Burial fuit les médias comme les amateurs de sa musique fuient Skrillex. Le Dieu du dubstep n’a plus sorti d’album depuis 2007… On lui devra quelques tracks sur des compilations, quelques remixes, une collaboration avec Four Tet et un très bon EP sorti l’année dernière. C’est ainsi que sort son EP Kindred, attendu comme le messie par toute la scène électro. Chronique !
Burial est l’un des artistes les plus fascinants que je connaisse. Toujours anonyme, toujours profond, il refuse de livrer tous les détails de son univers pour que l’auditeur puisse l’interpréter à sa manière. C’est un jeune homme très banal, timide, un peu tourmenté et qui vit dans une brume de mélancolie. Pourtant, il a eu une approche bien à lui de la musique. A mi chemin entre le dubstep et l’ambient, Burial a, il a de cela 5 ans, produit (en deux semaines seulement) l’un des albums les plus influents de l’histoire de la musique : Untrue. En samplant et en altérant profondément le sens et le ton de ses samples, il réussissait à créer un nouveau sens à ces phrases et à en exploiter toute la mélancolie. Le résultat était extrêmement intime, profond et intensément mélancolique. Sa musique était extrêmement reconnaissable, et bien qu’imitée par milliers, on reconnaissait immédiatement ce qui était du Burial et ce qui n’en était pas. Et la formule était souvent simple : des samples de R&B distordus à souhait, ses drums classiques aux sonorités profondes, et son ambient intense. POINT. Et on ne s’en est jamais plaint tellement le résultat était efficace et son approche du dubstep géniale. L’année dernière, avec la sortie de Street Halo EP, on a pu remarquer qu’il a adopté un son beaucoup plus varié. Il puisait toujours dans la même librairie de samples et de drums, mais on a pu remarquer un peu plus de sonorités modernes, un peu plus garage-esques par exemple.
Ici, Burial fait un énorme pas en avant. Burial révolutionne sa PROPRE musique. Il a pris un tout autre niveau, son travail est devenu extrêmement varié et complexe. Bien sûr, c’est toujours le même Burial, on reconnaîtra avec joie les drums intemporelles et la même mélancolie extrêmement profonde qu’il met en place sur tous ses morceaux… Mais on sera étonnés de voir à quel point Burial a pris les choses au sérieux. Lui qui a réalisé Untrue en deux semaines sur un logiciel douteux de Windows, qui a réalisé Archangel en une après midi pour se remettre de la mort de son chien… Il a réellement décidé de rendre son travail abouti et détaillé. La complexité des trois morceaux qui composent cet EP est impressionnante. Trois morceaux, qui durent respectivement 11:28, 7:30 et 11:45… et dans chacun des morceaux, on a droit à toute une variété époustouflante de samples, de sons, de détails, d’effets, de synthé… Ah oui, le synthé. Oui, Burial a intégré du synthé dans sa production, et c’est du meilleur effet. On trouvera souvent des sons “différents” comme dans Ashtray Wasp qui est en fait composé de deux chansons en une, ou encore l’outro de Loner qui est une chanson à part entière.
On ne peut même plus qualifier Burial de simple Dubstep Ambient… Avec la qualité de sa production, le travail prend une toute autre dimension : Il base toujours sa structure en 2/step mais c’est beaucoup plus varié. Le synthé, les drums, les détails… On entendra presque de la progressive house et du future garage sur Loner, voire de la techno. C’est très impressionnant de voir que le Dieu du dubstep voit aussi large et arrive à maîtriser ces techniques encore inconnues de sa production. Tout est extrêmement bien mené, aucune fausse note, aucun moment d’ennui.
Surtout, ce qu’on attendra le plus de la part de Burial est réalisé. On retrouve cette même mélancolie extrême et cet univers propre à Burial durant toutes ces 31 minutes de beauté. Les mêmes allées sombres, désertes et brumeuses qui s’ouvraient à nous en écoutant Untrue reviennent nous hanter. Ce froid familier, agréable mais angoissant est toujours là pour renforcer cette ambiance fantomatique qui fait tant trembler la musique intense de Burial. Les samples d‘Ashtray Wasp sont très explicites et propres à cet univers de déchirure, de relations et de tristesse. I want you, I used to belong to you, distordu et étendu sur de l’ambient superbe, avec un synthé très deep et intense, presque hanté, qui nous transporte littéralement après une période de pauses et d’ambient intense et progressif. Tout est exagéré, complexe, détaillé et extrêmement bien travaillé, à la perfection. A 4:30, la voix est encore plus déchirée, Wish I could hold you, et le synthé arrive subitement. Burial a rarement autant réussi à retranscrire cette émotion de mélancolie dans sa production. Il y a énormément de samples, de distorsions, de détails… Et petit détail fun : Burial sample deux de ses chansons d‘Untrue dedans, Untrue et Endorphin, ce qui rend Ashtray Wasp encore plus familière à l’univers tourmenté et torturé de l’artiste.
Kindred, qui ouvre l’EP, est sans doute la chanson la plus expérimentale… Après 55 longues secondes d’ambient distordue, de légers samples, on assiste à un drop de drums distordues et presque noisy, avec une basse presque mystique et violente. Le travail sur les samples est impressionnant, chaque pitch est calculé, chaque écho est à sa place, tout est maîtrisé avec la main d’un maître qui n’a fait que s’améliorer.
Si Ashtray Wasp est ce qui ressemble le plus à du Burial classique, Loner est ce qui frappera le plus les aficionados. S’ouvrant sur un superbe et mystérieux There’s something out there, on a droit à de l’ambient très aigu et fantomatique comme sur In Mcdonalds, puis les classiques drums de Burial. Jusque là, rien de douteux. Ensuite, on a droit à des échos, ça s’agite, un ambient profond et angoissant, et là, un sublime synthé loopé et très intense. Quelque chose que Burial n’a jamais encore fait, et qui rend la chanson encore plus intense et impressionnante. On retrouve toujours la même mélancolie, sur un fond de progressive house, et il réussit à mener tout ça avec une aisance déconcertante. Burial mélange modernité et classiques. Il ne fait pas que se reposer sur ses acquis, il varie encore plus son travail tout en gardant ce qui l’a rendu aussi influent.
Ainsi, au final, Burial nous offre ce qu’il a réalisé de plus complexe et de plus travaillé. Tout est extrêmement bien mené, travaillé, détaillé, varié… Le tout est très plaisant, et on se laissera emporter avec un plaisir infini dans la pureté éthérée de la mélancolie de Burial, encore une fois. Tout est humain, profond… et très varié. Oui, on peut presque danser sur Burial. Et l’artiste, déjà considéré comme l’un des plus grands Dieux de l’électro, réussit à produire quelque chose d’aussi colossal que son second album, Untrue, qui a fait sa renommée. Burial est définitivement devenu intouchable, et il sera réellement difficile de faire mieux musicalement pour un autre artiste cette année.
Vous pouvez écouter l’EP ici !
Si Mohammed El Hammoumi (Si Mohammed El Hammoumi)Etudiant de 17 ans passionné de musique underground. Je connais la musique comme ma poche et des trucs que même Discogs ignore... Je te fais découvrir les meilleures et les pires sorties, je façonne ton goût. C'est moi qui analyse la musique actuelle et qui vous cultive. Pour vous servir. http://www.facebook.com/Simoh.PT @SimohElHammoumi http://www.last.fm/user/Simoooh
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