Dossier spécial usine de méthanisation
LE PROCESSUS DE TRI MECANO-BIOLOGIQUE SERIEUSEMENT REMIS EN CAUSE
Par
Jean-Emmanuel Nicolau-Bergeret
Le projet d'usine de gestion des déchets prévu à Romainville (Seine-Saint-Denis) repose sur le principe du Tri Mécano-Biologique avec méthanisation (TMB-M). C'est un procédé que France Nature Environnement (FNE) [4] considère comme peu adapté à des zones urbaines denses en habitats de masse horizontaux et verticaux comme nous l'évoquions dans notre article précédent.
L'avis de l'ADEME sur le tri préalable au TMB
Dans un document publié en mai 2010, l'ADEME souligne les inconvénients du TMB sur ordures ménagères résiduelles (OMR) [6]. Elle souligne d'ailleurs comme première priorité la réduction des déchets à la source et la nécessité d'une excellence d'une collecte sélective efficace en amont en ces termes (rejoignant en cela la position de FNE) :
« Tout mode de traitement des déchets ménagers ne doit être envisagé qu'en complément d'actions ambitieuses sur la réduction des déchets à la source. Par ailleurs, la collecte sélective efficace des matériaux, des déchets organiques et des déchets dangereux diffus reste le garant des performances des filières de recyclage et de la valorisation. Elle doit être étudiée en priorité » .
L'industrie et la distribution se doivent donc de se remettre en question pour modifier leurs conditionnements dans le but de réduire leurs emballages proposés au public. De même, le consommateur s'avère être le maillon faible dans la chaine de tri avant collecte. A l'heure actuelle, ce tri n'est pas efficace dans l'habitat collectif alors-même que ce tri est réduit à seulement deux conteneurs (pour Noisy-le-Sec du moins - Trois à Romainville selon le Blog "Les Grands champs) : Bon nombre de conteneurs de recyclables sont viciés par absence de tri ou tri non respectueux de consignes pourtant simples.
Qu'en sera-t-il lorsque le consommateur devra affiner ce dernier ?
Cette position est partagée par Europe-Ecologie Les Verts de Haute-Loire dans un billet daté du 28 décembre 2011 [7] « Le TMB n'est pas une solution "écolo", ni une solution pour produire du compost de qualité car la réflexion sur le tri et la séparation des déchets en amont est donc reléguée au second plan (sans même parler de la prévention en amont). A quoi bon trier si la technologie le fait pour nous ? ».
C'est un des nombreux griefs avancés par l'ARIVEM dans son process de réflexion globale sur le projet de Romainville qui voit de fait son questionnement légitimisé sur ce point.
Les avantages du TMB selon l'ADEME
Dans le principe, les avantages sont nombreux si le tri avant collecte est efficace (écarter les déchets spéciaux tels que peintures, solvants, produits chimiques domestiques,...) puisque le TMB permet le recyclage évitant par là même l'enfouissement ou l'incinération, favorise la production d'un compost de qualité à usage agricole et permet la production d'énergie de biogaz pour les fractions fermentescibles, peut favoriser du chauffage urbain ainsi que la production d'énergie, ... Tout cela étant en concordance avec les objectifs de Grenelle 1 & 2.
Des avantages sérieusement relativisés
Mais ces avantages de principes sont sérieusement relativisés tant d'un point de vue environnemental qu'économique. Car toujours selon le document de l'ADEME [6], une installation de TMB est « (...) un investissement coûteux, dont l'économie est fortement dépendante des débouchés. S'il aboutit à la production d'un compost non conforme (...) le TMB ne peut plus constituer un mode acceptable de traitement des déchets ménagers. Les produits ne pouvant ête valorisés doivent alors être stockés en centre d'enfouissement [NDLR : Décharge]. Le coût du stockage s'ajoute au coût du TMB, sans impact environnemental positif majeur ».
Si l'usine de TMB est couplée à une unité de méthanisation, d'autres inconvénients se cumulent. L'ADEME insiste sur le « (...) le degré de compléxité [de] l'installation. Comme pour la production de compost, elle requiert des techniques de tri performantes et des conditions d'exploitations rigoureuses. De plus la chaleur nécessaire à la phase de séchage du digestat issu de la méthanisation pour le préparer à la phase de compostage représente une consommation d'énergie qui pèse sur les coûts ».
Une position dénoncée par l'ARIVEM [8] qui craint en plus d'un impact économique non négligeable supporté par les contribuables que le rapport fourniture d'énergie au public / consommation d'énergie de l'usine soit au mieux nul, voire pire, déficitaire.
Une usine obsolète avant même sa construction ?
