« On a c’que t’as pas et on n’a pas c’que tu as, t’aimerais habiter chez moi et moi m’en aller chez toi. » (Yvon Étienne)
Ici Brest, les Bretons parlent aux Lorrains ! Vous l’avez probablement remarqué, hier, il n’y a pas eu de nouvel article publié sur ce webzine ; c’est purement fortuit et involontaire de notre indépendance, mais il n’empêche qu’en ne sacrifiant pas à l’habitude qui est la nôtre de laisser libre cours à l’expression graouliennement correcte de nos colères, nous avons respecté la fête des amoureux en évitant soigneusement de gâcher vos embrassades par de trop durs rappels à la réalité. J’espère que vous nous en saurez gré.
Bon, revenons à nos moutons : on nous rabat les oreilles du modèle allemand, en ce moment. Nos dirigeants érigent en modèle le pays que leurs prédécesseurs nous présentaient encore comme l’ennemi héréditaire il n’y a pas un siècle : ça valait bien la peine d’envoyer toute la jeunesse du pays à la boucherie ! Mais à la décharge de nos élus, il faut reconnaître que le modèle allemand est séduisant à bien des égards.
Non, non, je ne suis pas ironique ! D’abord, politiquement : la France, qu’on le veuille ou non, est encore une monarchie : le roi a beau être élu par le peuple, il n’en reste pas moins que ce n’est jamais le plus apte à gouverner ou celui dont le programme est le plus à même de défendre les intérêts du peuple qui est élu mais toujours le plus « charismatique », c’est-à-dire celui qui joue le mieux le rôle de père fouettard qu’un peuple, qui n’a toujours pas fait le deuil d’un monarque qu’il a exécuté en 1793, attend de son chef d’État. L’Allemagne, elle, a un vrai régime parlementaire, ce qui permet au peuple de voter pour des idées et non pas simplement pour de l’esbroufe : sans ça, vous croyez qu’une femme…disons pas très jolie aurait pu devenir chef du gouvernement ? Surtout dans un pays où les ressortissants de l’ex-RDA, dont Angela Merkel, sont encore pratiquement perçus comme des sous-citoyens ?
Un autre avantage de ce régime parlementaire est qu’il permet à des formations politiques autres que le SPD ou la CDU d’exister et d’avoir une réelle influence sur les orientations politiques du pays : ainsi, les écologistes avaient obtenus des socialistes l’abandon du nucléaire civil puis l’ont ré-arraché, au terme d’une forte mobilisation citoyenne, aux chrétiens-démocrates qui étaient revenus sur cette décision. Cela nous fait donc deux autres avantages du modèle allemand : premièrement, le gouvernement écoute encore le peuple quand il se mobilise, ce qui n’est plus le cas en France depuis un bout de temps. Deuxièmement, évidemment, l’Allemagne a renoncé à l’énergie la plus coûteuse, la plus polluante et la plus dangereuse à avoir jamais été inventée, choix d’autant plus judicieux qu’aucun économiste sérieux ne vous recommanderait aujourd’hui d’investir dans le nucléaire, qui coûte plus qu’il ne rapporte : on se demande par qui sont dirigés les pays qui s’obstinent à conserver cette énergie…
D’autre part, l’Allemagne peut se vanter de constituer un modèle en matière d’intégration des immigrés : à croire qu’un sinistre épisode de son histoire lui a fait comprendre à quoi pouvait mener le rejet de l’autre et l’a donc amenée à ne pas vouloir adapter la réalité à des fantasmes plus ou moins malsains mais au contraire à adapter sa législation à la réalité migratoire. Certes, Merkel a eu des mots assez malheureux à ce sujet à une époque, mais la politique migratoire de l’Allemagne n’a finalement pas été remise fondamentalement en cause, pas au point, en tout cas, de stigmatiser systématiquement la population d’origine immigrée. Le pari fut d’autant plus gagnant que les immigrés ont apporté leur force de travail à la RFA dans les années 1970 et contribué directement au « miracle économique » de ce pays. En matière économique aussi, bien évidemment, l’Allemagne constitue un modèle, notamment sur un point peu connu du grand public : ce pays s’est retrouvé trois fois en défaut de paiement au cours du XXe siècle…et n’a jamais remboursé sa dette ! Là aussi, je dis oui : si nous pouvions nous aussi être débarrassés à si bon compte de la chape de plomb de cette sempiternelle « dette », nous serions bien contents ! Et dans le domaine social, alors ! Le bilan est vite fait : saviez-vous que les Allemands travaillent 1390 heures par an contre 1554 heures pour les Français et 2119 heures…pour les Grecs ! Et pourtant, personne ne traite les Allemands de fainéants et d’improductifs, bien au contraire, l’Allemagne reste le plus important pays exportateur européen ! Là aussi, travailler moins mais mieux, je suis à 100 % pour !
C’est curieux, ce ne sont pas ces aspects du modèle allemand que les gouvernants français mettent le plus en valeur. On de demande pourquoi… Allez, auf wiedersehen, les poteaux !