Fée d’hiver se déroule avec magie, comme un conte initiatique, découvrant des personnages pris au creux d’une nature mouvante
et matricielle.
Dans un pays du Sud de la Drôme, deux frères vivent épargnés dix-sept ans plus tôt par leur père qui d’un coup de folie assassina leur mère et se donna la mort sous leurs yeux.
Daniel est devenu mutique depuis ce drame, préférant « lire qu’être obligé d’entendre » mais surtout écrire. Avec son frère, Richard qui est revenu boiteux de la Guerre d’Algérie, il partage ce goût pour la musique et plus particulièrement pour le blues.
Leur destin croise celui de la belle et féérique Alice, une fille du pays, abîmée par son mariage avec un lointain cousin, et de Vladimir, un bucheron d’origine Serbo-croate, en exil.
Ce colosse a fui un village anéanti par la guerre et trouve refuge, au bout d'un périple jonché d’obstacles, dans l’amour et dans l’amitié mais surtout dans ces montagnes dont la forêt et le ruisseau s’accordent à sa solitude, malgré la rudesse des hivers.
Ce roman cristallin comme la neige fait vivre l’amour fraternel et transpire d’une gourmandise affectueuse pour les femmes vers qui les protagonistes semblent portés comme vers la langue.
Dans une écriture aérienne dont les flocons révèlent la beauté et la dignité des êtres, tout en faisant miroir à leur noirceur profonde et à leur vilénie, la polyphonie des voix éclot comme la sève qui remonte la feuille par les phrases. Ces voix se rencontrent et apprennent strate après strate à vibrer au ton juste…ou plutôt, elles apprennent à s’entendre et à se con-naître.
Extrait :
« La vie d’avant ressemblait à une promesse non tenue et l’avenir à un malentendu. Puis on parvient à se frayer un chemin, un ailleurs, on recréé le décor intime, on réussit même à se bâtir une nouvelle demeure. On prend ce qui vient, le travail que personne ne veut, le vent le froid la solitude et la fatigue, le temps qui passe, les jours et les heures.
Ensuite, à l’improviste, le plein s’insinue, s’insère dans le vide, un petit nerf se met à craquer. Quelqu’un surgit, vous éclaire vous traverse. Un regard ou un geste, une flamme ravivée dans le cœur, les pas du danseur. Elle vous en retire les échardes et vous n’avez qu’une envie : pouvoir, ultime tentative, convoquer les chers disparus, les réunir et recevoir leur assentiment. (…) »
Fée d'hiver,
D'André Bucher
Éditions Le Mot et le Reste, 2012