Les juifs à la veille de la seconde guerre mondiale :
30 janvier 1933: alors que l’Allemagne est durement touchée par la Grande Crise et que plus de 25% de sa population active est au chômage, Hitler est nommé chancelier ; pour le citoyen allemand lambda, c’est une lueur d’espoir ! Car en effet, comme le proclame le parti nazi, la situation catastrophique que connait son pays ainsi que les longs mois de vache maigre qu’il a endurés sont imputables à une minorité : les juifs. Ce sont eux qui sont à l’origine de la crise, du chômage et la défaite de 1918. Nul doute qu’ils doivent payer pour le tort qu’ils ont causé !
Ce discours, relayé par les organes de propagande du parti nazi, n’a pas seulement permis de justifier les exactions du nouveau pouvoir, il a également défini de manière totalement arbitraire l’ennemi commun de tous les « vrais » allemands. Dès lors, tous les maux leur furent imputés et les fautes du pouvoir en place présentées comme les conséquences d’un complot diabolique des juifs contre la grande Allemagne.
Les financiers au lendemain de la crise des subprimes :
Janvier 2012 : en pleine campagne présidentielle française, les principaux candidats attribuent l’entière responsabilité de la crise des subprimes et des dettes souveraines aux financiers. « La guerre de la finance contre la France est déclarée », claironne Jean Luc Mélanchon, « mon adversaire (…) c’est le monde de la finance», surenchérit François Hollande au Bourget. Si les politiciens de tous bords se déchirent sur les mesures à mettre en œuvre pour sortir du marasme économique, ils s’accordent au moins sur un point : les financiers doivent payer. Quoi de plus normal après tout ? Ne sont-ils pas responsables de la crise, du chômage, du surendettement de l’Etat et du mal-être des citoyens ?
Les français se mettent à rêver d’un changement et d’une prospérité retrouvée pour lesquels ils n’auraient aucun sacrifice à concéder. La retraite à 60 ans, le déficit de la sécurité sociale, la faillite de l’Etat, pourquoi devrions-nous payer quand les responsables de cette situation s’en mettent encore plein les poches ?
Pas d’amalgame, mais des similitudes troublantes :
Il n’est pas ici question d’exonérer le monde de la finance de sa part de responsabilité dans la crise actuelle ou encore moins d’amalgamer la situation actuelle des financiers à celle des juifs allemands à la veille de la seconde Guerre Mondiale. Mais force est de constater qu’un même mécanisme malsain de défense a été adopté par les responsables politiques : désigner des boucs émissaires, ceux que l’opinion publique déteste et qui doivent à ce titre endosser l’entière responsabilité des soucis de leurs contemporains. Hier comme aujourd’hui, cette mascarade ne suscite qu’animosité et conflits, sources de mesures injustes et inefficaces. A la veille de l’élection présidentielle, il semble donc plus que jamais que c’est aux politiciens de présenter leur mea culpa aux citoyens dont ils ont délaissé l’intérêt depuis près de trente ans.
Jean-Baptiste Duret