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La Syrie entre révolution et guerre civile

Publié le 15 février 2012 par Copeau @Contrepoints

Existe-t-il un risque de massacre des chrétiens de Syrie ? Ce risque doit-il entrer en ligne de compte au regard des enjeux ?

Par Marc Crapez

La Syrie entre révolution et guerre civile

La dernière mode dicte de s’insurger contre le drame des chrétiens de Syrie, menacés de massacre. Contrairement aux menaces à l’encontre des habitants de Benghazi, proférées par Khadafi, mais qu’il n’avait pas eu le temps de mettre à exécution, à supposer qu’il ait été résolu à joindre le geste à la parole, le massacre des chrétiens de Syrie a, si l’on ose dire, un triple avantage en termes de crédibilité.

Primo, il serait déjà entamé. Secundo, sa véracité serait d’autant moins contestable qu’elle ne proviendrait pas d’une propagande toujours suspecte, comme celle de l’Occident contre Khadafi mais, au contraire, serait attestée par des voix discordantes, en dépit d’une propagande médiatique hostile au régime syrien et muette à ce sujet. Tertio, le sort des chrétiens de par le monde retenant fort peu l’attention des médias occidentaux, raison de plus pour penser qu’ils seraient effectivement menacés de massacre en Syrie.

Sur la base de ce raisonnement, deux conclusions sont aux antipodes : les uns veulent ménager le régime de Bachar el-Assad, dont la chute serait censée précipiter chaos et massacre ; les autres veulent, au contraire, qu’une intervention militaire occidentale précipite la chute du régime afin d’éviter chaos et massacre.

Ce serait la dernière chose à faire. Les va-t-en guerre avec, selon la formule de Camus, « le sang des autres », sont ceux qui ont maintenu l’Afghanistan dans le chaos, en voulant aider les afghans contre leur volonté, parce qu’ils étaient censés savoir mieux qu’eux ce qui leur convenait. Déjà contestable en Libye, bien qu’elle ait été unanimement réclamée par l’opposition libyenne, une intervention occidentale est à exclure dès lors qu’elle n’est pas même demandée par la majorité de l’opposition syrienne.

La situation a déjà échappé aux acteurs

Il faut résister aux poncifs et se méfier des vérités assénées par les intellectuels soucieux de prendre position au moment opportun dans le camp du Bien. Non, l’Égypte n’est pas dans une situation critique : un mouvement de foule faisant 80 morts dans un stade n’est pas étonnant dans un pays surpeuplé. Non, la Libye n’est pas un franc succès : la situation y reste explosive et la déstabilisation du Sahel offre un boulevard à AQMI.

Que les chrétiens syriens soient ou non menacés n’est plus du ressort de l’Occident. Tout simplement parce qu’il ne peut plus agir avec un minimum de ratio de réussite coûts-avantages. La situation échappe déjà à tout le monde. Comme la dette grecque, elle est hors contrôle. C’est, en l’occurrence, une guerre civile. Des djihadistes ont rejoint le camp sunnite, mais sans doute pas plus qu’il n’y a de mercenaires côté alaouite. Et soutenir le régime en place serait le meilleur moyen d’accélérer cette guérilla et de compromettre l’Occident. Il faut, à l’inverse, continuer de soutenir le soulèvement syrien, moralement, diplomatiquement et jusqu’à avaliser, le cas échéant, l’envoi d’armes légères ou de troupes par d’autres pays arabes.

La menace qui pèse sur les minorités composant la mosaïque syrienne est un secret de polichinelle. Les chrétiens ont été instrumentalisés par le pouvoir, qui leur a octroyé un traitement de faveur, ce qui les a fait haïr par des catégories de population délaissées… Il n’est même plus sûr que l’on puisse tabler qu’à un moment donné un putsch interne fasse sauter le verrou du clan dirigeant pour négocier avec l’opposition sunnite. Soit la répression l’emportera, soit, je crois, la révolution ira à son terme avec tous les risques que cela comporte et peut-être, même si les chrétiens ont à en pâtir à court terme, avec l’avantage à moyen terme d’accélérer la démocratisation du monde arabo-musulman.


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