Fin janvier a été présenté le 5e baromètre de la Perception des discriminations au travail dans les institutions publiques et dans le secteur privé, par le Défenseur des Droits Dominique Baudis et le directeur du bureau de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) pour la France Jean-François Trogrlic. Le sondage permet de mettre en lumière les enjeux posés par la discrimination au travail.
- L’étude
Dans le cadre de l’étude, le sondage a été réalisé par l’institut CSA auprès de 510 salariés du secteur privé et de 500 agents de la fonction publique, afin de relever la perception des collaborateurs sur la discrimination dont ils seraient victimes ou témoins.
L’étude « met en lumière les principaux critères perçus comme exposant aux comportements discriminatoires, et les comportements adoptés par les agents et salariés face à de telles situations. » Il est également observé la manière dont les entreprises et institutions publiques luttent aujourd’hui contre la discrimination, et les moyens de promouvoir l’égalité des chances.
Le Défenseur des Droits et l’OIT publient les résultats des baromètres depuis le début de l’année 2008 à l’échelle nationale. Cependant, lors de la sortie du 5e baromètre le 25 janvier dernier, une convention a été signée entre les deux institutions prévoyant l’élargissement du périmètre de l’étude au niveau européen, afin de permettre une comparaison et le développement « de recherches et formations conjointes ».
- Les sources de discrimination
Tout d’abord, la lutte contre la discrimination au travail est perçue comme étant plutôt importante voire très importante à 98% dans le public et à 97% dans le privé. Ces chiffres sont relativement constants sur les 5 baromètres.
Sur les 1010 personnes sondées, 36% pensent qu’être issu de la communauté des gens du voyage est plutôt un inconvénient, 35% pour une personne handicapée, et 30% pour les personnes atteintes d’une maladie chronique. La nationalité étrangère est plutôt un inconvénient pour 29% dans la fonction publique, et 17% dans le privé. Enfin, 29% et 27% (respectivement dans le public et privé) des répondants estiment qu’il est désavantageux d’avoir plus de 45 ans.
Au niveau du nombre de personnes touchées par la discrimination, 26% des agents de la fonction publique et 28% des salariés du privé ont déjà été victimes de discrimination, chiffres constants dans le secteur public et en légère baisse sur les deux dernières années dans le privé. En revanche, 22% des collaborateurs du public et 23% de ceux du privé n’ayant pas été victimes de discrimination jugent probable qu’ils le seront un jour.
Dans le privé, le sexe, l’âge, la grossesse et le physique sont les principales sources de discrimination. Dans la fonction publique vient s’ajouter les activités syndicales comme critère dénoncé par les victimes. L’auteur de ces discriminations est à plus de 50% le supérieur hiérarchique ou/et la direction, les collègues étant dans environ un quart des cas les coupables.
- Les réactions suite à la discrimination
Dans le public, les victimes ou témoins de discrimination gardent bien souvent le secret (29% des cas dans le public et 42% dans le privé). La discussion avec les représentants du syndicat et l’encadrant direct sont des solutions tout de même employées. En revanche, la situation de discrimination pousse 12% des agents de la fonction publique à changer de poste voire à démissionner.
Les personnes n’ayant rien dévoilé à propos de la discrimination l’ont fait à 66% parce que « cela n’aurait rien changé », à 36% parce que « ce n’était pas dans leur intérêt », et à 32% par crainte de représailles. Un quart ne savent pas quoi faire dans cette situation, et 21% ne savent pas à qui en parler. Enfin, la situation paraît normale à tout le monde dans 20% des cas.
Dans le privé, les résultats sont similaires, mais avec une accentuation du phénomène de situation sans issue, puisque 40% des victimes ou témoins ne savent pas comment réagir, et 30% ne sait pas à qui s’adresser.
Pourtant, les solutions mises en avant par les répondants telles que réunir des preuves, en parler aux représentants du personnel ou syndicat, à la direction, ou au service des ressources humaines sont les plus adaptées dans une situation de discrimination (en tant que victime ou témoin).
- Comment promouvoir l’égalité
Les collaborateurs eux-mêmes doivent être les premiers à prévenir les actes de discriminations. De plus, les syndicats et représentants du personnels seraient efficaces à 75% (public) et 61% (privé) des cas dans la défense des situations de discrimination.
Seulement un quart des organisations des personnes sondées et un cinquième des représentants du personnel ou organisations syndicales font part d’un engagement de leur structure dans la lutte contre la discrimination et la promotion de l’égalité.
Les solutions mises en place dans les organisations sont par ordre de fréquence, la signature d’une Charte d’engagement, des actions de sensibilisation, mais aussi des actions de formation, un label Diversité ou Egalité, et la mesure des inégalités dans les rémunérations (surtout dans le privé).
- Avis Sequovia
Cette étude permet de mettre en avant un sentiment de fatalité de la part des collaborateurs par rapport à la discrimination, qui est banalisée dans les comportements des organisations aussi bien publiques que privées. De plus, la peur et le manque de solutions perçus par les victimes et témoins rendent plus difficiles de détecter les situations de discrimination et de venir en aide à ces personnes.
Aujourd’hui, trop peu d’organisations se préoccupent réellement du sort de leurs collaborateurs, et les solutions proposées dans le cadre de l’étude doivent être généralisées dans une démarche de responsabilité sociétale des institutions et entreprises, afin de permettre de meilleures conditions de travail, d’assurer le bien-être des employés, tout en s’inscrivant dans une stratégie durable.