de la propriété intellectuelle bien trop nettement en faveur des ayants droit, et de façon injuste envers tous les autres. Le texte interfère avec la même disproportion avec une série d’autres droits fondamentaux et ne permet pas la prise en compte des différents intérêts concurrents, préférant concentrer tous les pouvoirs à une extrémité. Ceci rend l’ensemble du traité, selon notre opinion, incompatible avec les standards des droits humains fondamentaux déterminés en Europe. »
Hier, c’est la Bulgarie qui avait à son tour annoncé le gel de toute décision « tant que les positions des autres pays membres de l’Union européenne ne seront pas connues ». Entre 4000 et 8000 personnes avaient défilé contre le traité à Sofia samedi dernier.
Dans la foulée, le ministère de l’Économie et du Commerce extérieur luxembourgeois évacuait le texte en le jugeant inutile. « Le gouvernement tient à souligner que l’accord Acta ne va pas au-delà de l’acquis juridique actuel de l’Union européenne, a-t-il estimé. Le gouvernement n’apportera pas de changements à la législation nationale actuelle. Concernant en particulier le téléchargement illégal, le gouvernement n’adoptera pas de mesures répressives (de type Hadopi, Sopa/Pipa) allant au-delà des dispositions déjà en vigueur. »
L’accord Acta a été signé le 26 janvier à Tokyo par 22 des 27 gouvernements européens dont la France, où la procédure de ratification suit toujours son cours. Négocié entre l’Union européenne, les Etats-Unis, le Japon, le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, Singapour, la Corée du Sud, le Maroc, le Mexique et la Suisse, le texte est destiné à lutter contre la contrefaçon de manière très large, depuis les médicaments et autres marchandises, jusqu’au téléchargement illégal sur internet.
À ce jour, l’Australie, le Canada, le Japon, la Corée du Sud, le Maroc, la Nouvelle-Zélande, Singapour et les États-Unis ont ratifié le texte.