« Toute sa vie jusque là avait été sombre, sinistre et, pour ainsi dire, silencieuse. Le hasard avait voulu qu’elle n’ait aucun pouvoir sur sa propre personne. (…) Mais heureusement pour elle, ou peut être malheureusement, l’héritage était arrivé avant qu’elle ne se fane. »
Margaret Mackenzie est une vieille fille de 35 ans. Jusqu’à la mort de son frère, elle a entièrement consacré sa vie aux autres…mais celle-ci va prendre un tournant décisif lorsqu’elle reçoit un bel héritage ! Elle décide de quitter Londres pour Littlebath en compagnie de sa nièce afin de côtoyer la bonne société.
“Elle avait décidé ne pas se satisfaire d’une vie sans vie…(…)
Elle irait dans le monde pour voir si elle y trouvait les agréments dont elle avait lu la description dans les livres. »
Très vite, bien qu’elle ne soit ni jolie ni particulièrement intelligente, les prétendants se bousculent tous plus ou moins avides de pouvoir jouir de sa fortune!
On rencontre d’abord Harry Handcock, rapidement évincé, puis Mr. Rubb, l’associé de son frère, quelque peu manipulateur et filou, Mr Maguire, un homme d’Eglise atteint de fort strabisme et enfin Sir John Bell, le cousin de Miss Mackenzie, veuf et père de nombreux enfants. Margaret ne sait pas trop à quel homme se vouer car elle ne cesse d’être déçue par l’un ou par l’autre…
Elle s’insurge également contre les stratagèmes des autres personnages, en particulier sa tante, Lady Ball, pour récupérer son argent et tout son être se révolte quand elle comprend que sa vie risque fort de ressembler à celle qu’elle avait connue avant d’hériter. « Elle avait eu un soupirant, certes, mais elle n’avait pas roucoulé avec lui » Or, Miss Mackenzie entend bien roucouler avec quelqu’un avant sa mort !
Le sel de ce roman réside principalement dans l’humour du narrateur (qui ne cesse d’interpeller son lecteur ) et dans la satire sociale de l’époque victorienne : la cupidité des hommes et des femmes et la pédanterie sont dénoncées par Anthony Trollope avec ironie.
Chaque personnage est minutieusement croqué au fil des pages. Leur évolution psychologique constitue en fait l’essentiel du roman. Margaret va profondément changer et devenir un personnage intéressant au fil des pages : “Elle n’était pas en tout point la Grisélidis soumise d’autrefois.”
Même s’il m’a fallu une bonne centaine de pages avant d’apprécier vraiment le style de Trollope (que je ne connaissais pas), j’ai bien apprécié ce roman, qui est intéressant justement grâce à son mordant !