HP-L’asile d’aliénés de Lisa Mandel

Lisa Mandel a toujours baigné dans le monde du soin psychiatrique. Pourtant, elle n'est pas psychiatre, elle n'a même jamais été internée. C'est en fait une question d'éducation ! En effet, Lisa Mandel a été élevée par deux infirmiers en psychiatrie (sa mère et son beau-père) et les anecdotes loufoques pleuvaient régulièrement à l'heure du dîner.

Alors que d'autres enfants écoutaient sagement le conte du petit chaperon rouge, la petite Lisa avait le droit à des histoires parfois cruelles, parfois invraisemblables, parfois drôles et dans lesquelles la folie avait une place de choix ! De quoi marquer et de quoi, par la suite, donner l'envie de faire une BD à ce sujet. Pour cela, Lisa Mandel s'est appuyée sur les récits de deux infirmières et de trois infirmiers afin de nous livrer des souvenirs et des récits de vie. Vous l'aurez compris, il ne s'agit donc pas de dresser un bilan objectif de la situation des établissements hospitaliers de 1968 à 1973 mais de relater des visions très personnelles d'expériences vécues. Ce parti pris donne un côté très touchant mais aussi très effrayant à ces témoignages qui se succèdent.

Touchant, tout d'abord, car on voit certains de ces infirmiers essayant de lutter contre l'Institution. En se battant contre les inepties du système et contre des injustices criantes, ces infirmiers deviennent des héros du quotidien. Ce récit est aussi très poignant car on sent, tout au long de cette bande-dessinée, le désarroi du personnel soignant et la détresse des patients.

Ce récit est ensuite effrayant pour de multiples raisons. Il y a tout d'abord les conditions de vie totalement insalubres, on peine à imaginer de telles conditions qui sont parfois comparées et comparables aux camps de concentration. Les descriptions des traitements barbares tels que les électrochocs ou les lobotomies sont parfois à peine supportables. On est également dérangé et secoué, lorsqu'un infirmier raconte qu'un patient avait le droit de cuissage sur les autres car il faisait régner l'ordre dans son dortoir. Et enfin, on est totalement terrifié lorsqu'on sent, aux travers de certains récits, que l'horreur de certaines situations ne semble plus vraiment émouvoir le personnel hospitalier tant cela est devenu habituel.

Vous l'aurez compris, Lisa Mandel nous livre ici des récits qui marquent profondément. Une bande-dessinée aux dessins sobres avec l'utilisation d'une palette de couleurs très restreinte mais d'une réelle puissance et d'une vraie efficacité. 

Chronique publiée chez les Fauteuses de trouble le 15 septembre 2011 pour le numéro traitant de la folie, vous pouvez la lire aussi ici.