Q : Le mobile et les tablettes semblent être au cœur de toutes les conférences marketing & digital en 2012, qu’en pensez-vous?
Renaud MENERAT : Entre juin 2008 et l’arrivée l’iPhone -qui a marqué le décollage des Smartphones- et Noël 2011 où il s’est vendu plus de tablettes que de PC, le paysage digital a été profondément bouleversé et, avec lui, la stratégie des marques. La consommation du numérique par les foyers, incluant les très courtisées « digital mums », a commencé à se fragmenter au travers de différents écrans. Le monolithique web (google + www) a vu son hégémonie remise en cause par les réseaux sociaux et l’arrivée de nouveaux écrans. Et ce qui était encore un phénomène marginal il y a quelques mois devient un réel enjeu business, notamment grâce à l’essor assez brusque de l’audience tablettes.
Q : Concernant les tablettes justement, les chiffres sont-ils là pour confirmer cette tendance?
RM : Avec près de 5 millions d’utilisateurs fin 2012 les tablettes représenteront au minimum 10% du trafic Internet en France, Apple détenant une position monopolistique. 10%, c’est un enjeu non négligeable pour des e-commerçants ou pour des médias qui sont aujourd’hui sur des secteurs très concurrentiels et/ou avec une activité traditionnelle qui s’essouffle. D’autant que, comme pour chaque segment émergent, cette audience CSP+ est sur-consommatrice, comme l’a montré une récente étude d‘Adobe, avec un panier moyen supérieur de 21% aux consommateurs internet classiques.
Q : L’usage des tablettes est-il très différent de celui sur mobile ?
RM : L’usage des tablettes se fait à 70-80% à domicile, contrairement au mobile qui, logiquement, génère un usage à 70% hors foyer. Une étude Nielsen récente montrait ainsi que 30% de l’usage des tablettes se faisait devant la TV et 21% dans le lit.
Les tablettes ont donc un double impact sur les médias traditionnellement consommés au sein du foyer, avec une cannibalisation partielle mais également un formidable potentiel d’« amplification » du signal. Deuxième écran, double écran, ou encore screen to screen, les qualificatifs ne manquent déjà plus pour illustrer cette capacité à enrichir et rendre interactive la bonne vieille télévision à papa.
On constate également un usage plus important du web vs les applications que sur les Smartphones.
Q : Justement, que conseillez-vous aux marques qui ont déjà un site web et pour certaines un site mobile ? Faut-il créer un site spécifique tablettes, notamment basé sur du HTML5 très à la mode ?
RM : Sur tablettes, la plupart des sites web existants – hormis ceux en flash pour l’iPad – sont accessibles et relativement adaptés. Beaucoup d’annonceurs vont donc se contenter de cette présence dans un premier temps.
Cependant, la mise en place d’un site sur tablette, sans être une nécessité, a fait un formidable écho au HTML5. Au-delà de la création d’un site sur tablettes l’enjeu est d’adresser la fragmentation des écrans, des Smartphones à la TV connectée. Le HTML5 est donc autant une réponse à la fragmentation des écrans que des OS.
En s’appuyant sur cette suite technologique (HTML + CSS3 + JS) que recoupe également la notion de responsive web, les annonceurs ont la capacité à déployer simplement une version spécifique pour les tablettes et d’offrir ainsi, sur une même URL, une expérience optimisée aux consommateurs, quel que soit leur mode d’accès : qu’ils surfent d’un PC, d’une tablette, d’un Smartphone ou d’une TV connectée.
Q : Le marché des applications est-il donc moins dynamique sur tablettes ? Quel intérêt pour une marque d’aller sur un store ?
RM : L’App Store iPad – qui représente plus de 95% du marché des tablettes en usage – est effectivement moins dynamique.
N’oublions pas que les applications sont en partie nées du besoin de reformater le web pour des écrans plus petits -ceux des téléphones- ce qui est moins nécessaire sur une tablette de 10 pouces.
De plus le HTML5 permet désormais l’intégration à des sites de la géolocalisation, du stockage des données ou des notifications, des fonctionnalités nécessitant jusqu’alors une application. L’intérêt fonctionnel de l’application est donc moins important. Sans parler du fait que la tablette étant dans 80% des usages connectée en Wi-Fi, l’optimisation du transfert des données via des flux type JSON est moins critique.
Il y a cependant un certain nombre de secteurs et d’usages, notamment les services de jeux, de VOD & de TV pour le grand public ou les applications professionnelles pour lesquelles une application a tout son sens.
Q : Le marché de la publicité sur tablette existe?
RM :En tout cas, il a déjà un nom, le tabvertising !
Si l’on considère que 10% du trafic Web proviendra des tablettes d’ici fin 2012, c’est un potentiel d’au minimum 30/35M€ à optimiser en display sur la France.
Le potentiel est intéressant, pour les annonceurs comme pour les régies Web, compte tenu du décalage de tarif entre les CPM/CPC/CPA web & nomade. Ces acteurs ont donc tout intérêt à commercialiser spécifiquement leur inventaire tablettes, d’autant que le point est assez facile à adresser technologiquement.
Sur le search, Google est d’ores et déjà en position quasi-monopolistique grâce à sa présence « par défaut» sur le navigateur Safari de l’iPhone & l’iPad, et bien évidemment sa mise en avant sur les terminaux Android. Le mobile, incluant les tablettes représente déjà 7% des revenus de Google en 2011 (2,5M$) et devrait monter à 25% en 2015. Il n’y a pas encore d’indicateur précis sur la part des tablettes dans ces chiffres, mais Adwords permet déjà le ciblage spécifique de ces terminaux.
Le tabvertising pourrait ainsi être le premier contributeur à la croissance du display digital en 2012.