Le Cercle National du Recycage, qui regroupe des collectivités locales et des syndicats dont le Syctom (en charge du centre de Romainville), remet lui aussi en cause le principe-même de ce procédé dans un long rapport de juin 2011 titré « Réflexions et pistes sur le traitement mécano-biologique » [9].
C'est en particulier la norme française NFU 44-051 à laquelle sont soumis les centres de TMB qui pose problème, cette réglementation actuelle « (...) va vers un durcissement des exigences [NDLR : Sous l'impulsion des normes européennes] et pourrait limiter l'utilisation de compost issu d'OMR [NDLR : Procédé prévu à Romainville], notamment en l'interdisant en agriculture ce qui poserait un problème par rapport aux débouchés.
La révision de la norme actuelle pourrait imposer de nouveaux critères et fixer des seuil plus contraignats, or rien n'assure qu'un compost répondant à la norme aujourd'hui y répondra encore avec ces nouvelles législations.
La dynamique européenne et nationale est en faveur du développement du compostage de déchets organiques collectés sélectivement. Un projet de réglement européenne devrait voir le jour en octobre 2012, il précisera que seuls les composts issus de la collecte sélective de biodéchets et respectant les critères de qualité bénéficieront du statut de produit. Les composts issus du TMB conserveront leur statut de déchets et devront alors suivre un plan d'épandage, ce qui remet en cause l'existence même des unités de TMB ».
Un comble !
Sans même que nous n'aillons déjà abordé les problèmes liés aux éventuelles nuisances et risques technologiques pour les riverains, c'est le procédé utilisé par le projet de TMB-M à Romainville qui est remis en cause : Le projet semble déjà obsolète vis-à-vis des normes des produits issus de cette éventuelle unité.
L'ARIVEM pose donc une question fondamentale : Doit-on dépenser 240 M d'euros (sans compter les surcoûts régulièrement constatés sur des installations de même type) pour traiter des déchets qui finiront ... en décharge si la norme européenne se durcit d'ici à quelques années, voir quelques mois ?
Le sujet mérite débat pour le moins.
Nous avons reçu en notre siège social de Noisy-le-Sec, François Mouthon et Rachid Boudjenane, respectivement président et membre de l'ARIVEM qui nous exposent leurs craintes quant à ce projet d'usine à Romainville.
Témoignages qui démontrent les légitimes inquiétudes quant à ce projet :
Usine méthanisation Romainville Noisy-le-Sec (partie 3 : ARIVEM)
Nos articles récents
People : Notre hommage à Whitney Houston
Environnement : Usine de méthanisation à Romainville : La position d'EELV de Noisy-le-Sec (Vidéo)
Internet : Noisy-le-Sec conserve son quintuple @ en 2012
Environnement : Ambiance électrique autour de l'usine de méthanisation
Environnement : Une usine dangereuse en zone habitée de l'Est-Parisien ?
Escorte Ministérielle de Nadine Morano : Les véhicules prioritaires et leurs prérogatives
Auteur : Jean-Emmanuel Nicolau-Bergeret
© 14 février 2012 - JENB Productions - Noisy-le-Sec
Léxique :
- ADEME : Agence De l'Environnement et de la Maitrise de l'Energie
- ARIVEM : Association des riverains de l'usine de méthanisation de Romainville
- CNR : Cercle national du recyclage
- DIB : Déchets Industriels Banals (Professionnels)
- EELV : Europe-Ecologie / Les verts
- FNE : association France Nature Environnement
- OMR : Ordures Ménagères résiduelles
- TH : Taxe d'Habitation
- TMB : Tri Mécano-Biologique
- TMB-H : Tri Mécano-Biologique avec méthanisation
- TOM : Taxe d'Ordures Ménagères
Références et sources pour l'ensemble du dossier
[1] Ministère de l'Ecologie, du Développement durable, des tansports et du logement
[2] Légifrance : Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (version consolidée au 01 juillet 2010)
[3] Légifrance : Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2012 portant engagement national pour l'environnement (Consolidée au 10 septembre 2011)
[4] « Traitement Mécano-Biologique (TMB) et Tri-compostage » par FNE le 21 février 2011
[5] « A propos de la future usine de méthanisation de Romainville » par Christophe cottard , Blog d'EELV de Noisy-le-Sec
[6] Avis de l'ADEM sur le TMB avisTMBValidemai2010__1_[7] « Tri mécano-biologique » Par Europe-Ecologie Les Verts de Haute Loire
[8] Site de l'ARIVEM
[9] « Réflexions et pistes sur le traitement mécano-biologique » Par le Cercle national du Recyclage